Ah la question vache !!!
Dis-moi toi, l’écrivaillon en exil, la demi-portion de blogueur, le porte-parole des demi-chauves amoureux de l’Association Sportive de Saint-Étienne et de William Faulkner, si jamais, suite à un improbable concours de circonstances, tu devais choisir entre la France et Israël, dis-moi donc lequel de ces deux pays tu choisirais ?
Je me demande si au fond, cette question, je n’ai jamais cessé de me la poser, si elle ne représente pas la question des questions, la seule digne d’intérêt, la seule à laquelle il est impossible d’apporter une réponse satisfaisante, la seule pourtant qui continue à me hanter et me hantera jusqu’au tombeau.
La question de cette double identité, de cette double appartenance, de cette double culture, de ce tiraillement perpétuel entre le pays où je suis né, où j’ai grandi, et celui où je n’ai jamais vécu, où je ne vivrai probablement jamais mais qui demeure pourtant mon vrai pays, le seul endroit sur cette planète où un jour je pourrai dire, voilà ici je suis ici chez moi, vraiment chez moi, en une terre où personne ne viendra un beau matin frapper à ma porte pour me conduire dans je-ne-sais quel lieu insalubre afin de procéder à mon expulsion.
Le Juif est un traumatisé de l’Histoire : tout à la fois vieille antienne et vérité éternelle !
Ses racines sont dans les livres, sa mémoire suspendue dans l’éther de drames qui racontent tous la même histoire, celle d’un peuple obstiné, opprimé, indomptable, assez sûr de lui et de son étrangeté pour ne s’être jamais renié et avoir continué, envers et contre tout, à vivre selon ses codes, dans une sorte de sagesse millénaire née de la nécessité de n’avoir à compter que sur soi pour se perpétuer à travers les âges.
Et d’avoir eu à subir siècles après siècles, humiliations et déportations, moqueries et exactions, pogroms et mises à l’écart, l’a renforcé dans sa conviction de savoir sa condition toujours précaire, de se méfier de tout, des mirages de l’assimilation et du réveil toujours possible de la bête immonde, de se tenir toujours sur ses gardes, sa valise cachée sous son lit, au cas où.
Au cas où le cauchemar recommencerait.
Où le grand gong de l’Histoire viendrait encore à résonner à ses oreilles et le sommerait de déguerpir, de reprendre la route de l’errance, de cheminer le long de sentiers incertains où à chaque tournant le pire pourrait de nouveau surgir.
L’affection que tout Juif porte à Israël est évidemment un attachement métaphysique, quelque chose qui résonne dans son âme comme un appel irraisonné pour une terre que des générations et des générations avant lui ont si ardemment désirée, rêvée, imaginée que de s’en détourner serait comme de les tuer une deuxième fois.
L’incongruité d’avoir un pays à soi est telle qu’un Juif comme moi n’envisage même pas de l’habiter ; il se contente de garder toujours un œil attendri sur lui, il y habite par la pensée, il l’aime de cet amour éperdu que porte un orphelin à ses parents jamais connus.
Il lui parle, il l’écoute ; de temps en temps il prend de ses nouvelles, parfois il le visite même mais il ne reste pas, la volonté lui manque, il n’arrive pas à se convaincre que ce pays c’est aussi le sien, il repart et aussitôt reparti le voilà qui lui manque déjà.
Et si on s’en prend à lui, il pleure et se tient à ses côtés.
Le pays où il vit que ce soit la France, le Canada ou n’importe quelle autre contrée sur cette terre n’est pas vraiment le sien, il l’emprunte juste, il adopte ses codes et ses coutumes, ses lois et ses principes, il s’y conforme même avec un dévouement sans faille, parfois même avec une dévotion irraisonnable tout en sachant, au plus profond de lui-même, que ce ne sont là qu’accommodements raisonnables et principes de précaution à même de voler en éclats à la première éclaboussure nationaliste.
Il est à la fois Juif et Français, Français et Juif, il le restera tant qu’on ne lui demandera pas de choisir entre la France et Israël, tant qu’on respectera cette si singulière double appartenance, tant qu’on acceptera et tolérera sa double condition d’exilé.
Un exilé de l’intérieur et de l’extérieur.
Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true
Remarquez, Israël est sans doute le pays dans le monde où meurent le plus de gens justement parce qu’ils sont juifs. Au temps pour la sécurité. Mais bon, il y a aussi l’invisible et souterraine fidélité.
Avec des racines aussi mobiles que de potentiels exils successifs, la double appartenance ici évoquée se résout à un unique lien culturel et/ou métaphysique, un lien puissamment revendiqué ne risquant donc nul arrachement matériel puisque il rattache au spirituel planté en soi. Un tel Juif avec, chevillée au corps, « la nécessité de n’avoir à compter que sur soi pour se perpétuer à travers les âges », ne saurait aimer indéfectiblement qu’une terre rêvée, transcendante, même si la foi qu’il a en elle ne s’infiltre que dans l’Histoire et l’imaginaire transmis. De là que l’appartenance à sa terre par l’esprit supplante absolument celle que foulent ses semelles.
