De l’influence des flatulences sur la vie conjugale


Je sais, je sais, le monde va mal, les bombes explosent un peu partout, la planète se meurt, la troisième guerre mondiale s’offre une répétition générale ; du nord au sud la France a des envies de sodomie nationale et électorale, et moi, moi, moi, je m’en vais vous parler de flatulences, de leur influence sur la vie maritale, de pétaudière conjugale et autres petites tracasseries de ma vie digestive.

J’assume.

C’est précisément quand le monde vacille qu’il faut en revenir au principal, au cœur même des préoccupations qui depuis la nuit des temps ont occupé le cœur (et le cul) des hommes, empoisonné les déjà compliquées relations hommes/femmes, suscité séparations, divorces, suicides, provoqué de telluriques disputes tournant toutes autour de l’épineux et insoluble et infini problème de l’émission de gaz naturels en milieu domestique.

J’avoue, je le confesse, je l’admets même, j’ai une certaine tendance à laisser mon estomac s’épancher à l’heure où finit le couscous et où commence la dégustation de cigarettes au miel.

C’est comme un cri qui viendrait de l’intérieur, un appel à la délivrance, une aspiration à un monde plus apaisé, une appétence de mes viscères à se délivrer d’un poids qui l’encombre de trop, une inclinaison de mon intestin à se débarrasser d’un surplus d’air encombrant ses vastes boyaux.

Comme un irrépressible besoin de déposer les armes et de s’alléger d’un fardeau menaçant à tout instant de transformer mon corps en une cuve géante où s’entasseraient graine de couscous après graine de couscous, des réserves de gaz capables à tout instant d’exploser dans une symphonie pétaradante de borborygmes émis par un rectum soumis à de telles turbulences qu’il serait bien incapable de trier l’ivraie du pet.

Certains, afin d’éviter cette brusque irruption de sonorités discourtoises, choisissent d’opérer en silence, dans l’anonymat d’un simple relevé fessier permettant l’évaporation d’effluves plus ou moins odorantes, d’autres – c’est mon cas – incapables de résister à la pression, émettent des avertissements ponctuels sous la forme d’une franche protestation ; les plus volontaires parviennent à se contenir et à patienter le temps qu’il faut avant de pouvoir s’aérer les cavités culières lors de joutes solitaires disputées qui au fond d’un jardin, qui sous une douche, qui sur un balcon.

Tout étant au fond une question de dosage, de circonstances et d’environnement.

Le célibataire ne nourrira aucun scrupule à laisser prospérer sa symphonie intime qui pourra tout à son aise revisiter les clefs de sol de son répertoire particulier quand, à de brutaux coups de semonce succéderont sifflements langoureux, bruits de trompette, tambours du Bronx et autres sonates de nuit.

Vivant en couple, je ne possède pas cette chance.

Il me faut composer.

Les flatulences, il faut le dire, n’ont pas bonne presse auprès de la gent féminine.

Même s’ils sont parfaitement inodores, ils ne provoquent que réprobation, indignation, menace de séparation.

J’ai beau dans ces cas-là protester de mon innocence, professer mon statut de victime, proclamer la toute-puissance de la nature contre laquelle je ne peux rien, rappeler mes ascendances sépharades, mon lourd patrimoine génétique, la faiblesse de ma gaine abdominale, mon estomac perclus d’angoisse, ma frêle constitution, mon atavique aérophagie, je ne récolte que remontrances outrées, regards noirs, avertissements avec frais.

Ces nuits-là je dors seul.

Seul avec le fantôme de mes pets.

Même mon chat me fuit.


Aussi afin d’éviter ces déconvenues à répétition, j’ai décidé d’organiser la semaine prochaine une COP 22. Objectif annoncé : sauver mes fiançailles en réduisant mes flatulences à effet de serre en-dessous la barre fatidique des 2 %.

Pas gagné.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

2 commentaires pour “De l’influence des flatulences sur la vie conjugale”

  1. « Le monde est une branloire pérenne : toutes choses y branlent sans cesse […]. La constance même n’est autre chose qu’une branle plus languissant » [Montaigne, « Essais, III, 2]. « Pérenne » signifiait alors comme pour les Latins : qui dure toute l’année. Satan sait combien 2015 est constante, du moins jusqu’ici, dans le branle – et qui n’est en rien languissant ! Merci donc, ô Laurent Sagalovitsch, d’entretenir votre lectorat de vos branles digestifs ; ils sont en effet bien moins barbares que les flatulences assassines des mitrailleuses.

    Double merci d’ailleurs, car l’on sait combien parler de sujets intimes vous est un cruel arrachement.

    Pour retomber à vos vents, pas toujours sonores ni malodorants (sournoiserie dont, pour n’attenter aux tympans et sinus d’autrui qu’épisodiquement, sans leur causer de dommages reprochables, il ne saurait vous être fait grief), pour retomber donc à vos violentes vesses, il ne paraît pas, à vous lire attentivement, que votre météorisme puisse être tenu pour chronique. Ce qui eût exigé que vous consultassiez la Faculté. Heureux homme dont le corps sait ne pas se faire trop violence pour laisser échapper de la « cuve géante » installée dans les profondeurs de votre corps ces gaz surnuméraires qui, sans cette manœuvre salvatrice, l’eussent fait un jour exploser.

    Alléluia ! Entier vous restez. À preuve : vous publiez ce bruyant billet – à la scatologie, par elle-même minime, et même pâlotte comparée à celle d’un Rabelais, mais si joliment balancée par une poésie des profondeurs en tous points admirable –, la veille du jour où s’ouvre la 21e Conférences des parties (prenantes au maintien d’un climat viable). À-propos qui appelle un second : « Alléluia ! » et des applaudissements nourris.

    Ô grand péteur devant l’Éternel (pas seulement !), puisse « la branloire pérenne » de Montaigne profiter, grâce à une humanité moins stupide, de la sauvegarde qui vous permettra de poursuivre longtemps vos belles gamme !

    Musique !

  2. Etes-vous ‘pataphysicien?

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