Selon la dernière enquête publiée par The Lancet concernant la longévité du mâle français qui s’élèverait désormais à 78 ans et 4 mois, en toute logique, ma vie devrait s’achever aux alentours du 20 février 2046.
Ci-gît Laurent Stabilovich (1967-2046).
C’est long tout de même.
Que de chemin il me reste à parcourir.
Encore 30 années et quatre mois à me traîner, à souffrir, à me plaindre, à gémir, à changer la litière du chat, à écrire des romans illisibles, à rédiger des billets abscons, à me brosser les dents, à récurer le four, à dire bonjour, bonsoir, comment allez-vous, à manger des saloperies, à boire de l’eau, à se taper la bêtise de mes congénères, à dormir, à ronfler, à roter, à payer des impôts, à voir le niveau des océans grimper, à voter, à se torcher le cul, à pisser à côté de la cuvette.
Rien que d’y penser je suis déjà fatigué.
Remarquez c’eût été bien pire si je m’étais prénommé Laurence ; là, j’aurais eu le droit à cinq années de rab.
Les féministes devraient protester : quelle infortune de devoir se coltiner cinq années supplémentaires alors que l’homme pendant ce temps là n’en fout plus une, bien à l’abri dans son cercueil doré.
Selon la même étude, si j’étais né au Lesotho, il me resterait… non en fait je serais déjà mort.
Ah heureuse époque des siècles derniers quand on commençait à décliner dès la trentaine arrivée ; à quarante ans, les jeux étaient faits : le cimetière vous tendait les bras, le corps se ratatinait, c’était déjà l’heure des adieux.
Maintenant, à cause des progrès de la médecine à qui on n’a rien demandé, il nous faut crapahuter jusqu’à quatre-vingts balais, continuer à faire le mariole pendant des décennies, assister à la lente et inexorable décrépitude d’un corps qui n’en peut plus mais qu’on oblige à vivoter pendant quelques années encore.
Tu parles d’un progrès.
Comme si vivre était un cadeau.
Toute vie est un processus de démolition écrivait déjà Fitzgerald.
Aujourd’hui c’est même une entreprise de déconstruction à grande échelle.
On nous force à manger sain, à courir comme des dératés, à nous entretenir, à surveiller notre cholestérol, diabète, tension, poids, masse corporelle, à suçoter toutes sortes de pilules pour nous contraindre à rester vivants envers et contre tout.
Bientôt on sera tous centenaires.
On logera avec nos propres parents dans la même maison de retraite. Peut-être dans la même chambre. A se voir les uns les autres perdre la boule et converser avec des pots de fleur. A rester le cul vissé sur nos lits à regarder Questions pour un champion.
A attendre que toute cette farce sinistre ne s’achève.
Décidément, on ne devrait jamais naître.
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De l’inconvénient d’être né. Vous êtes la réincarnation de Cioran, ce qui le fait vivre d’autant plus …
Quand vous serez “enciellé”, l’âme à la gauche du Saint-Esprit et le “corps du délit de la vie” rogné par les vers, je vous en conjoint de priez pour mon salut, pour la grâce de votre jeune frère que je suis.
Je me confondrai en hommage sur mon compte Facebook et Twitter. Je leur dirai que vous m’avez enseigner l’art du scribouillage. Que en fin de compte, je suis votre (in)digne (ré)présentant.
Et, peut-être qu’on me croira.
Et en plus on a même pas le droit de se droguer, conduire
Merde c’est parti tout seul. Donc :
Et en plus on a même pas le droit de se droguer, conduire à 180, bourré, fumer dans les bars, etc. Ils veulent nous faire mourir d’ennui le plus vieux possible et en bonne santé. Qu’ils crèvent !
Holà, M. le bientôt Quinqua, qui donc vous assure que vous serez aussi longévif ? Sachez qu’une aussi médiocre longévité est souvent – et de beaucoup ! – atteinte et dépassée par les arbres ! Jusqu’à des sujets d’essences réputées fragiles, voire chichiteuses ; des sujets n’ayant ni les racines, ni l’assise, ni les branches propres à défier les siècles ; des sujets recourant fréquemment à des tuteurs redresseurs de biais. Bref, des arbres sans envergure, grêles, ne prétendant pas jouer aux presque quatre-vingt-dix degrés avec les quasi verticales raideurs de quelque alpe abrupte, vous distanceraient en âge d’un bon tiers de celui d’une tortue malingre. La bête victorieuse du lièvre trimballe souvent sur soi sa maison pendant quelque quatre cents ans…
Il ne faut jamais prendre la statistique pour une assurance-vie. Tant d’incidents, d’accidents, de maux, qui n’étaient pas prévus, peuvent vous abréger le destin – tel Charles-Henri Sanson, bourreau officiel de son état qui, malgré les hâtes à raccourcir se conjuguant, servit, avec une fort louable productivité durant la Révolution française, le tranchoir réclamé par le docteur Jean Ignace Guillotin, lequel refusa en vain qu’on rappela qu’il l’avait en quelque sorte porté sur les fonts baptismaux.
Qui sait d’ailleurs – quoique « on ne [dût] jamais naître » (sic) – si, après les trente et une années à venir de blogs ponctuels, vous ne demanderez pas quelque rabiot aux Parques ? À l’instar de Mme du Barry suppliant, en 1793 : « Encore un moment, M. le Bourreau ! »
Heureux homme, elle n’avait que cinquante ans.