Est-ce si différent de ce que pratique tout être humain consciemment ou non ? À chacun d’en juger. En tout cas et malgré les cruautés de l’Histoire, ce pourrait être plus sage que de lier sans précaution ses pieds à une terre jamais assurée d’échapper à la destruction de ses fondements et de ses valeurs.
Un discours assez classique.
D’un côté le nationalisme français, qui est, comme chacun sait, “rance”, “moisi”, “nauséabond”, le ventre de la “bête immonde”, de l’autre côté l’attachement à la terre d’Israël, qui est quant à lui “sacré”, “métaphysique”, digne d’un “amour éperdu”…
Personnellement, je ne vois pas très ce qui différencie l’attachement des Juifs à Israel d’un nationalisme classique… C’est peut-être parce qu’il n’y a pas de différences.
Serait-on là dans l’affirmation d’un bi-nationalité franco-juive ?
Si je puis me permettre vous faites un meilleur français qu’un israélien.
Votre article fait un peu echo a mon papier pour le blog de Times of Israel “Etre loin, être juif”. J’ai franchis le pas en faisant mon Alyah en 2005, j’ai deux passeports à present. Chérissant l’un et l’autre, vouant la meme dévotion pour mes deux drapeaux…la question du choix se posera toujours, et sûrement réellement un jour.
Bien à vous,
Noam
Ah! Habitant sur une minuscule bille lancée dans le froid sidéral autour
d une étoile on ne peut plus banale.
Je me demande .
Pourquoi être si attaché à une vision de terre promise utopique, quand l’Etat d’Israël est dans les faits un état colonisateur, promouvant une politique d’apartheid ?
@ Mari
Quand vous parlez d’apartheid, vous voulez peut-être parler de celui subi par les chrétiens d’Orient, les Yézidis et beaucoup d’autres minorités de la région ?
Mais peut-être faites-vous allusion aux 800.000 juifs d’Afrique du nord et de proche-Orient qui ont du quitter leurs foyers en butte à la violente hostilité de leurs compatriotes et, quelques fois, à de véritables mesures discriminatives (sans doute inspirées par les nazis accueillis avec chaleur notamment par l’Egypte et la Syrie).
N’est-ce pas ?
Je vous conseille la lecture des articles suivants :
http://www.slateafrique.com/89415/recit-du-racisme-ordinaire-envers-les-noirs-au-maroc-bassirou-ba
http://www.slateafrique.com/93581/les-enfants-ces-racistes-qui-signorent-algerie
Quelques “victimes arabes de l’apartheid israelien”
Salim Joubran, juge permanent à la Cour Suprême depuis 2003, est l’homme qui a envoyé en prison l’ex-président israélien Moche Katsav, lors de son jugement en 2011.
Ali Yahya, Premier ambassadeur Arabe de l’Etat d’Israël à l’étranger.
Rana Raslan a été en 1999 la première (et sublime) Miss Israël d’origine arabe.
Georges Deek, diplomate, chef de mission adjoint à l’ambassade israélienne à Oslo.
Ashraf Barhom, l’une des personnalités majeures du cinéma israélien.
Mira Awad, a représenté Israël au Concours Eurovision de la chanson en 2009 aux côtés de Noa.
Walid Aboulafia, l’un des hommes les plus riches d’Israël.
Giselle Hazzan, nommée en 2002 administratrice de la Réserve Naturelle d’Ein Afek (RNEA). Elle a entièrement remodelé la gestion de l’eau de la RNEA, par des actions à différents niveaux, avec la participation des acteurs locaux, la mise en place de déversoirs et une nouvelle législation nationale.
Le Comité ministériel israélien législatif a approuvé, le dimanche 25 octobre 2015, un projet de loi qui rend obligatoire pour tous les élèves juifs en Israël d’apprendre l’arabe à partir de l’âge de 6 ans, (équivalent du CP), tandis que les élèves arabes du même âge seront tenus d’apprendre l’hébreu.
Mille autres faits pourraient être cités pour démentir votre affirmation erronnée concernant le seul pays démocratique de la région (grand comme quatre départements français) que des organisations militaires ou terroristes , ainsi que des Etats voisins ont pour objectif officiel de détruire.
Mais le plus simple est de se promener dans une ville israélienne pour voir par soi-même que tous les commerces (terrasses de café, cinémas, supermarchés, etc), tous les transports en commun, toutes les bibiothèques, toutes les plages et les piscines, etc… sont bien évidemment ouverts à tout le monde quelle que soit sa religion ou sa couleur de peau.
La critique de la politique l’Etat d’Israël est absolument légitime (de même que la critique des Etats arabes, de leur antisémitisme institutionnel morbide, et de l’irrédentisme forcené des palestiniens). Ce qui n’est pas légitime est de proférer des contre-vérités.
J’ai simplement oublié de citer qu’à la Knesset siègent 17 députés arabes dont certains ne se privent pas de clamer dans tous les médias du monde qu’ils ne peuvent pas s’exprimer.