Bâtir la ville de demain ? Les doigts dans le nez !

Face au phénomène de l’urbanisation galopante, confirmé en France par une récente étude de l’INSEE – Institut national de la statistique et des études économiques – publiée au mois d’août 2011, la nécessaire transition de nos villes vers un modèle de développement plus durable et respectueux de toutes les composantes de l’environnement est plus que jamais à l’ordre du jour.

Ainsi, à la lumière des données du recensement effectué en 2007, près de quarante-huit millions de métropolitains vivent dans l’espace urbain, soit 77,5 % de la population. Alors que la croissance de leur part était constante entre les années 1975 et 1990, elle s’est accélérée depuis le début des années 2000, bien qu’elle reste sans commune mesure avec la période de forte croissance économique des trente glorieuses :

–          1954 : la part de la population urbaine représente 57,3 % de la population métropolitaine.

–          1962 : … 63,2 % …

–          1968 : … 70,1 % …

–          1975 : … 72,9 % …

–          1982 : … 73,5 % …

–          1990 : … 74,0 % …

–          1999 : … 75,5 % …

–          2007 : … 77,5 % …

Que représente concrètement la notion d’espace urbain ? Deux critères permettent de le distinguer de l’espace rural, celui de la « continuité du bâti » et celui du nombre d’habitants. L’espace urbain est alors « un espace au sein duquel il n’y a pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions et dans lequel résident au moins 2 000 habitants ».

Paradoxalement, la densité de ces espaces urbains diminue, et ce depuis les années 1960. La croissance démographique de nos villes s’est donc réalisée au détriment des espaces périphériques naturels et agricoles. C’est le phénomène de l’étalement urbain : cumulée, la superficie des villes françaises représente près de 119.000 km2 en 2007, contre 100.000 en 1999 et 49.000 en 1962, sur une superficie métropolitaine totale de près de 550.000 km2.

La maitrise de cet étalement urbain constitue l’une des clefs de la réussite du développement durable de la ville. « L’objectif de développement durable » défini par l’article L 110-1 du Code de l’Environnement modifié par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, vise en effet à répondre « de façon concomitante et cohérente, à cinq finalités » :

–          « La lutte contre le réchauffement climatique ».

–          « La préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources ».

–          « La cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations ».

–          « L’épanouissement de tous les êtres humains ».

–          « Une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables ».

ecoconception.blogspot.com

La détérioration de la biodiversité et des milieux naturels et agricoles est l’une des conséquences directes et visible de l’urbanisation galopante, qui conduit dans le meilleur des cas à la fragmentation de ces milieux, et dans le pire à leur disparition. Pour lutter contre cette dégradation, la loi SRU – solidarité et renouvellement urbains – adoptée le 13 décembre 2000, a institué le principe du développement durable dans les documents d’urbanisme. Le dispositif, modifié en 2011 et codifié à l’article L 121-1 du Code de l’Urbanisme impose la recherche d’un équilibre entre « le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux » et « l’utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ». Parmi les solutions permettant de tendre vers cet équilibre figure celle du recyclage des structures urbaines existantes, au sein desquelles vont venir s’intégrer de nouveaux ensembles de logements. Mais à terme, seule une densification des agglomérations est en mesure de permettre la sauvegarde des espaces naturels et agricoles périphériques. Nos villes seraient alors amenées à croitre de manière non plus horizontale, mais verticale.

Quels avantages les villes trouveraient-elles à préserver voire à reconstituer la biodiversité et les milieux naturels et agricoles alentours ? Cette préservation permettrait notamment de réintroduire le concept historique de circuit court au profit des citadins. Il recouvre aujourd’hui l’idée d’une vente directe du producteur au consommateur, ou du moins celle d’une réduction du nombre d’intermédiaires. Mais à l’origine, et ce jusqu’au début du XXème siècle, il était matérialisé par l’agriculture périurbaine, qui approvisionnait les villes. Outre un gain financier pour le citadin, le circuit court permet de retisser le lien entre le producteur et le consommateur. Il entraine également une réduction de l’impact du transport des marchandises produites presque directement sur le lieu de consommation. En somme, il s’agit d’un mode de production et de consommation responsable.

La biodiversité ne serait pas la seule bénéficiaire d’une densification de nos agglomérations. Cette dernière permettrait ainsi de favoriser l’essor des transports en commun, dont l’efficacité serait décuplée par le jumelage des stations de métro, tramways et autres moyens de transport, aux îlots mixtes de logements et de commerces créés. La densité permet en effet de rapprocher l’habitant de ses moyens de transport en commun, et l’incite dès lors à les employer régulièrement. Elle favoriserait ensuite une mise en réseau efficiente des bâtiments tant dans les domaines de l’eau, des déchets que de l’énergie. Une partie de cette dernière pourrait dès lors être produite directement sur place, faisant fi des problèmes de stockage inhérents à l’électricité, puisque le surplus produit pourrait être consommé par d’autres citadins. Les eaux usées pourrait de leur côté être directement réutilisées à des fins industrielles. Alors que la collecte des déchets serait mieux localisée, et moins dispersée.

greenbelt.posterous.com

Le modèle danois est l’un des exemples de réussite d’une politique de maitrise de l’étalement urbain et de développement durable de la ville. Avec une superficie de 43.000 m2 seulement, préserver ses espaces naturels était pourtant une tâche difficile. Mais le pays a choisi de se doter d’une « culture planificatrice très forte » en termes d’urbanisme, au travers du « Finger Plan ». Ce plan d’urbanisme vise ainsi « à concentrer l’urbanisation autour des corridors ferrés pour former des doigts d’urbanisation dans le but de conserver entre chacun de ces doigts des intervalles verts », où tout développement urbain est prohibé, favorisant le maintien de la biodiversité et de terres agricoles. Ce plan régit notamment l’implantation des logements, bureaux et locaux commerciaux. Ainsi, les habitations ne peuvent être implantées au-delà d’une limite fixée à 1 kilomètre de part et d’autre des voies ferrées. Les bureaux quant à eux, se doivent d’être situés à moins de 600 mètres d’une gare. Enfin, les centres commerciaux sont invités à s’implanter dans les centres villes, et non en périphérie.

Qu’en sera-t-il demain du Grand Paris ? La municipalité a récemment adopté « un plan biodiversité » prometteur qui doit notamment entrainer d’ici 2020 « la création de 7 hectares de toitures végétalisées ». Elle sera l’une des pionnières des grandes métropoles mondiales dans ce domaine.

Pour vous informer, Tendances Institut organise un débat sur le thème du Grand Paris le 22 novembre,  gratuit et ouvert au public ! Plus d’info ici

 

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