J’ai passé mon test de nationalité…canadienne

 

Hier matin, j’ai été convoqué pour passer mon test de nationalité, la dernière étape avant de devenir un Canadien pur souche capable de bâtir sa cabane en s’enivrant au sirop d’érable.

Vingt questions au programme.

Plus de cinq erreurs et c’était la reconduite à la frontière direct par le premier avion.

Je n’en menais pas large.

Depuis des semaines j’avais bouffé du canadien à haute dose.

L’histoire du pays, sa géographie, le fonctionnement de ses institutions, le rôle de la Reine d’Angleterre à qui bientôt j’aurais à prêter allégeance, la différence de dentition entre le castor et le caribou, la recette de la poutine, la couleur du drapeau, les paroles de l’hymne national, la personne à appeler en cas de constipation, l’espérance de vie d’un ours sauvage, la devise du pays, le nom des capitales provinciales, la façon de démonter son tipi en moins de trois minutes.

A plusieurs reprises je fus sur le point de renoncer.

C’était quoi ces manières de venir m’emmerder avec leurs questions à la noix ? J’avais passé l’âge de bachoter comme un demeuré d’étudiant obligé de retenir des dates dont tout le monde se foutait. Me familiariser avec des personnages historiques tout juste bon à éveiller l’intérêt de marmots en classe de maternelle. Me coltiner le nom de lacs dans lesquels jamais je ne barboterais.

Je n’en dormais plus.

Je révisais et révisais encore au point de tout finir par confondre.

Le matin de l’examen, je tremblais comme si j’avais rendez-vous chez l’ophtalmo pour décider de la date de l’ablation de ma vessie.

Précautionneux comme un amoureux à son premier rencard, j’arrivai une heure à l’avance au rendez-vous.

Il y avait foule.

Des Asiatiques un peu partout.

Quelques Sikhs, un panaché d’Arabisants, une palanquée d’Hindous, une tripotée de Philippins, et moi, moi, moi, quarante-sept balais au compteur, fier et unique représentant de la vieille Europe, le seul à exiger de passer le test en français, au grand désappointement de l’examinateur contraint de descendre à la cave chercher un questionnaire rédigé dans la langue de Marc Lévy.

Évidemment avec mon nom à coucher un Juif dans un wagon plombé, je ne rentrais pas dans les cases et à nouveau j’ai dû me circoncire de quelques consonnes pour ne froisser personne.

Assimile-toi et tais-toi.

On a distribué les tests, je me suis plongé dedans avec l’avidité d’un bûcheron décidé à décimer son tronçon de troncs avant l’heure de la pause, j’ai entouré ce que je pensais être les bonnes réponses ; en me relisant, je me suis aperçu que je m’étais trompé de lignes : par mégarde j’avais affirmé que pisser sur la pelouse du voisin constituait une façon de rendre service à sa communauté, que je devais révéler à mon boulanger pour qui j’avais voté lors des élections fédérales, que la seconde guerre mondiale avait servi à libérer les baleines bleues de l’oppression des grands phoques blancs et que servir la Reine consistait à manger du castor tous les 11 novembre en mémoire de Jacques Cartier qui fut le premier explorateur à ouvrir un casino en Floride.

J’ai attendu les résultats dans une salle attenante qui devait furieusement ressembler au hall de la gare centrale de l’aéroport de Pékin à l’heure de la révolution culturelle.

On a fini par m’appeler, une dame a ânnoné Monsieur Lauri Maoloichen est demandé au comptoir et d’instinct j’ai su qu’elle parlait de moi.

Je me suis présenté, elle m’a dit que j’avais commis une faute, je me suis excusé, elle a fini par me demander si j’étais bien celui que je prétendais être, après réflexion j’ai convenu que oui excepté le jour où belle-maman venait dîner à la maison, elle m’a félicité et m’a annoncé que d’ici trois mois je recevrais ma convocation pour prêter allégeance.

A la Reine d’Angleterre.


Ou à l’Impératrice de Chine.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true )

4 commentaires pour “J’ai passé mon test de nationalité…canadienne”

  1. Il faut savoir ce que l’on veut : « quarante-sept balais » (ou piges) ou pas, c’est pareil que pour « un demeuré d’étudiant obligé de retenir des dates dont tout le monde se [fout] ». Quand il faut, faut, y a pas ! Et puis, apprendre que le caribou, de la famille des Cervidae, c’est tout comme (ou presque) le renne d’Europe, que le Castor canadensis a la queue plus plate que l’extrémité arrière de l’Européen, ou castor fiber, ce n’est pas négligeable. La dèche venue, ou lorsqu’on veut faire un cadeau à belle-maman, ça accroît les chances d’emporter le maximum au Jeu des mille euros, ou au jeu cousin pratiqué chez feu Jacques Cartier.

    L’admirable est que la correctrice a aussitôt saisi que vous aviez répondu aux questions à la manière « Sens dessus dessous ». Contrairement à l’embarrassé Raymond Devos, dont les colocataires « du dessous/ voudraient habiter au-dessus ! », mettant ainsi l’immeuble sens dessus dessous, votre examinatrice canadienne a remarquablement lu votre test. Ah, ce n’est pas en France qu’on aurait su remettre à leur place vos réponses ! Comme au permis de conduire, vous auriez eu droit à un « À repasser ! » sans appel.

    Au lieu qu’au Canada, vous voici « subito » devenu sujet de la reine Elizabeth II ! Avec le droit incomparable de vous consacrer à l’étude comparée des dentures respectives du caribou et du castor, et autorisation d’en prendre tous les clichés destinés à vos futures cartes de visite canadiennes ; ou même, en illustrer votre prochain ouvrage sur les canadiennes chimères : « L’extraordinaire vie des Cariboustors et des Casbouris » (simple suggestion).

    Veinard, va !

  2. Québec ou Canada ? Vous allez devoir choisir. Pour vous aider :
    https://tce-live2.s3.amazonaws.com/media/media/fbe3ba80-6067-4d7f-a6a5-6c9d79b3167b.jpg

  3. triste

  4. Félicitations tout de même!

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