Droit du sol, mon cas personnel


Jusqu’à l’âge de mes dix-huit ans, j’ai été belge. Pourtant, je n’avais jamais foutu les pieds en Belgique : en effet c’est à Montreuil et non point à Molenbeek que je naquis.

Si j’ai dû attendre l’âge de ma majorité pour devenir sujet du Royaume de France, c’est que mes parents, honte à eux, étaient nés hors du territoire national, l’un en Belgique, l’autre en Tunisie. Tu parles d’un pedigree. D’ailleurs à la maison on causait à peine le français, on baragouinait dans un dialecte judéo-belgo-tunisien, ”Comme t’y es beau mon fils adoré, une fois”, on mangeait des frites au couscous, des moules à la harissa, ma mère elle-même parlait si mal la langue de Molière qu’elle passait ses journées à enseigner le latin, le grec parfois même le français, non point à des rejetons malfaisants comme moi, mais à de véritables petits cocardiers de souche.

Si bien que durant toutes ces années, pour la simple et la bonne raison que la loi ne me considérait point comme assez français pour prétendre l’être vraiment, je me trimbalais avec une carte d’identité belge dans mon portefeuille.

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Je n’étais pas français.

Quand on me demandait ”mais t’es quoi toi au juste avec ton nom à boire de la vodka dehors ?” invariablement je répondais ” laisse tomber, c’est compliqué, moi-même je n’ai toujours pas compris ”.

C’est que mes parents avaient beau vivre en France depuis des années et des années, n’avoir d’autre résidence qu’un appartement parisien, travailler l’un pour l’éducation nationale, l’autre pour son propre compte, au nom de la Loi Toute Puissante, cela ne suffisait point : va donc voir à Knokke-le-Zoute si j’y suis.

J’étais un paria, un métèque, une pièce rapportée, un avorton à la nationalité douteuse, une demi-portion de belge pouvant possiblement devenir un jour français.

Si j’étais sage. Si j’étais capable de chanter la Marseille en m’enfonçant une bouteille de Bordeaux dans le cul.

Tu parles d’un accueil.

Point étonnant après toutes ces suspicions, remises en causes, applications obtuses de la loi, que je ne me sois jamais senti vraiment français, que j’ai toujours entretenu avec mon pays de naissance un rapport des plus compliqués, si tortueux et alambiqué, que j’ai décidé un beau jour de le quitter pour ne jamais y revenir.

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On ne dira jamais assez cette sorte d’humiliation consistant à retarder l’octroi de la nationalité pour le seul motif d’être né de parents étrangers : c’est mesquin, c’est petit, c’est tout simplement stupide, et la seule conséquence est de faire naître chez l’adulte en devenir, à l’âge où se construit sa personnalité, une forme de ressentiment, de distance et de méfiance instinctive vis-à-vis de son futur pays.

Comment se sentir pleinement français quand on vous explique que, considérant les circonstances de votre naissance et l’origine de vos parents dont nous ne sommes tout de même pas responsables, la société vous demande d’attendre dix-huit années (treize ou seize aujourd’hui) avant de vous accepter comme membre à part entière de la communauté nationale ? Comment ? Ne voit-on pas qu’avec de telles dispositions, on entretient chez l’enfant un trouble identitaire qui ne disparaîtra jamais vraiment, que ce dernier se sentira toujours étranger dans sa propre patrie ?

Aussi quand j’entends Nicolas Sarkozy, ce français de la première génération, venir nous expliquer qu’il faudrait, au regard de la situation actuelle, rendre encore plus ardue l’accession à la nationalité, j’enrage tant cette proposition est dénuée de tout fondement et n’aura comme seule conséquence de compliquer encore un peu plus l’intégration de gamins dont le seul tort est de n’être pas bien né.

Qu’elle produira même les effets contraires au but recherché : elle éloignera encore un peu plus ce sentiment d’appartenance à la patrie, socle de toute cohésion nationale.

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J’enrage encore plus quand je vois des enfants nés de parents français – il en suffit d’un – qui vivant dans des contrées lointaines, n’ayant jamais mis un pied en France, ne parlant même pas la langue nationale, devenir français au regard de cette incongruité absolue nommée droit du sang.

Un Français imaginaire qui aura des enfants qui à leur tour deviendront français et ainsi de suite, pendant des générations et des générations, sans qu’aucun de ces rejetons n’entretiennent un quelconque lien avec la France, si ce n’est celui d’avoir un vague ancêtre né un jour dans une province gauloise.

Ubuesque paradoxe.

Il n’existe qu’une seule position à adopter vis-à-vis du droit sol : est français toute personne née sur le territoire national. Point barre. Pas d’exception scabreuse. Pas de limite d’âge à atteindre. Pas de à la seule condition que blablablabla.

