La vie d’un angoissé n’est pas de tout repos.
Elle est même épuisante.
Épuisante pour lui-même et pour son entourage.
L’angoisse, cette sorte de picotement intérieur, de fébrilité constante, d’inquiétude jamais tue, de questionnement perpétuel sur soi, sur le monde alentour, sur les mille et uns aléas de l’existence, ne me quitte jamais.
Elle est comme collée à mon âme.
Depuis toujours, elle colonise mon cœur, martyrise mon esprit, transforme chaque jour passé en un véritable chemin de croix.
Elle ne prend jamais de congés : chaque matin à peine l’aube apparue, hiver comme été, telle une amante possessive et jalouse, elle m’attend fidèle au poste : voilà qu’elle s’immisce dans chacune de mes pensées, ne baisse jamais la garde, me sollicite à chaque instant de la journée, revient sans cesse à la charge, provoque, titille, interroge, questionne en un perpétuel et infernal caroussel.
Si jamais un événement heureux survient, peu importe sa nature, elle est toujours prompte à me montrer l’envers du décor, à me chuchoter de ne point me réjouir trop vite, à me mettre en garde contre les revers de la fortune, à me dire la fragilité de toute chose, à poindre les dangers qui ne manqueront pas de surgir tôt ou tard.
C’est comme une maladie incurable, une interdiction de jouir de la vie pleinement, une obligation de toujours regarder l’existence sous son aspect le plus blafard, de savoir la vanité de toute chose, d’anticiper les morts et les chagrins à venir, d’être constamment sur la brèche, en prise à des conflits intérieurs qui jamais ne s’accordent un moment de répit.
C’est une ombre qui voile la vie d’un drap sombre derrière lequel s’agitent et ricanent fantômes et farfadets, lutins et esprits malins, pantins et spectres qui ne manquent jamais une occasion de se rappeler à votre bon souvenir en déboulant dans votre vie avec fracas et fureur.
Celui qui en souffre ne connaîtra jamais la paix.
Cette démangeaison de l’esprit qui se retourne contre lui-même ne cessera qu’à l’heure de rejoindre le ventre de la terre.
Et cette inquiétude vague, cette incapacité à profiter de l’instant présent, cette propension de l’esprit à toujours anticiper le pire, voilà ce qui peut définir mon angoisse, ce cadeau du ciel et du diable réunis.
Car si être angoissé est certainement une malédiction et un fardeau c’est aussi une incroyable chance.
L’opportunité de vivre une existence placée sous le joug d’une insatisfaction perpétuelle avec comme conséquence de toujours chercher à atteindre une impossible plénitude, de ne jamais se reposer sur ses lauriers, de se défier constamment afin de se surpasser pour côtoyer l’excellence, de toujours tendre vers la perfection et qu’importe si cette dernière n’existe pas.
Un aiguillon qui transforme chaque seconde de votre existence en une aventure palpitante à mener, l’ineffable bonheur de sentir son esprit palpiter de vie, la certitude de ne jamais s’ennuyer, l’assurance de ne point se laisser griser par les honneurs, les louanges, les flatteries, la capacité de ressentir les choses de la vie avec une intensité décuplée, la chance inouïe de pouvoir comprendre la souffrance de l’autre et d’être toujours à même de lui tendre une main secourable.
L’angoisse c’est avant tout l’apprentissage de la compassion.
Et comme sans compassion il ne peut exister de création, c’est pour celui qui s’aventure sur les sentiers escarpés de la littérature ou des arts en général, la garantie d’une vie honnête passée à consoler les hommes d’être ce qu’ils sont.
De leur dire qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils peuvent compter sur vous en toutes occasions.
Ainsi va la vie de l’angoissé : passionnante mais éreintante. Epuisante mais exaltante. Terrifiante mais palpitante.
Une célébration constante d’une vie qui serait tout sauf une fête mais dont on mesure à chaque seconde l’effroyable beauté.
Oui la vie dans toute sa sublime démesure.
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Superbe description de ce que je suis, merci !
Etes-vous vraiment si angoissé pour trouver à l’angoisse – j’utilise plutôt le terme “anxiété” – autant de qualités ?
Anxio-dépressif chronique depuis trente ans, cela me laisse assez perplexe quand je lis que l’angoisse est aussi “une incroyable chance”.
Cependant, votre texte est très réussi.
Alors là chapeau !
L’angoisse c’est la compassion… Plus grosse bêtise que je n’ai jamais entendu…
Ah peut-être excepté la création c’est la compassion. Ça c’est encore mieux !
