J’étais donc entrain de baguenauder mon humeur toujours aussi chagrine le long de cette merveilleuse autoroute de la communication nommée Internet quand, au hasard d’un quelconque site d’actualité, je lus de mes yeux lus que selon le magazine américain Fortune Taylor Swift était la femme la plus influente au monde.
Moi qui jusqu’ici pensait que c’était ma mère, je restai ahuri par la lecture de cette nouvelle qui, je le sentis de suite, allait changer radicalement le cours de ma pauvre vie.
C’est que je n’avais aucune, mais alors aucune idée de qui pouvait bien être cette Taylor Swift.
Je ne peux pas affirmer que son nom m’était irréductiblement étranger, je l’avais certainement déjà croisé lors d’une lecture fortuite mais pour autant j’aurais été bien incapable de dire à quelle activité s’adonnait Taylor : j’aurais hésité entre actrice d’une série pour adolescents attardés, mannequin anorexique, chanteuse à crochet, directrice de la communication chez Yahoo ou Google, starlette d’une émission de la téléréalité albanaise, suffragette pointant le bout de ses seins chez les Femen, Première Ministre d’un pays nordique, la Norvège ou la Finlande par exemple.
Il faut dire que, pareillement, j’aurais grand mal à reconnaître Rihanna si d’aventure je la croisais dans une allée de mon supermarché favori, que tout Mister Saga que je suis je pourrais fort bien avoir Lady Gaga comme voisine de palier sans même le savoir et réciproquement, je tiens à le préciser, ou que Lana Del Rey pourrait me demander en mariage sans que je soupçonne une seule seconde que notre nuit de noces se passerait sous une nuée de caméras.
Cependant, à contrario, pour une raison que je ne m’explique pas, je sais parfaitement qui est Miley Cyrus.
C’est étrange tout de même la vie me disais-je, perdu dans mes réflexions teintées de métaphysique pop art.
Miley, oui, Taylor, non.
Justin Bieber oui, Chris Brown non.
Jean Echenoz oui, Guillaume Musso non.
Bref, désireux tout de même d’en savoir plus sur cette demoiselle dont l’influence supplantait celle de ma mère qui, quand bien même repose-t-elle six pieds sous terre, continue à diriger le cours de mon existence, je m’en fus farfouiller dans ce grand trou du cul que représente internet afin de dépuceler mes connaissances swiftiennes qui jusqu’alors étaient, il faut bien en convenir, plus que lilliputiennes.
Je n’allai pas bien loin.
Sa page Wikipédia était encore plus longue que celle consacrée à Platon.
J’appris cependant l’essentiel : elle chantait, la Taylor de ces messieurs dames.
Et pas qu’un peu.
Plus de quarante millions de personnes avaient déjà acheté un de ses disques.
C’est à ce moment précis que je ressentis une grande et profonde vague de tristesse m’envahir. Une sourde mélancolie. Un désespoir moisi. Une désespérance rance.
Qu’est-ce donc qui n’allait pas chez moi ?
Comment pouvais-je prétendre à vivre parmi mes semblables, à écrire même parfois sur eux, à les côtoyer dans leurs activités quotidiennes tout en ignorant un fait aussi essentiel que selon toutes probabilités ils avaient déjà écouté sur leur walkman des ritournelles signées Taylor Swift ?
Comment ?
Comment avais-je pu vivre dans une ignorance si crasse, comment avais-je pu passer à côté d’un tel phénomène, comment pouvais-je prétendre décrypter le monde qui m’entourait si je passais à côté de personnalités aussi présentes dans le vaste champ de la modernité ?
Soudain j’eus honte.
Je me sentis vieux comme Hérode.
Je me répétais la promesse rimbaldienne, il faut être absolument moderne, que je n’avais su tenir.
J’avais échoué dans les grandes largeurs.
Le monde me rejetait.
Je n’appartenais plus au genre humain.
Par paresse, par vantardise intellectuelle, par souci puéril de me différencier, j’avais emprunté des sentiers qui ne m’avaient mené nulle part, en un désert aride où je cheminerais encore quelques années sans jamais croiser personne, exclu parmi les exclus, réprouvé parmi les réprouvés, influencé par personne d’autre que moi-même.
Et ma défunte mère.
Triste sort.
Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici: https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true
“Fortune” s’est trompé. Comme souvent. La plus influente femme au monde, pour vous – comme pour nous vous lisant –, c’est en effet votre « défunte mère » qui, « continue à diriger le cours de [votre] existence » [Ajoutons ici, par respect de la vie privée : c’est vous qui le dites].
Contrairement à ce qu’affirmerait M. Jacques Séguéla s’il s’invitait dans ce débat – « Mr Laurent Sagalovitsch qui, à presque cinquante ans, ne connaît pas Taylor Swift, a raté sa vie ! » –, vos lectrices et lecteurs pourraient lui assurer que Mr L.S. tirait jusqu’ici fierté de connaître : un, Jonathan Swift, qui écrivit une « Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d’être à charge à leurs parents et à leur pays et pour les rendre utiles au public », petit chef-d’œuvre d’humour noir ; deux, Frederik W Taylor, inventeur d’une célèbre organisation scientifique du travail destinée à améliorer le rendement de la main-d’œuvre ; trois, Elizabeth Taylor qui, durant le tournage (1961) de « Cléopâtre », qu’elle incarna, rencontra Richard Burton (Marc Antoine) : ils connurent dès lors une folle, agitée et réciproque passion. Pour être plus rimbaldien encore, peut-être Mr L.S. va-t-il leur adjoindre « la » Taylor Swift.
On peut imaginer à Taylor Swift une postérité égale à celle des quatre ci-dessus car (« quand même ! », comme écrivent les gazettes pipoles) elle est : actrice, chanteuse, compositrice, danseuse, musicienne… Et ajoute à un arc fichtrement cordé, la pratique épisodique du doublage de films. On peut en revanche penser que« Fortune », ainsi que son nom incline à le croire, ne pense qu’à l’influence mesurée à l’aune de l’argent. L’on doute que Taylor Swift supplante en postérité argentique un dénommé Crésus…
Notre auteur, qui évoque souvent sa mère dans ce blog, devrait s’exclamer, exquisement poli : « Et la postérité maternelle, alors ?! »
J’ai entendu à la radio un commentaire sur le fait que Taylor Swift était la femme la plus influente au monde… Les médias en général aiment balancer des titres ronflents et démagogues… En quoi cette jeune femme influence-t-elle notre société… Son jolie minois, ses jolies jambes et fesses, ses chansons sont-elles de nature à changer notre quotidien, notre vie, notre érudition et à nous rendre meilleurs !? Il est vrai qu’on peut faire plus facilement le “buzz” avec une gamine qui passe à la TV et qui a gagné des millions en chantant des navets que si c’était une gamine sortant des banlieues, aussi jolie par ailleurs, allant tous les jours à son boulot payé au SMIG…
Ainsi va notre société “miroir aux alouettes” dans laquelle le futile est souvent mis en exergue, alors qu’il existe des millions de gens bien plus important, anonymes, qui eux font avancer notre société !!!
En tout cas, c’est encore un billet plein d’humour, bravo monsieur!
Moi qui pensais que c’était un chanteur. Oui, UN chanteur. Taylor est bien un prénom androgyne, et ça a été une révélation.
J’en suis encore tout tourneboulé.
Lol,on dit, je crois…
Consolez-vous cher Monsieur Saga(lovitch), vous avez un temps d’avance sur moi, vous venez de m’apprendre qui est cette Tailleur Swift, qui doit être sacrément riche, beaucoup plus, j’en suis convaincu, que mon taylor. Vous voyez, il y a toujours plus ringard que soi.
Moi je suis l’homme le plus influent de ma vie et je pense que cela me suffit. Quand à Snift pardon Swift je suis ravi de la connaitre maintenant.
Je sens le coup de pub énorme monté de toutes pièces : “Le saviez-vous, Laurent S. ne connait pas Taylor Swift et vous “!
Suivent trois photos sexy, ce qui est tout à fait inhabituel sur ce blog.
Et tout un vain peuple de se précipiter sur Google, sur Wikipedia, sur YouTube pour l’entendre et la voir.
Depuis votre papier, en 24h, les ventes de Taylor Swift en France auprès des ruraux retraités et des chômeurs urbains de plus de 50 ans ont littéralement explosées !
Quelle honte !
Toutes mes excuses les plus plates pour ce “explosées” du plus déplorable effet que vos lecteurs auront corrigé d’eux même. Ce doit être l’émotion. L’effet Swift…