Aujourd’hui, demain, après-demain, de nouveaux migrants, des femmes, des enfants, des jeunes gens, des mères, des pères quittant des zones de combat trouveront la mort dans des embarcations de fortune le long des côtes grecques ou turques.
Comme on ne retrouvera jamais leurs corps ou alors dans un tel état de décomposition qu’ils seront sans identité réelle, comme aucun vidéaste n’aura filmé leurs derniers instants, comme ils n’apparaîtront nulle part à la une de nos journaux, à nos yeux ils ne seront pas vraiment morts ; ils n’auront jamais vraiment existé, ils auront juste disparu comme disparaissent chaque jour dans l’anonymat le plus complet des dizaines de milliers de personnes.
Fin de l’histoire.
Nous avons nos problèmes qui nous sont propres : Uber va-t-il briser le monopole des taxis, l’hiver s’est-il installé pour de bon dans l’hexagone, le PSG peut-il vraiment finir le championnat invaincu, doit-on inscrire le principe de déchéance nationale dans notre constitution, qui succédera à Jean-Louis Debré à la tête du Conseil Constitutionnel, Celine Dion parviendra-t-elle à surmonter la mort de son René, faut-il imposer des quotas lors des nominations aux Oscars ?
Pendant ce temps-là, par une nuit froide et sombre, une nuit sans lune, une nuit sans étoiles, une nuit sans rien, sur une mer agitée, une vague plus puissante que les précèdentes provoquera la culbute d’un bateau de mauvaise facture : en une seconde, des corps se retrouveront immergés dans l’eau glacée, il y aura des cris, des hurlements, des plaintes, des gémissements, des appels à l’aide, des pleurs, des vagissements.
Il fera un noir absolu, un noir sidéral, un noir de fin du monde, des corps s’agripperont les uns aux autres, une lampe torche à la lumière tremblotante éclairera des bouches recrachant des grandes brassées d’eau, éclairera des visages déjà bleuis de froid, éclairera des regards apeurés d’enfants appelant leurs parents à leur rescousse, éclairera des bras en train de battre l’eau afin de ne pas couler, éclairera la coque du bateau désormais hors de portée, éclairera le spectacle d’une mort inéluctable, éclairera les visages baignés de larmes d’hommes et de femmes qui auront compris que leur voyage de la dernière chance s’arrêtait là, que leur dernière heure était arrivée, que bientôt ils ne seront plus que des cadavres flottant à la surface de l’eau ou gisant dans les profondeurs marines.
En quelques minutes, ils seront tous morts.
Et nous n’en saurons rien.
L’apprendrions-nous que nous dirions c’est malheureux, l’apprendrions-nous que nous penserions c’est épouvantable, l’apprendrions-nous que nous songerions c’est affreux avant de reprendre une nouvelle tasse de café, avant d’écouter la météo, avant de passer sous la douche, avant d’entamer une nouvelle journée de travail.
A l’heure où le sel de la mer commencera à grignoter les corps sans vie de familles mortes d’hydrocution, de noyade ou simplement de fatigue, des corps de nourrissons, des corps de gamins, des corps d’adolescentes, nous sortirons de chez nous : il fera froid, le temps sera gris, le métro sera bondé, toutes les places assises seront prises, on restera debout le temps du trajet, on pensera à ce week-end, à quel film nous pourrions aller voir, si avec un temps pareil, il ne faudrait pas mieux annuler notre escapade à Fontainebleau, si on n’organisait pas plutôt une bonne fondue entre amis. Ou une raclette.
Oui tiens une raclette, ce serait peut-être mieux, c’est plus digeste que la fondue, il faudra que j’en parle à Jean-Luc tantôt.
Tantôt.
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Vies parallèles des hommes pas illustres…
« Puis il descendit seul sous cette voûte sombre. /Quand il se fut assis sur sa chaise dans l’ombre /Et qu’on eut sur son front fermé le souterrain, /L’œil était dans la tombe et regardait Caïn. » (Victor Hugo, « La conscience ») Là ? Est-ce là que vous vouliez en venir ? Vous, conscience de ces salopards d’humains dont vous ne vous excluez pas ? Ne pas éviter la mort d’autrui, c’est tuer ? Oui. « The Show must go one », le spectacle de la vie, évidemment ? Hélas, oui. L’on se repaît de raclette ou de n’importe quoi d’autre : manger, c’est vivre. On s’en repaît, quitte à tout vomir, Hélas, oui. &c., &., &c.
D’être notre Conscience, devrait-on vous remercier ? D’une certaine manière, oui. À de certains moments, oui.
Mais enfin, qui créa ces hommes – d’où de rares saints saillent – et qui, repus de tant de morts qu’ils ne tuent que par distraction, par inadvertance, par indifférence, et souvent sans le savoir, vaquent à leurs tâches et occupations thésauriseuses, manducatoires et copulatives sans que leurs prochains écrabouillés, explosés, asphyxiés, noyés, et tout ce que l’on voudra tous autres modes de destruction imaginables ne leur arrachent d’autres mots que votre « C’est épouvantable » ? Qui ?
D’être notre Conscience, Victor Sagalovitsch ou Laurent Hugo, qui que vous soyez, l’on ne vous remerciera jamais trop. Mais de votre raclette comme de notre conscience, n’abusez pas. Ça pourrait vous jouer un mauvais tour : le triste spectacle de l’humaine condition doit continuer, non ?
Sagalovitch vous faites un bon chrétien. Rejoignez-nous dans le baptêmes.
Bon, je tombe sur ce blogue par hasard.
Bon, je lis le texte. J’aime l’idée fondamentale du texte et l’idée fondamentale d’écrire un tel texte. Cela aurait pu donner un sacré texte si l’auteur s’en était donné la peine car c’est finalement assez mal écrit vu le sujet. En tout cas, je sors ravi de l’idée du texte …
Du coup, mon œil se met à lorgner à droite, je vois que c’est écrit. Tiens, je lis. Ah, c’est l’auteur qui se présente … merde, j’aurais pas du lire !
“Je ne vous aime pas” (On va se la jouer Pialat …” ça va me donner une aura à tout les coups…) “je rajoute que je suis d’une mauvaise foi crasse” “Je … bouffon … pitre … petit con hargneux …individu sans intérêt qui aime jouer à l’intéressant (avec ce dernier point on devrait m’aimer quand même …) …
Le Je JE tourne alors alors la logorrhée égotiste dans une mise en scène de soi qui tourne au ridicule “Aimez moi s’il vous plait !! Plize !! Je suis un sale gosse mais … je suis quelqu’un !!! J’existe !!”.
Ce qui est d’autant plus con que le passage sur le “pardon impossible” avec l’Allemagne, sincère était intéressant et passe à la trappe …
Bref, j’espère que ce petit commentaire qui a surtout pour but de “tuer” la dernière demi-heure de mon taf, t’aura réconforté sur le fait que tu existes vraiment et que tu es vraiment quelqu’un d’autant qu’il semble que je partage sans doute les 80% de tes idées comme sur le foot … et le texte que je viens de lire.
Du coup, je vais passer mes 20 dernières minutes à lire d’autres textes sur le blog, espérant en trouver un suffisamment investi par l’écriture (le sujet) que la présentation pompeuse que je viens de me taper.
Nguyen aime bien texte .
Un sentimentalisme inutile qui remplace toute action.
Des larmes de crocodile….et puis, retour à la vie” normale”, comme si rien n’était arrivé.