La lecture pour oublier la folie sanguinaire de ce monde


Quand la laideur du monde vous étrangle de trop, quand l’actualité vous prend à la gorge et vous assaille de nouvelles aussi tristes les unes que les autres, quand de partout affluent des torrents d’images prenant d’assaut votre cerveau saturé d’horreur, alors du plus profond de votre âme, monte en vous cette aspiration à divorcer de ce monde-ci, à ne plus vouloir entendre sa funèbre musique, à cesser toute sorte de communication avec lui.

Parce que vous n’êtes qu’un homme, ni pire ni meilleur que les autres.

Parce que vous êtes fragile, si fragile.

Parce que cette rage qui est en vous, cette rage, enfant de votre tristesse et de votre colère mêlées, ne peut trouver d’exutoire sous la forme d’un engagement qui permettrait au corps de supplanter l’amertume rôdant dans votre esprit malade, qu’il n’existe ni champs de bataille, ni terrains d’opération, ni brigades internationales pour combattre ceux qui vous affligent et vous supplient.

Parce qu’au fond vous êtes seul avec votre tristesse en bandoulière.

Et que vous êtes fatigué de toute cette symphonie de malheurs.

Il faut alors trouver un refuge, une chambre à soi, un endroit où aller et se reposer, se ressourcer et se rafraîchir, tenter de trouver une raison d’exister et de croire en des lendemains qui chantent.

Certains comme Ismaël dans Moby Dick prennent le large : ” Quand je me sens des plis amers autour de ma bouche, quand mon âme est un bruineux et dégoulinant novembre, lorsque mon cafard prend tellement le dessus que je dois me tenir à quatre pattes pour ne pas, délibérément, descendre dans la rue pour y envoyer dinguer les chapeaux des gens, je comprends alors qu’il est temps de prendre le large. Ça remplace pour moi le suicide ”.

Moi je me contente de grimper dans le train de mes bateaux imaginaires.

Je ferme les rideaux et je lis.

Je lis pour ne pas mourir.

Je lis avec l’avidité d’un condamné à mort à qui on vient apporter son dernier repas.

Je lis comme un forçat.

Je lis comme d’autres boivent pour oublier.

Je convoque mes auteurs de chevet et je leur demande l’asile littéraire.

Ils me l’accordent toujours.

Ils m’accueillent à grands chapitres ouverts, ils me serrent entre leurs mots, ils me bercent de leurs chants homériques, ils me saoulent de leurs illuminations poétiques, ils me donnent à voir d’autres horizons possibles, ils me savent : ce sont des frères d’infortunes

Sans eux, sans leur indéfectible amitié, je deviendrais comme fou.

Fou de rage et de tristesse. 


Ce monde est parfois si laid que je ne veux plus avoir à faire avec lui.

Il me faut l’oublier pour mieux le retrouver.

C’est une question de survie.

                                                                                                                                                                                                                                                  Le meilleur c’est un sommeil bien ivre sur la grève.(Arthur Rimbaud)

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

4 commentaires pour “La lecture pour oublier la folie sanguinaire de ce monde”

  1. Il nous faut prendre soin de la beauté.

    Il semblerait qu’en art graphique et en communication, medium n’est pas le singulier de media. Tant pis: http://www.bouletcorp.com/

  2. J’ai ce qu’il vous faut, parce que “il me faut un héros”, Don Juan de Byron fera l’affaire. Satire des vicissitudes de son temps, guerre & chauvinisme, exil & contradiction, un poème “humain” avec de l’amour et du cul.
    “Que cet amour est beau! Et rare autant que beau! Leur amour était l’un de ceux où l’esprit aime à se perdre quand le vieux monde se fait terne….”

  3. Toujours quelque auteur « de chevet » (de fauteuil ou, pour l’ascète, de lutrin) accorde « l’asile littéraire ». Encore faut-il que le livre de l’écrivain élu soit de nature à vous distraire puissamment du monde ignoble qui vous flanque le bourdon. C’est ce que ne précise pas cette phrase me Montesquieu : « Une heure de lecture est le souverain remède contre les dégoûts de la vie ».

    Cette précaution en tête, si un conseil n’est pas outrecuidant et que vous ne connaissiez pas Laurence Sterne (1713-1768), procurez-vous son chef-d’œuvre, le roman « Vie et opinions de Tristram Shandy » [Éditions Tristram, justement].

    Vous aurez du mal à le lâcher, car sa lecture fait sourire quand elle ne sursauter pas de rire. Et vous n’aurez aucun mal à le reprendre, autant de fois que nécessaire.

  4. preconiser un livre !
    n’ importe lequel pourvu qu’ il soit bon .

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