D’humeur suicidaire, j’ai décidé l’autre jour de revenir en Terre de France, juste pour quelques jours, histoire de revoir la famille, saluer une poignée d’anciens camarades, administrer une raclée bien sentie à quelques détracteurs sévissant sur ce blog, nouer des contacts, en enterrer d’autres, consacrer des amitiés naissantes et prendre le pouls de la capitale.
Hier, encore en pleine déconfiture mentale, plongé dans les affres du décalage horaire qui transforme le temps en une vaste partie de mikado, les yeux ensommeillés et l’esprit tuméfié par ces changements d’horaires à répétition, je suis retourné sur les lieux de mon enfance et de mon adolescence.
L’appartement où j’avais vécu avec mes parents.
La rue où j’avais grandi.
Le quartier où je n’avais pas accompli les cent mille coups.
Le décor familier de mes années adolescentes que je n’avais pas revu depuis des lustres.
Lentement, j’ai remonté l’avenue du Général Leclerc, le cinéma Gaumont de la place d’Alésia se trouvait en travaux, on était samedi, il faisait frisquet; lugubre, les arbres décharnés lançaient des suppliques muettes vers le ciel moribond, l’hiver touchait à sa fin, c’était Paris, ce Paris que j’avais fui des années auparavant et que je retrouvais intact, immuable, figé dans cette posture d’éternité propre aux cités de la Vieille Europe.
Rien ou presque n’avait changé.
Des commerces et officines que déjà à mon époque je considérais appartenir à la préhistoire étaient toujours là, avec leurs mêmes devantures vieillottes, leurs mêmes enseignes antiques annonçant ici la présence d’une mercerie, là d’un pressing, plus loin d’une boulangerie désormais tenue par une personne d’origine asiatique, ce qui n’a pas manqué de me surprendre.
Longtemps, je suis resté devant la porte de notre ancien immeuble.
Elle non plus n’avait pas changé.
En bois massif, imposante, elle se dressait devant moi telle une sentinelle de ma jeunesse, prompte à me réduire en poussière si d’aventure j’osais franchir son seuil.
J’ai levé les yeux vers le deuxième étage, à l’endroit précis où nous avions habité pendant si longtemps, où j’avais des heures durant rêvé, posté au balcon de ma chambre, à des départs impossibles et à des ailleurs toujours possibles, où les années avaient passé dans le lent et paisible écoulement de l’enfance puis de l’adolescence quand j’allais dans la vie, indéterminé, inachevé, tourmenté, égaré dans une existence qui me débordait de toutes parts.
Je me suis demandé si l’appartement était resté en état, si la chambre de mon frère et moi se trouvait toujours au même endroit ou si les nouveaux locataires s’étaient décidés à la transformer en un bureau, un sauna ou en une salle d’attente, si l’ordonnancement des pièces était toujours le même, si la salle de bains jouxtait encore la cuisine, si la chambre de mes parents était toujours celle se situant aux confins de l’appartement, juste après la salle à manger.
Je n’étais pas nostalgique simplement amusé de me retrouver ici, moi qui désormais vivait à des milliers de kilomètres de là.
J’ai traîné dans les rues adjacentes mais là aussi rien n’avait vraiment changé et j’ai fini par me dire que rien ne changerait jamais, que ces rues là étaient maintenant bien trop vieilles, bien trop enchâssées dans les coursives du temps pour se transformer, qu’un siècle, dix siècles pourraient passer sans que jamais elles ne changent d’un iota, qu’elles se tiendraient ainsi, intemporelles, jusqu’à la nuit des temps, plus fortes et inexpugnables que le temps lui-même.
Elles respiraient la mort, non pas la mort qui serait la fin de tout, mais la mort tranquille, souveraine, posée, une mort chloroforme et hypnotique où si les êtres étaient amenés à changer, les lieux eux ne bougeraient jamais et continueraient à tenir leur rang aussi longtemps que la vie perdurerait en cette paisible retraite.
Je m’en suis allé, j’ai retrouvé l’agitation de l’avenue, et mentalement, j’ai compté le nombre de jours qui me restait avant de retrouver le nouveau monde.
Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true
Paris musée ? Qu’écrivez-vous d’autre, dans ce billet ? Pour l’intermittent que vous êtes devenu (intermittences longues là-bas, brèves ici – mais trop longues encore !), les visites sont… distrayantes. Mieux, elles vous confortent dans votre choix du Nouveau Monde. Pour vous au fond, c’est satisfaisant : un quartier, un immeuble toujours là, voilà qui est assez rassurant et ne dément vos souvenirs qu’en certains détails non vérifiés, tel l’agencement peut-être modifié de l’appartement familial. Vétilles…
Vérifications globalement faites, vous vous carapatez en piaffant vers l’ « ailleurs » plus que « possible » où vous vivez. Bonne continuation.
Trés beau
Paris, beau, beau et c.. à la fois .
“Vous regardez avec vos yeux. L’essentiel est invisible pour les yeux!”
Rien, nous pauvres lecteurs et lectrices orphelin(e)s, obligé(e)s de lire et relire et rerelire la même saga, maintes et maintes fois en attendant la prochaine mouture de votre esprit facétieux (lol), et vous nous blablatez de Paris la poussiéreuse. Arrêtes de raconter des conneries mec et au boulot!
Je me rends une fois par an à Shenzhen, en Chine. Tous les ans, je constate des changements importants (nouvelles lignes de métro, changements des facades des immeubles, destruction d’immeuble pour en créer de nouveaux …). Le contraste est saisissant avec Paris qui, comme vous le dites très bien ne change pas d’un iota.
Le monde évolue à toute vitesse aussi bien sur le plan technologique que géopolitique. Et cependant, la France ne change pas. Non seulement il ne change pas physiquement, mais rien ne change dans les têtes non plus.
En particulier dans les têtes des jeunes qui ont peur du changement que pourraient apporter les réformes. Ce sont des copies conformes de leur parents et ils rèvent de vivre la même vie qu’eux. Pathétique.
Paris est éternelle et, comme les étoiles indifférentes, elle se fout hélas de ceux qui la contemplent…
Pourquoi attendre de la capitale la plus densément peuplée d’Europe et au quatrième PIB d’une ville du monde de changer toute son architecture, pour quoi faire? Et mettez les pieds dans le 13ème…
Un Paris boule à neige, en quelque sorte…