Hier, à 14h18, je suis devenu Canadien


De la vie totalement insipide et magnifiquement raté de Sagalovitsch (1967-2054), de celui qui fut tout à la fois un écrivain raté, un blogueur avorté et un crétin patenté, s’il ne fallait retenir qu’une date, ce serait sans en douter celle du 12 août 2015.

Ce jour-là, Stabilovitsch, 1m53 pour 88 kilos, doté d’un Q.I négatif, affublé de toutes les tares possibles jamais rencontrées chez un seul individu,  cérébralement pétomane, métaphysiquement incontinent, intellectuellement aphone, fut admis pour de bon dans la grande famille canadienne.

Il allait sur ses quarante-huit ans, semblait en avoir soixante-dix, ressemblait à un fantôme de joueur de pipeau.

Il n’avait rien pour lui, ni talent, ni argent, ni diplôme, ni même téléphone portable, il vivotait en vampirisant l’existence de sa compagne (ainsi que son portefeuille), il traînait sa légendaire mauvaise humeur du matin au soir, il passait ses journées à regarder les pérégrinations du cadavre de son poisson rouge tournant en rond dans son aquarium en s’interrogeant sur le sens de la vie, il perdait ses cheveux, il en voulait à la terre entière mais la terre entière ne savait même pas qu’il existait.

Seul le Canada, après moult tergiversations, réunions au plus haut sommet de l’Etat, concertations entre les corps constitués, par souci de ne pas accabler de trop un être humain que les autres nations du monde avaient pourtant jugé comme irrécupérable, voulut bien l’accepter comme citoyen à part entière de ce pays grand comme la Russie de ses ancêtres judéo-bolcheviques.

Dans son journal, à la date du 12 août 2015, Sapotrovitch écrivit :

”Réveil tardif. Plus de beurre. Ai dû manger mes deux tartines sans rien pour les accompagner. Sentiment d’échec. Eu envie de me recoucher mais C. ne m’en a pas laissé la possibilité. Dispute. Cris. Me suis enfermé dans la salle de bains. Désespoir. Plus de dentifrice. Ai dû me brosser les dents sans rien. A nouveau sentiment d’échec. A midi, C. est venu me demander si j’étais prêt. Prêt pour quoi ai-je répondu. Cris. Dispute. Avais complètement oublié que nous étions le jour du serment. C. a voulu que je mette une chemise. Ai refusé opiniâtrement. ”

Finalement, comme on peut le constater sur les images d’archives qui nous restent, Sagapoulovitch mit bel et bien une chemise et se rendit à la cérémonie de citoyenneté.

A 14h18, il se leva de son siège et levant mollement son bras droit récita d’une voix atone le serment qui le consacrait comme citoyen canadien :

Je jure/Que je serai fidèle/Et porterai allégeance/A Sa Majesté la reine Elizabeth Deux/Reine du Canada/A ses héritiers et successeurs/Que j’observerai fidèlement les lois du Canada/Et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen canadien.

Voilà c’était fait.

Pour ce morceau de bravoure, un juge lui remit son certificat de nationalité.

Sagagalopitrich remercia son éminence et rentra chez lui.

Il était épuisé.

Il retira sa chemise, salua son poisson rouge, s’affala sur son canapé, s’abîma dans la contemplation du plafond.

Il ne réalisait pas.

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Il se demandait ce qu’auraient pensé son grand-père enterré à Sousse, ses grand-mères allemandes et roumaines, son père belge, sa mère tunisienne, son frère français, son chat apatride, s’ils avaient su que désormais leur illustre lignée s’inscrivait sous le haut patronage de la Reine d’Angleterre en un pays où jamais jusqu’à alors aucun Sagalovitsch ne s’était encore aventuré.

Il partit alors d’un grand rire sonore.


Décidément, il était bien un Juif en cavale.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                               Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

5 commentaires pour “Hier, à 14h18, je suis devenu Canadien”

  1. Ce cruel « sentiment d’échec », à l’évidence fondé sur le manque de beurre (& confiture ?), dentifrice…, dut être (oh, un bref instant !) sinon effacé, au moins suspendu. L’atteste le « grand rire sonore » de ce M. Stabilovitsch, doté de trois charmants alias [Sapotrovitch, Sagapoulovitch et Sagagalopitrich] ; ces manques, ces frustrations, ces sentiments d’échec cédèrent au pouffement, retenu comme il se devait durant les préparatifs de la patriotique sortie, en un esclaffement peut-être victorieux mais assurément inconvenant. En tout cas compensatoire : non sans solennité, le « plus haut sommet de l’État », les « corps constitués » du Canada venaient enfin de clore leurs concertations réitérées par une heureuse, lourde d’humanité et, apparemment, hilarante décision d’attribuer à M. Sagalovitsch (& Cie) la nationalité canadienne.

    Le voici désormais doté d’une Reine, prodigue en ostentations de bibis aux couleurs vives – dont certains suscitent des pouffements qui ne sauraient éclore en esclaffements, ô frais Canadien. La royauté, même constitutionnelle, le requiert absolument !

    Gageons que les ancêtres aux riches origines et localisations de Monsieur Sagalovitsch (& Cie) lui conseilleraient sans aucun doute de veiller à ce que sa « cavale » ne manque jamais de picotin.

  2. Je viens de lire ce billet 3 fois de suite sans m’en lasser. A ce rythme vous aurez une copie plus que conforme.
    Oups, je viens de parcourir 2km sans savoir que mes lacets n’étaient pas noués.

  3. Ce qui va être intéressant à voir, c’est l’évolution du personnage maintenant qu’il a prété serment de remplir loyalement ses obligations de citoyen canadien, dont la principale reste quand même de tout faire pour maintenir la réputation de gentillesse des Canadiens…

  4. C’est votre mère juive qui va s’étouffer de voir que vous faîtes allégence à une autre femme qu’elle! tu quoque mi fili!

  5. ah ah, bien vu !

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