Rien.

                                                                                                                                                                                   Tu es né en France, tu es français… une fois !

                                                                                                                                                                                                   Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

8 commentaires pour “Droit du sol, mon cas personnel”

  1. SI vous etes ne par hasard en France et n y avez jamais mit les pieds apres l age de 6 mois vous etes aussi francais ?
    Les USA ont cette conception de la nationalite ce qui a fait qu un suisse c est fait arreter a la douane USA quand il allait passer des vacances la bas : motif fraude fiscale. Il etait ne aux USA, donc citoyen US mais comme il n y avait jamais mit le spied, il ne se considerait pas comme americain et n avait d ailleurs pas de papier US …
    Signalons aussi que le droit du sol a ete mit en place par Napoleon non pas pour de nobles raisons mais pour avoir plus de soldtas (si tu est francais a 20 ans tu dois etre soldat et ledit Napoleon avait besoin de beaucoup de chair a canon)

    Le probleme de la nationalite n est pas simple car ca touche l affectif et a quelle communaute vous vous sentez appartenir. Je ne vis pas en France mais je me sens toujours francais. Mon fils, lui a la nationalite francaise mais pour lui la france ca doit etre le pays des vacances ou d une partie de ses ancetres, pas plus. et je suppose que ses enfants ne feront meme pas les papiers pour conserver la nationalite francaise
    A l oppose vous avez un footballeur (dont j ai oublie le nom, celui de la sextape) qui declare qu il ne se sent pas francais mais algerien. Que sa nationalite lui sert que pour sa profession

    Et n oublions pas le probleme majeur: nous avons en france une minorite de racailles (appelons un chat un chat). Le genre a declencher une emute sur une plage ou a tuer car un chinois ou un juif c est forcement riche (pour prendre des ex recents)
    Comme nous sommes incapables de les reeducquer, au moins s ils ne sont pas francais, on peut les reexpedier dans leur pays d origine (possibilite supprimee par ledit Sarkozy)

  2. Justement, le ressentiment et la haine de l’administration font partie de l’identité nationale.

  3. Sarkozy c’est parti! Ça va être long. Tous les pays ont une politique migratoire sinon c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres (je fais court ce sujet est au moins aussi barbant que la burka). On pourrait améliorer en considérant que si les parents sont des citoyens permanents ou un truc de ce genre alors l’enfant né français. Mais ça ne changerait pas grand chose. Parce que dire qu’on ne se sent pas français quand on passe sa vie à leur écrire des livres dans la langue de Molière ce n’est pas très crédible…

  4. Et alors ? Où est le problème ? En quoi est-il préférable d’être français que belge ? Surtout dans l’espace européen… Tout un laius pour un bout de papier en définitive… Le droit, toujours le droit… C’est bien révélateur de la mesquinerie bourgeoise accrochée à ses petits privilèges de nantis. Etre belge, français, espagnol, la belle affaire. Un pays c’est d’abord une Histoire, ce n’est plus un territoire de nos jours et pour en faire partie, cela demande un peu plus d’efforts que de demander des papiers en préfecture.

  5. Supprimons la nationalité !

  6. Bofbof , tout et son contraire .

  7. en résumé, pour Wikipédia:
    rubrique “routard littéraire” chapitre “Sagalovitsch”:

    Originaire du Yiddishland, cet ashkénaze tunisien, longtemps de nationalité belge, parisien bien que né à Montreuil , ayant autrefois rêvé d’être français , se retrouve provisoirement canadien en attendant une hypothétique annexion de Vancouver par les Etats-Unis , ou mieux, une possible proposition de transfert australienne ou fidjienne…..
    (au titre de réfugié climatique ?)
    ( non, le mercato littéraire !.).
    .(.ah oui?)
    (il est quand même lu jusque dans la partie occidentale des Samoa)..
    .(ah oui?)
    comme aurait pu l’écrire Albert Londres : le juif errant …s’est parfois égaré.

  8. Au hasard des associations de clics on tombe sur tout et n’importe quoi. L’auteur de cet article semble cultiver la dérision au point qu’il soit impossible de savoir quand il est sérieux et quand il exagère et quand il jouit et quand il dit vrai.
    Bon.
    Quand même l’article et l’auteur se classent dans une catégorie :
    quel bonheur pour les haineux de tous poils qu’il existe une chose, la France, incarnée dans un signifiant, “lafrance”, sur quoi ils peuvent déverser tout le mal qu’ils portent en eux.
    Pourquoi attendre tout de “lafrance” ? Aucun pays au monde (ceux de vos parents par exemple) n’ayant pu vous donner le bonheur, comme c’est pratique qu’il en existe un sur lequel se venger et à qui tout faire payer !

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