Sûrement un petit texte pour vous déculpabiliser d’être auto-centré, de ne pouvoir être dans la vie et de ne ressentir les bonheurs des uns sans penser à votre petit être en train de mourir ou de ne pouvoir aider les autres à surmonter leur souffrances car cela vous renverrait à la vôtre.
Mais belle tentative.
Et ça se soigne Monsieur, ça se soigne bien d’ailleurs, et ça permet après de découvrir l’empathie et la compassion, la vraie.
Lorsque je lis ce texte j’ai l’impression que la première partie ne pouvait mieux décrire l’angoisse en revanche la seconde partie sur la “chance” d’être angoissée on dirait plutôt que ce texte a été rédigé par une personne observant l’angoisse de l’extérieur mais sans jamais l’avoir vraiment vécu.
Se surpasser constamment pour atteindre l’excellence ? Non, surtout se surpasser tous les jours et lutter avec soi même tous les jours pour simplement vivre normalement. Cela n’a rien d’une aventure palpitante comme la peur avant de s’engager dans l’inconnu ou avant de monter dans un manège à sensation forte c’est une peur oppressante qui n’a rien d’une chance mais tout d’un handicap.
Alors certes nous les angoissés avons la “certitude de ne jamais nous ennuyer” mais pour ma part je préférais volontiers l’ennui à la lutte quotidienne, à ce sentiment d’oppression à ce manque de confiance en soi et à ce sentiment de mal être et de perte totale du gout des bonnes choses.
Non pas que je veuille être pessimiste mais nous ne vivons probablement pas tous les choses de la même façon …
Chacun le vit d une façon différente, on n a pas à juger ces propos car il n y a pas une seule vérité dans le domaine de l angoisse. Elles sont multiples et propres à chacun.
Je peux comprendre cette ” chance”, car je ne serais certaimement pas ce que je suis aujourd hui si je n avais pas un jour découvert mes propres angoisses..c est l horreur tous les jours c est vrai..mais si un jour on trouve l issue, son propre remède pour s en sortir, on a alors un sentiment de fierté et de reconnaissance si fort envers soi même, que je peux pour ma part, le comparer à une chance.
Ainsi, vous faites l’expérience du « chemin de croix » grâce à l’harassante angoisse. Puisque vous ressentez quasi quotidiennement ce que le Juif Jésus éprouva durant la Passion et que symboliquement, les chrétiens tentent non de revivre au sens strict, mais de susciter en eux le vendredi saint, vous éprouvez, beaucoup plus souvent que la majorité d’entre ces Goyim, l’angoisse que pour eux vécut leur « Fils de Dieu ». Quasiment rien ne vous échappe donc de l’« inquiétude » jamais absente qui « picote ». Et tel ce personnage de l’ « Heautontimoroumenos » [le bourreau de soi-même] de Térence quelque cent cinquante ans avant la crucifixion, vous pourriez affirmer en toute légitimité : « Je suis homme ; je considère que rien de ce qui humain ne m’est étranger ».
À ne pouvoir point éviter l’angoisse, vous profitez pourtant – outre des bienfaits que vous nous dites en tirer –, en vous évitant le travers du « divertissement » qui, selon Pascal, éloigne de l’essentiel, sinon de la ferme foi en une transcendance nommée Dieu, du moins de l’intranquillité de la métaphysique, dont les taraudantes et successives questions procurent, sans aucun doute, à « celui qui s’aventure sur les chemins escarpés de la littérature », avec la compassion pour autrui, les savoureux plaisirs de tenter indéfiniment le dénouement de ces nœuds succédant aux nœuds précédents qu’en d’autres termes, évoque le philosophe Marcel Conche.
Anne , en effet ça ce soigne .
n ‘hésitez pas prenez rendez vous .
Mouais, c’est toujours le même blabla, le retournement qui ne mène nul part, où l’arrogance et la vanité à dénoncer celle des autres se transforme en qualité. Le dédouanement perpétuel à faire vivre son mal être comme seul raison de vivre ou la psychanalyse de base. On peut trouver ça beau ou parfaitement chiant ou les deux à la fois mais dans tous les cas ça occupe le temps de faire naviguer les yeux sur des mots devenus vagues pour ne pas se noyer dans la réalité bien plus profonde que de la simple rhétorique.
Pauv’ chouchou si prompt à aider son prochain du fin fond de son igloo… L’angoisse comme zone de confort, perçu comme une chance. Oui. Seul inconvénient, ça met l’intelligence en vacances et nous prive de chef d’œuvre.