Moi Monsieur, le bac, je l’ai raté et du premier coup !


Bientôt, à ce rythme-là, il sera plus difficile de rater le bac que de trouver un chat qui n’a pas sa vidéo sur Youtube.

Ce n’est même plus un examen, juste une convocation pour s’assurer que le candidat a toutes ses dents : ouvrez la bouche en grand, tirez la langue, dites trente-trois. Parfait. Admis.

Suivant.

Suffit de ne pas manquer son métro le jour du contrôle, de ne pas se tromper de centre d’examen, de présenter une pièce d’identité valable, de griffonner deux, trois bafouilles sur une collante, de ne pas oublier de la déposer sur le bureau de l’examinateur et le tour est joué.

Tout inscrit se verra décerné à la fin des épreuves un diplôme attestant sa réussite à l’examen.

BACC

Et s’il a été bien sage durant l’année écoulée, s’est montré capable de rendre une copie avec moins de cents fautes d’orthographe, n’a pas confondu Victor Hugo avec Hugo Boss ni la Chine avec le Guatemala, l’heureux élu décrochera une mention bien voire très bien et repartira chez lui avec l’impression d’avoir le monde à ses pieds.

Bienvenue à tous et bonne chance, rendez-vous à Pôle emploi dans cinq ans, vous verrez c’est spacieux, lumineux, ouvert toute l’année, la bouffe est pas extraordinaire mais c’est à volonté, vous pouvez même avoir du rab jusqu’à pas d’âge.

Oui j’avoue, je suis énervé, jaloux même quand je vois que plus de 90% d’une classe d’âge décroche son baccalauréat du premier coup, c’est une honte, une infamie, une insulte que me lancent à travers les âges les nouvelles générations, moi qui ai raté piteusement mon bac à ma première tentative, moi qui l’ai raté sans même avoir le droit à l’oral de rattrapage, moi qui ai connu l’amer goût de l’échec à l’âge où je commençais à peine à articuler mon nom sans anicroches.

J’ai quand même regardé les statistiques : en 1985, soit l’année où si je me souviens bien, je me suis rétamé en beauté à mon examen de fin d’année, seuls 65% de ma classe d’âge ont obtenu leur diplôme.

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Soixante-cinq pour cent, c’est tout de même autre chose que quatre-vingt-dix où, si on exclut d’emblée les trépanés du cerveau, les cancres de naissance, les exilés du savoir, les ceux qui sont partis en Syrie jouer à la bombe humaine, ceux qui ont confondu leur bahut avec le bowling de la zone commerciale, ceux qui ont vomi leur quatre-heures la veille de l’examen et ont fini aux urgences, les accidentés des passages piétons, les suicidés du Pont Mirabeau et les fugueurs du périphérique, on doit dépasser les cent pour cent de réussite.

Il faut dire, pour ma défense, que si j’ai ainsi échoué, c’est avant tout la faute au système.

On avait dit à mes parents ”si vous voulez que votre crétin de fils ne finisse pas à la soupe populaire, il faut le mettre en terminale C, sinon le terminal c’est exactement ce qui attend votre crétin de fils si vous l’inscrivez en A, B, D, E, F, G, H, I, J, K…Z. Compris ? Rompez. ”

Moi qui savais à peine compter, qui quand on lui parlait de géométrie dans l’espace regardait le tableau avec autant d’intelligence qu’un poisson rouge à l’heure de prendre son bain de minuit, qui prenait Cosinus pour une marque de barres chocolatées, du jour au lendemain, je me suis retrouvé parmi une armée de conscrits tous dévoués au Dieu Mathématiques et Physique Associés.

Du premier jour des cours jusqu’au dernier, j’ai traversé l’année comme un fantôme écossais, si bien que lorsque, début juin, j’ai lu l’énoncé de l’épreuve de mathématiques, je me suis demandé si durant la nuit je n’avais pas déménagé dans un pays exotique à la langue encore inconnue.

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Et quand je suis allé chercher ma collante, j’avais la mine d’un violeur récidiviste à l’heure où le jury pénètre dans la cour d’assises pour délivrer son verdict : recalé, sans circonstances atténuantes, condamné à repasser l’année suivante par la case prison.

L’année d’après, je me suis exilé sur le terminal B, j’ai navigué en père peinard, et je l’ai enfin eu ce fichu bac à sable.

Avec mention assez bien.


La classe.

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7 commentaires pour “Moi Monsieur, le bac, je l’ai raté et du premier coup !”

  1. 1962 : 2o %

  2. Bonjour,

    En fait, c’est autour de 75% d’une génération, soit juste 10 points de plus qu’à votre époque…

    http://www.education.gouv.fr/cid55597/resultats-definitifs-de-la-session-2015-du-baccalaureat-77-d-une-generation-obtient-le-baccalaureat.html

  3. Je ne vois pas comment quelqu’un qui n’a pas eu son bac du premier coup (quand bien même en 1985) peut se permettre de traiter de retardés ou de marginaux ceux qui ne l’ont pas aujourd’hui.
    Avoir une grande gueule ne rends pas plus légitime.

  4. On se demande pourquoi vous n’avez pas fait L? Vous vouliez ouvrir un commerce? Mes problèmes ont commencé en 95 au Bac français en 1ère S, c’est la première année où quelques textes m’avaient marqué mais il y en avait trop, et trop qui ne me parlaient pas, pourtant j’étais tombé sur Candide, la révélation, mais j’ai perdu tous mes moyens, pétrifié, juste là, sans souvenir, vide, face au sujet, fallait pas se laisser abattre, parler littérature, t’es qui si t’es nul en littérature? J’ai improvisé, j’ai eu 9,90 et ma carrière littéraire en a pris un coup. Ensuite en spé Bio j’ai préféré m’essayer à la pratique, l’année où mon première amour m’a dépucelé. Et puis j’ai raté la mention avec mon 8 en spé Math. Chienne de vie. Un truc m’échappe encore, on dit que si t’as pas ta start up à 20 ans t’as raté ta vie mais que désormais on est jeune jusqu’à 40 ans. Pourquoi se presser? Je repense à celui qui faisait le grand chelem, passer son bac en 6 ans au lieu de 3, je me dis que j’aurais dû faire ça.

  5. Je pense que vous vous trompez sur les chiffres, et l’évolution du nombre de bacheliers depuis les années 60 est bien plus importante que ce que vous avancez. Il y a deux taux à prendre en compte, qui augmentent tous les deux fortement :
    – le taux de réussite au Bac : ” En effet, toutes séries confondues, 60 % des candidats avaient obtenu leur diplôme en 1960, contre 84,5 % en 2012… ” (in http://www.e-orientations.com/actualites/l-evolution-du-taux-de-reussite-au-bac-et-des-mentions-dans-le-temps-10538) et autour de 90% aujourd’hui;
    – la proportion d’une classe d’âge qui obtient le Bac : c’est là que les proportions explosent, en raison notamment de l’invention sans fin de nouvelles filières : là on passe de 15% en 1960 à 30% en 1986 et on est aujourd’hui autour des 77 % !

  6. 60% des candidats n a rien à voir avec une classe d âge .
    En 1960 si il n y avait qu un seul candidat et que celui ci ait son bac
    il y aurait eu 100% de réussite ..

  7. Moi j’ai les memes indignations , mais je l’ai eu du genre “Apres moi ils ont fermé la porte”

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