Cachez ces handicapés qu’on ne saurait voir


C’est un scandale.

Un vrai pour une fois.

Qui devrait tous nous interpeller et nous amener à affirmer notre volonté que les choses changent au plus vite.

Là, maintenant, de suite.

Hier, le parlement a encore accordé aux collectivités locales, aux établissements privés, aux salles de spectacles, aux sociétés de transports, un délai supplémentaire pouvant aller jusqu’à neuf ans (!!!) afin de se mettre en conformité avec les dispositions législatives concernant l’accès réservé aux personnes handicapées.

C’est une véritable honte.

A chaque fois qu’il m’arrive de revenir en France, de retourner à Paris, je suis révulsé de voir à quel point, dans la patrie des Droits de l’homme, on se moque ouvertement du sort des handicapés, comment on les condamne à vivre en vase clos, comment rien n’est entrepris pour leur faciliter la vie.

Comment une cité aussi réputée que Paris, prétendument moderne, bien ancrée dans son siècle, destination phare des touristes du monde entier, peut-elle se comporter de la sorte avec des citoyens ordinaires dont le seul tort est d’être amoindri physiquement ou mentalement ?

Comment est-il encore possible de laisser des bouches de métro sans ascenseur, de posséder des bus incapables d’abaisser le niveau de leur porte d’accès pour  permettre aux fauteuils roulants de pénétrer à l’intérieur, de laisser fleurir des trottoirs dépourvus de ”bateaux” aménagés qui rendent impossibles ou cauchemardesques tout déplacement pour des personnes à mobilité réduite ?

Comment peut-on prétendre organiser des Jeux Olympiques alors qu’on n’est même pas fichu de rendre accessibles des lieux de vie à des personnes éprouvant des difficultés à se mouvoir ?

Comment nous autres bien portants ou supposés tels puissions admettre qu’une telle ségrégation, qu’un tel apartheid aussi monstrueux s’opère sous nos yeux sans provoquer autre chose qu’une morne résignation ?

Serait-ce parce que précisément à force de les ostraciser, de leur rendre la vie impossible, de les confiner dans leur appartement, ces personnes-là sont devenues à un tel point invisibles, exclues de nos trottoirs et de nos salles de spectacles, que leur sort nous  indiffère au plus haut point ?

Tout entreprendre afin que les handicapés, peu importe la nature de leur handicap, soient à même de circuler de la manière la moins pénible possible, d’aller où bon leur semble, de soulager le poids de leur invalidité, devrait être le credo, l’obsession suprême de nos gouvernants.

Il est vrai qu’au contraire d’autres groupes parfaitement organisés, il est plus difficile aux handicapés de bloquer des péages afin de se faire entendre des pouvoirs publics.

Et qu’on ne vienne pas me parler du coût que représenteraient ces dépenses d’aménagement !

Lorsqu’il s’agit de la dignité de millions de personnes, d’hommes et de femmes, souffrant déjà dans leur chair d’être affublé d’un handicap, la question de l’argent, quand il s’agit de sociétés occidentales repues et prospères comme la nôtre, ne devrait jamais être prise en compte.

Ou alors c’est entériner le choix de vivre dans une société à deux vitesses où, sur l’autel de nos égoïsmes particuliers, nous sacrifierons une part de notre humanité pour conserver nos acquis.

Ou pour ne pas déranger nos petites habitudes.

C’est un choix de civilisation.

Sommes-nous devenus si insensibles au sort de l’autre que de telles pratiques d’exclusion nous paraissent si peu dignes d’intérêt et ne déclenchent chez nous ni révolte ni cris de fureur ?

Une société moderne se juge à l’aune de la façon dont elle traite ses êtres les plus démunis, les plus faibles ou les moins à même de se débrouiller dans leurs vies quotidiennes.

Ni plus, ni moins.

Qu’on se le dise, les personnes handicapées ne sont ni des citoyens de seconde zone, ni des poids morts condamnés à vivre dans le huis-clos de leur habitation.


C’est à nous, à notre mode de vie, à s’adapter à elles et non pas le contraire.


Nous sommes tous des handicapés en puissance.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

8 commentaires pour “Cachez ces handicapés qu’on ne saurait voir”

  1. Enfin !!! SAGALOVITSCH s’assagit !

  2. De quoi ils se plaignent maintenant ils arrivent à jouer au basket, nager le papillon avec leurs moignons et courir le 100 mètres aussi vite que Usain Bolt, ils doivent bien être capables de se démerder pour franchir un trottoir de 15 centimètres non mais sans blague.

