Ils sont le poison de nos démocraties modernes.
Pas un jour ne s’écoule sans que nous croulions sous le poids de ces sondages aussi variés que divers qui polluent nos journaux, apostrophent nos responsables politiques, disent les humeurs du pays, prédisent l’avenir, menacent, interpellent, se répondent, se contredisent, entretiennent le flou, racontent tout et son contraire, font la pluie et le beau temps, agacent, dérangent, ravissent.
Le thermomètre bien planté dans le cul des Français, ils scrutent les fosses septiques de l’opinion publique.
Rien ne les arrête : ils veulent tout savoir sur tout, y-aura-t-il de la neige à Noël, Daesh passera-t-il le printemps, les migrants débarqueront-ils cet été, les prêtres divorceront-ils en automne ?
Et sinon, votre moral, en ce moment, vous le situerez plutôt dans vos chaussettes, au niveau de votre calebard, à hauteur de votre poitrail, au fond de vos gueules, ras le front ?
Hein Gérard, réponds donc aux messieurs, tu penses quoi de la Syrie, toi ? On intervient ou pas ? On se contente de faire pisser des bombes du haut de nos mirages, on lance nos marsouins à l’assaut des Infidèles, on pactise avec les Soviets, on s’en remet à l’Oncle Sam, on pique-nique avec Assad, on fait quoi bordel Gérard ?
Eh Gérard, tu penses que l’essence précède l’existence ou alors le contraire ?
Dis-donc mon petit Gérard, les intempéries dans les Alpes Maritimes, selon toi, c’est dû à quoi ? A la gauche, au réchauffement climatique, au chat de Madame Michu, à la découverte de l’eau sur Mars, d’ailleurs Mars, pendant que je te tiens Gérard, on ira ou on ira pas, ou il faut mieux attendre de voir si le niveau des océans augmente comme qui l’a promis le Président ?
Hein Gérard ?
Mais réponds, nom d’un sondage !
Tout ce folklore sondagier prêterait à sourire n’était-ce l’importantissime importance que des gens très importants leur accordent, j’entends nos gouvernants, responsables de partis, élus de la République, ministres, chefs, sous-chefs, troufions et godillots de toute obédience qui chaque jour en commandent à tire-larigot afin de savoir d’où vient le vent, dans quel sens soufflent les alizées, à quelle heure la marée se retire.
C’est que désormais chez ces gens-là, on ne gouverne plus vraiment, on prend le pouls de l’opinion, et si on pense rouge et que elle, du haut de sa sagesse immémoriale, penche plutôt vers le vert, on oublie le rouge ou alors on le mélange avec un peu de vert pour finalement arriver à un mélange incolore qui, au bout du compte, ne satisfera personne.
Et en attendant, on attend.
Pourtant on a été élu, on possède un mandat franc et clair, on est légitime, on a les pleins pouvoirs, on dispose de tous les leviers possibles et imaginables, il suffirait que…sauf que non, il faut déjà penser à l’élection prochaine, celle de dans deux, trois, quatre, cinq ans, en conséquence de quoi, on se rapetisse, on oublie le grand soir, les promesses et les réformes, le pays n’est pas prêt, tous les sondages vont dans le même sens, il est urgent de patienter sinon, à tous les coups, c’est la bérézina et le retour à la case départ.
Si bien qu’on remet à plus tard ce qu’il était pourtant urgent d’entreprendre, on fait du surplace, on ne veut froisser personne, on convoque Madame Irma, comment va le pays, pas fort Monsieur le Président, et les Français, fragiles Monsieur le Président, et l’avenir il s’annonce comment, sombre Monsieur le Président, et la courbe du chômage elle baisse quand, aux calendes grecques Monsieur le Président.
Les sondages sont un véritable cancer.
Ils atrophient et asphyxient la démocratie, la mettent à genoux et la condamnent à l’immobilisme, l’empêchent d’aller de l’avant, l’obligent à ménager la chèvre et le chou et finissent par la rendre amorphe et inopérante.
Ils égarent, ils aveuglent, ils infantilisent, ils signent la défaite du courage.
Ceci demeure mon opinion et je la partage à 100%.
(Sondage effectué le 5 octobre, auprès d’un échantillon représentatif de Monsieur Laurent Stabilovitsch et de son chat)
(A faire suivre au Chef de Cabinet du Président)
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AH! ouiiiiiiiiii !
La télévision, la radio s’éteignent ; les colonnes des journaux se sautent ; personne ne contraint personne à donner son avis aux instituts de sondage, et l’on peut se prémunir contre les réponses des « échantillons » de sondés. Cela posé, les sondages, sans être au sens strict « le poison de nos démocraties modernes », sont sources autant d’indications crédibles que d’erreurs. Pour abonder dans votre sens, disons qu’ils sont un anesthésiant peu propice à la réflexion des citoyens ; mais des enquêtes par sondage peuvent aussi, tant leurs résultats sont curieux, voire invraisemblables ou inquiétants, enclencher une réflexion personnelle – salutaire – chez les électeurs.
Quant à « l’importantissime importance que des gens très importants leur accordent », rien ne conduira sans doute d’ici bien longtemps, nos gouvernants à renoncer à tirer des sondages des aperçus sur : l’estime ou même l’amour que nous leur portons, ou non ; la réception favorable, ou non, de leurs discours, décisions annoncées… Les sondages tiennent, aux princes, ministres et édiles divers, lieu de baromètre et thermomètre. Dans l’Antiquité, les détenteurs du pouvoir cherchaient déjà à connaître, en actionnant leur basse et fouineuse police, la température du peuple. Tant il est vrai que le brouillard induit le plus souvent en erreur.
Parfois, les sondages font de même : un Balladur, un Jospin, en surent quelque chose. C’est dire que qui gouverne en démocratie, s’il juge justes et nécessaires les décisions à prendre, devrait (après, tout de même, avoir pris langue avec d’avertis conseillers) prendre ses décisions. De même, les citoyens – une fois correctement informés, tant par les élus du Parlement que par des journalistes sérieux, des questions et problèmes à traiter et régler, ne devraient pas moins fonder leurs votes sur leurs propres avis, ainsi suffisamment éclairés.
« – C’est de la théorie ? – C’est une vision idéale ? » Etc. Mais qui donc a dit un jour que la démocratie serait un régime facile, que la liberté rendrait plus simples les décisions à prendre, les votes à arrêter (et assumer) en toute responsabilité ? C’est tout le contraire.
Aujourd’hui sur le site du Figaro cette question aux internautes :
“Pensez-vous que les auteurs des violences à Air France seront lourdement condamnés ?
En voilà une question qu’elle est bien con.
A l’époque de la Cinq, une question de ce genre était posée à chaque fin de journal de 20h. Bien bête à chaque fois. Le Canard Enchainé, pour s’en moquer, avait proposé la question suivante pour le JT du lendemain :
“Etes vous pour ou contre l’éclipse de la lune ?”
Génial.
Oui, les sondages sont une plaie. Révélatrice en partie de la connerie de notre époque : on ne réfléchi plus, on sonde.