Oui je suis bien-pensant et alors ?


C’est la nouvelle insulte à la mode.

Sitôt une pensée émise, peu importe sa nature ou sa consistance, qui aurait l’inconvénient d’être partagée par le plus grand nombre, voilà que les nouveaux chiens de garde, les fidèles cerbères pleins de fiel de nos nouveaux idéologues à la petite semaine, s’en viennent d’un air supérieur et vaguement condescendant vous crachoter au visage la suprême insulte ” Encore un bel exemple de bien-pensance que voilà !”

Autrement dit que vous avez perdu votre capacité réflexive et que vous vous contentez désormais d’épouser le mouvement dominant, que vous prenez bien soin de marcher dans les clous, que vous remâchez des idées convenues en vous assurant de ne choquer personne, d’être dans la norme, le doigt sur la couture de votre irréprochable et morne respectabilité.

Vous êtes comme tout le monde, un mouton de Panurge nourri à la sousoupe servie par la toute-puissance publique, une lavasse sans aspérités, un être au rabais tout juste bon à baisser son pantalon devant l’ordre établi, un infâme suiveur, un affreux conformiste.

Pire, une raclure d’humaniste !

C’est que désormais pour se vanter d’être un rebelle, un vrai, un nouveau punk, il faut absolument afficher des opinions contraires au sentiment général, quitte à marcher dans la boue du nationalisme le plus pestilentiel qui soit, à se tenir aux côtés des penseurs les plus réactionnaires qui existent et à clamer des idées en tous points contraires à la morale élémentaire.

Être contre quel qu’en soit le prix à payer, non plus comme autrefois pour effrayer le bourgeois, envoyer paître les convenances, vivre dans sa radicalité la plus extrême parfois au prix de sa vie, mais par seul souci de laisser libre cours à ses atrabilaires pensées, de justifier son aversion contre les hommes de bonne volonté, de cracher dans la soupe amère de sa nostalgie remontant à une époque où la France était ou se pensait encore comme le centre de l’univers.  

Quoi ? Vous vous émouvez de l’image d’un enfant échoué sur une plage turque, mais mon pauvre ami, vous êtes pitoyables de conformisme, vous hurlez avec la meute, vous êtes dégoulinant de sentimentalisme, vous transpirez la bienséance, c’est affreux, c’est d’une niaiserie confondante.

Quoi ? Vous prônez une France ouverte sur l’extérieur, tolérante, multiculturelle, accueillante envers l’étranger, mais c’est inouï de mièvrerie comme raisonnement, c’est céder à des accès de bonté insupportables, c’est écœurant de sollicitude.

Aujourd’hui, l’anticonformiste, celui qui ose s’insurger contre l’ordre établi, se doit d’être réactionnaire, vaguement raciste, un brin antisémite, un tantinet xénophobe.

C’est la marque du révolté.

Celui qui prend des risques.

Au risque d’être voué aux gémonies.

Et de devenir un martyr.

Il se démarque, il provoque, il défie.

Et ce faisant, il se complaît dans la plus abjecte des postures : celle du prédicateur n’hésitant même plus à soutenir les thèses les plus nauséabondes, à monter le peuple contre les élites, à caresser dans le sens du poil la petite crapule nationaliste qui, lui, ose dire tout-haut ce que tout le monde pense tout-bas : la France partant en débandade à cause d’une immigration incontrôlée, la perte des repères due à l’injonction faite de renoncer à ses propres valeurs pour ne point choquer l’immigré du coin de la rue, l’insécurité qui galope à cause du laisser-aller général et de la tolérance affichée vis-à-vis des petits délinquants d’origine évidemment maghrébine…

Le rebelle est populiste dans l’âme.

Singulier renversement de tendance.

Pourtant, il me semble, à mes yeux bien naïfs, j’en conviens, que l’authentique révolte, loin de toutes ces prises de positions racoleuses au possible, consiste avant tout à refuser toutes les injustices.

