La seule chose qui me console quand j’assiste au triste spectacle de ma compagne rentrant de shopping les bras chargés de cartons en tous genres, synonyme de fins de mois difficiles, c’est d’anticiper la joie que ces derniers ne manqueront pas de procurer à mon auguste chat.
Après le silence de Dieu pendant la Shoah, l’affection porté par mon chat aux boîtes à chaussures demeure la plus grande question métaphysique de mon existence.
Celle dont je sais d’avance que je ne trouverai jamais de réponse satisfaisante.
Qui continuera à me hanter même au-delà de ma mort.
La première que je poserai au premier larbin du ciel rencontré ” Mais pourquoi, pourquoi donc mon chat entretenait-il des affinités si électives avec un misérable bout de carton alors qu’il avait la possibilité de se vautrer dans un coussin de luxe, moelleux à souhait, acheté à la farfouille pour la modique somme de deux cents euros ?
Et lui, de me répondre comme à son habitude ” Pourquoi pas ? ”
Le regardant roucouler dans sa boîte ou se lover dans son rectangle en carton comme Emmanuelle dans son légendaire fauteuil en osier, je ne sais plus qui de la boîte ou de mon chat je suis le plus jaloux.
Sûrement des deux.
Trouver une pareille félicité à s’encastrer dans une surface aussi minuscule avec la tête recouverte d’une patte, les oreilles rabattues contre la queue, le ventre se torsadant sur lui-même en une pirouette digne de figurer en tête d’affiche d’une école de cirque, prouve d’une manière certaine la parfaite schizophrénie du chat à se complaire tantôt dans les soyeuses fanfreluches de madame, tantôt dans l’exiguïté contrariante de ces boiboîtes où il semble pourtant être la plus heureuse des créatures terrestres.
Il est alors Moïse dans son berceau dérivant le long du Nil avant d’être récupéré par la fille de Pharaon.
Le Capitaine Achab, se tenant à l’extrémité de son embarcation, afin de trouver trace de Moby Dick.
Boudu sauvé des eaux.
A chaque fois que ma moitié s’aventure hors de chez nous, voilà que tous les deux, mon chat et moi, nous nous mettons à prier : l’un pour qu’elle ne croise pas sur sa route un de ces escarpins dont sa carte bleue raffole, l’autre au contraire afin qu’elle s’entiche d’une quelconque paire de souliers, sabots, espadrilles, baskets, tongue, bottes, bottines ; peu importe la forme pourvu qu’il ait le carton.
Et à ce jeu-là, à mon grand désespoir que je partage avec mon banquier, je dois avouer que ses prières se trouvent être exaucées bien plus souvent que les miennes.
C’est son port d’attache.
Son refuge.
Son totem. Son hamac. Son bâton de pèlerin. Son buisson ardent.
Serait-ce donc le seul endroit où il se sente en sécurité, à l’abri de toutes mésaventures, dans la parfaite tranquillité d’une boîte à chaussures sentant encore bon le cuir de vache ?
Ou bien alors représente-t-il ce malheureux carton la précarité de toute existence et la consolation de pouvoir trouver son bonheur, non pas dans des rêves de grandeur, mais dans la simple sollicitation d’une vie simple et modeste où il faut apprendre à se contenter de ce que l’on possède au lieu de chercher à acquérir des châteaux en Espagne ?
Ah mystère indicible de la vie féline, sauras-tu un jour me révéler tous tes impossibles secrets ?
Me diras-tu, vieux compagnon de route, la raison de toutes ces étrangetés ?
Ouais c’est ça, compte-dessus et bois de l’eau fraîche. En attendant j’ai faim, au lieu de faire ton poète du dimanche, je pourrais pas ravoir des croquettes, dis ?
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J’adore !!!!!!
Excellent!
Je partage avec vous les mêmes questions concernant les chats qui se complaisent aussi bien sur un oreiller en soie que dans un panier à bois.
Je les envie.
D’ailleurs j’entends Bobby qui vient de passer la nuit dehors et veut retrouver ses appartements plus confortables!
Chalut!
«Quitte ta foutue boîte, chat ! » Voilà les mots qu’à son félin l’on ne doit jamais dire. Susceptible est le tigre urbain et on ne peut plus contorsionniste. Tout interdit concernant son sous-logis risque de le mettre en fureur et d’ouvrir sa boîte de Pandore à lui, celle d’où jaillissent d’imprévisibles feulements qui vous conduisent dans une jungle inconnue des maîtresses et maîtres des minous des villes découvrant qu’ils entretiennent chez eux un fauve fier. Le « chez eux » est à relativiser, car tout chat prétendument domestiqué est, chez ses maîtres, chez lui ! Il ferait beau voir que les ronrons et miaous charmeurs anesthésient à ce point lesdits maîtres et maîtresses, et qu’ils se mettent à traiter comme un vulgaire chien-chien ce chat (puisqu’il faut, selon Boileau, appeler ce chat « un chat ») alors que l’on est en présence d’un noble descendant de l’Égypte ancienne. Non mais !
Noblissime animal ondulant de la colonne et chaloupant de la croupe, qui exerce et lime ses griffes autant que de besoin sur vos moquettes, puisque – pauvre(s) comme Job ! – vous ne pouvez même pas lui offrir, pour qu’il se livre à cette noble activité, des tapis de Kairouan, de Chiraz ou d’ailleurs.
Quant à « ravoir des croquettes » – celles qu’à votre chat vous quémandez (votre finale est amphibologique…) ou bien celles qu’il vous réclame –, l’on est désolé de dire qu’un chat à croquettes, a fortiori un maître à croquettes, sont indignes des Pharaons !
De là à ce que le vôtre s’isole dans un carton pour ne plus songer à son triste sort, il n’y a qu’un pas. À quand les paradis artificiels pour que ce chat déchu oublie sa déchéance ?
Le chat, comme l’homme, veut retourner dans le le paradis originel : le ventre maternel.