  3. J’aime vos chroniques,Je les attends avec impatience.
    Pourquoi ne pas en faire un livre ?

  4. Vous dites aujourd’hui de fortes et belles choses. Mais « ces handicapés qu’on ne saurait voir » sont déjà cachés par le langage : jadis, on les dénommait « infirmes » – faibles, atteints d’infirmités, spécialement incurables – mais le terme sembla discriminatoire. D’où une cascade d’euphémismes, ces adoucissements des choses par les mots : mal ou non-entendants, mal ou non-voyants, malades mentaux, etc. On renonça donc (par humanité ?) à appeler un chat un chat. Puis, au « pays des droits de l’homme », on légiféra pour imposer aux entreprises d’embaucher un petit « quota » de personnes frappées d’une infirmité (donc « handicap »), faute de quoi lesdites entreprises verseraient des sommes destinées à améliorer le sort des handicapés. En somme, on leur proposait d’insérer au sein de leur personnel valide des travailleurs handicapés, mais avec un antidote (à la gêne ? À la honte ? À la peur ?) sous forme d’argent permettant de ne pas les insérer, donc d’en dissimuler l’existence aux employés, à la clientèle. Un semblable antidote – l’amende financière – fut proposé aux partis politiques ne respectant pas un certain « quota » de femmes dans les listes proposées aux suffrages des électeurs. Ils préférèrent, allez savoir pourquoi, cracher au bassinet…

    On voit par là que l’infirmité d’être femme, amoindri physiquement ou mentalement fait tache ; on s’efforce donc de la camoufler par le langage, et de la compenser par de l’argent. Vaine initiative…

    Lorsque Tartuffe adresse sa célèbre supplique à la servante Dorine : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » en lui tendant un mouchoir (« Tartuffe ou l’Imposteur », Molière, acte III, scène 2), il ne veut pas qu’elle lui dissimule une déficience : « Par de pareils objets les âmes sont blessées /Et cela fait venir de coupables pensées».
    Serions-nous moins hypocrites que l’imposteur Tartuffe ?

    Vous avancez l’hypothèse que les handicapés deviendraient « invisibles » pour avoir été trop ostracisés par les qui valides. Et si, plus simplement, l’on n’osait pas les voir – mieux : les regarder –, car ils nous montrent telle ou telle infirmité qui pourrait nous atteindre, frapper un membre de la famille, ou démolir un des nos proches ? De là votre « Nous sommes tous des handicapés en puissance », ce qui est indiscutable. Aussi serait-ce bien plus par excès de sensibilité que par « insensibilité », que nous finirions par être atteints de cécité à l’égard des handicapés. Plus par sidération que par indifférence.

    L’être humain n’aime pas voir ce qu’il pourrait devenir. Il en fuit l’image. Mais il ne l’oublie pas. C’est pourquoi il est prêt à se dépouiller d’une partie de son cher argent au bénéfice de ceux dont la vue préfigure une éventuelle invalidité. À condition, bien entendu, que les politiques s’en convainquent eux-mêmes et ne proposent pas aux citoyens trop de douceurs, au détriment des inévitables sacrifices qui résultent, comme vous l’écrivez, d’ « un choix de civilisation ».

  5. Au pays des normes, il y en a toujours qui ne passent pas. Bon courage pour réussir à trouver de la place à Paris pour percer un ascenseur à chaque station de métro, d’autant que le mobilier urbain est déjà pléthorique dans cette ville bien dans son temps. Au moins on trouve de l’argent et de l’énergie pour installer des abris bus avec ports USB intégrés. De quoi se plaint-on ? Les handicapés ont aussi des iPhone, enfin je crois, j’en suis pas sûr, mais je connais quelqu’un qui connaît une personne dont le frère se déplace en chaise roulante

  6. Paris ne c’est pas construite en un jour. Effectivement il y a peu de chance que les infrastructures construites il y plus de N années (pourquoi pas 40 ) soient conçus pour les handicapés, car il n’y avait pas de reconnaissance social de leur condition,
    Le réseau de métro est bien vieux à paris…mais le réseaux de bus est dense ! Il est certainement inadmissible que tous les bus ne permettent pas leurs pratique aux handicapés, mais pouvons nous reprocher que certaines zone resteront inaccessible alors que des transports de substitution existe ( bus, navette, …) ?

  7. Trop facile de toujours critiquer, dénigrer, ironiser… sur papier, le Net ou devant micros et caméras et d’en rester là. A certains, connus ou pas, je voudrais bien pouvoir demander ce qu’ils ont fait concrètement avant la fin de 2014: ont-ils été militants actifs et revendicatifs au sein par exemple des commissions communales d’accessibilité, ont-ils interpellé directement leur député-maire, ont-ils signalé aux élus locaux des anomalies concernant par exemple les places de stationnement… Je m’arrête là, à chacun son opinion.

  8. Inadmissible et très attaché à ceux là , handicapé moi même mais beaucoup beaucoup moins qu’eux mais ayant vécu des instants de vie à différents moments avec eux. Tout être humain est digne et eux autant que nous tous les biens portants.

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