A récuser tous les sectarismes.

A ne jamais accepter qu’on puisse reprocher à un individu d’être ce qu’il est : noir, arabe, juif, blanc, jaune.

A accepter les différences, prôner l’ouverture sur l’autre pour enrichir son propre patrimoine personnel, vivre debout sans jamais céder à la moindre compromission avec la racaille venue d’extrême droite et d’ailleurs.

Et si cela c’est de la bien-pensance, alors oui je suis bien-pensant et fier de l’être.

Et je vomis ceux qui ne le sont pas.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                    Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

9 commentaires pour “Oui je suis bien-pensant et alors ?”

  1. ça me fait vaguement penser à une chanson de bénabar 😉

  2. Cet article me fait penser à un billet matinal de Thomas Legrand sur France Inter (dont je ne retrouve pas le lien), où il renversait cet argument de « bien-pensance » : contrairement à ce que disent tous les fâcheux, la bien-pensance d’aujourd’hui, ce n’est plus les Droits de l’Homme, la tolérance, l’ouverture d’esprit, la gôche… Être bien-pensant, aujourd’hui, c’est être réactionnaire. Il suffit d’allumer la télé, d’écouter les radios privées, d’écouter parler le gouvernement, les réactionnaires sont partout, tout le temps, ils monopolisent le temps d’antenne et le débat d’« idées ». Leur omniprésence renverse le principe de bien-pensance : devenus majoritaire, ils ne peuvent plus se prétendre rebelles, contre le système, ils ne peuvent plus prétendre dire des « vérités qui dérangent », bien au contraire. Ce sont eux les bien-pensants, et vous (nous) les contestataires, c’est à nous de dénoncer cet unanimisme, d’encore et toujours nous rebeller contre les imbéciles, et de renverser la vapeur autant que faire se peut – parce que cet état de fait est loin de me mettre en joie…

  3. Bien pensé, et bien envoyé ! Le panurgisme est, aux confins extrêmes de la droite, assez répandu aujourd’hui. Panurge a-t-il déserté les territoires de la gauche ? Que non, mais le « politiquement correct », cette insulte que la droite adorait envoyer à la gauche (car l’antiracisme à tout propos étoufferait l’expression spontanée ! Souvent dit moins suavement) s’en est retourné, comme par effet boomerang, à une droite se qualifiant de « décomplexée », d’où il fuse en termes rien moins que suaves ou même châtiés.

    Comme nous en restons toujours au langage, l’on ne voit pas au nom de quoi vous n’auriez pas le droit d’exprimer, en mots inspirés par une morale nullement malsaine, le dégoût que provoquent en vous tel discours, telle option idéologique ou tel comportement. Quitte, comme vous l’écrivez, à être pris pour « une raclure d’humaniste », ce qui ne manque pas d’allure dans un monde où rôdent tant de rats.

    Tant il est vrai que le terme « bien-pensant », qui désignait le bourgeois s’exprimant quasi exclusivement selon la doxa ou discours convenu du moment, trivialement dit, le béni-oui-oui, s’applique à ravir aux pseudo-rebelles qui ont pour habitude, tels les chiens de Pavlov, de saliver et crachoter quelque insultes, censément ironique et issues du pire conformisme de leur milieu ou de leur chapelle.

    Une fichue ménagerie, tout de même ! Les moutons, les chiens, et puis quoi ? Le siècle dernier, en la matière, fut une tragique mine, à l’Est comme à l’Ouest. L’on peut défendre l’idée que ne pas resservir ses… noires pépites vaut mieux que tenter de les imiter.

  4. Le probleme n est il pas que la france a ete accueillante, tolérante (bon certes pas multiculturelle) et qu au final on a recolté un joli bras d honneur d une partie de la population qu on a accueillit. Merah ou Kaouchi ont beneficie d une education gratuite. L un a meme ete heberge en correze quand il est devenu orphelin.
    Alors evidement il y a un retour de flamme, dont des pauvres syriens qui n y sont pour rien sont les victimes. Je suis persuade que ca se serait mieux passe si au lieu de syrien ont aurait eut des asiatiques (vu qu on a assez peu de descendants des boat people qui apparaissent dans la rubrique fait divers)

    PS: je vis moi meme a l etranger et je trouve normal d essayer de m integrer et non d exiger que le pays s adapte a moi. De meme j eduque mon fils afin qu il apprenne la langue du pays car son avenir est ici et pas en France

  5. @cdg: Sans vouloir enfoncer de portes ouvertes, des tas de français “de souche” envoient aussi un joli bras d’honneur à la patrie qui leur a payé une scolarité, ou qui s’est occupé d’eux d’une manière ou d’une autre… Ce qu’a fait Merah est-il tellement plus grave que ce qu’a fait un Xavier de Ligonnès? Pourquoi la population musulmane dans son ensemble devrait être comptable des actes de Merah, alors que la population catholique n’aurait pas besoin d’être comptable des actes de de Ligonnès? Vouloir que les musulmans soient reconnaissants envers la “mère patrie”, alors que les autres ont le droit de s’en foutre, voire d’émigrer (au hasard), n’est-ce-pas, de fait, leur donner des obligations basées sur leur seule origine?

  6. Pourquoi pensez-vous que ne pas être dans la ligne du parti de la bien-pensance, implique de « d’afficher des opinions contraires au sentiment général, quitte à marcher dans la boue du nationalisme le plus pestilentiel… se tenir aux côtés des penseurs les plus réactionnaires… » ?
    Pourquoi en réponse à une remarque sur un petit manque d’esprit d’indépendance de votre part, brandissez-vous aussitôt la reductio ad Hitlerum ?

    Il existe des centaines de photographies bouleversantes montrant des mécréants décapités, des chrétiens crucifiés, des femmes enceintes éventrées, des homosexuels massacrés, des enfants affamés, de telle sorte qu’il est très évident que la surexploitation d’une image d’horreur plutôt qu’une autre ne correspond pas à un impératif moral ou émotionnel, mais politique.

    Ne pas sombrer corps et bien dans la bienpensance consiste simplement à ne pas renoncer à son sens critique, à ne pas participer bruyamment à un concert de sanglots orchestré par les médias bien que l’émotion vous serre et le coeur tout autant qu’un autre.

    Cela peut consister également à souligner que les Arabes ne sont jamais que les victimes d’eux-même.
    Hier victimes du pouvoir lybien, aujourd’hui victimes du pouvoir irakien, du pouvoir syrien ; victimes de leur antagonisme séculaire avec les chiites, de leurs rivalités tribales, de leur fanatisme religieux, de leur immaturité politique (à l’exception des Tunisiens), de la corruption de leurs « élites », etc.

    Cela peut consister également à rendre service au monde arabe, en le mettant face à ses responsabilités car personne ne sauvera les Arabes de leur violence autodestructrice sinon les Arabes eux-mêmes…

  7. “C’est que désormais pour se vanter d’être un rebelle, un vrai, un nouveau punk, il faut absolument afficher des opinions contraires au sentiment général”

    Oui, alors qu’autrefois, pour être un rebelle, il fallait afficher des opinions identiques au sentiment général.Tout se perd.

  8. Vous vous attaquez grand-frère aux sources de ma pensée; vous m’avez dépecé et jeté aux “gémonies”. Houellebecq, Zemmour et Onfray sont les seuls auteurs que durant ma vie, j’eu à lire. Je vous vomis grand frère et sans rancune.

  9. de qui parlez vous car les personnes ici sont froussardes, mal dans leur peau et tres tres mechantes!! donc j’attends qu’on voit que les mechants, tres mechants sont froussards et mal dans leur peau!!allez aux urnes afin de montrer qu’ils ont raison!! mais n’ayez pas la frousse apres! car cela s’appelle de la meconnaissance du bien pensant!!

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