Soudain une rumeur qui enfle, enfle, enfle.
Une vidéo.
A voir.
De toute urgence.
Jean Rochefort revisite Madame Bovary en parlant comme un jeune et tu vas voir c’est à crever de rire. Hilarant à s’en fendre l’estomac. Drôle mais drôle, tu ne peux pas savoir.
Je veux savoir. Je vais voir.
Je regarde.
Une première fois. Une deuxième. Une troisième.
Je ne ris pas.
Je me dis ce n’est pas possible, tu réagis comme un vieux con parce qu’on ose s’en prendre à ce roman que tu aimes tant, qu’on ose toucher à Flaubert, cet auteur qui compte tellement pour toi, tu n’as aucun humour, tu n’es qu’un vieux machin tout rabougri qui par principe n’aime rien tant que détester ce que les gens apprécient.
Pour se différencier.
Je regarde à nouveau.
Je tends l’oreille, j’écarquille mes yeux, j’essaye, je veux rire cette fois, c’est si bon de rire, je n’y arrive pas, je trouve la prestation de Rochefort pathétique, misérable, mauvaise, fausse, à côté de la plaque, désuète.
Tout sonne faux.
Le texte, les mimiques de l’acteur, son interprétation.
Je pense à la vieillesse. A ce qui m’attend.
En même temps je me dis qu’il a bien dû se marrer le Rochefort et que c’est là l’essentiel.
Tu repenses à l’acteur qu’il a été, qu’il continue à être, sa voix onctueuse, son élégance toute anglaise, son sens inné de la dérision, sa faconde, son phrasé, la pétulance de son regard, son effronterie, sa capacité à ne jamais se prendre au sérieux, son détachement, sa drôlerie, sa gourmandise à feindre des colères surjouées.
Ses rôles cultes dans les films d’Yves Robert que tu revois toujours avec un grand plaisir.
Tu éprouves de la peine maintenant.
Pour lui, pour toi, pour Flaubert, pour Emma, pour ceux qui ont ri, pour ceux qui n’ont pas ri.
Tu sais bien que tu ne devrais pas mais tu ne peux pas t’en empêcher.
Que ce n’est qu’une boutade. Une de plus. Un cabotinage bien innocent somme toute.
N’empêche.
Tu fais le rapprochement avec Clint Eastwood quand il s’était mis à déblatérer contre Obama en parlant à une chaise vide.
Ce même sentiment de malaise que tu avais ressenti alors.
Ce décalage entre ce qu’a été un homme et ce qu’il est devenu.
Et en même temps tu les comprends.
Ils sont arrivés à un âge où l’on peut enfin se foutre de tout.
Par plaisir ou par provocation.
Redevenir un sale gosse.
Perdre tout sens des convenances.
Et s’en foutre radicalement et royalement.
Vieux, vieux, vieux et con à la fois.
Ce doit être le paradis.
Le vrai.
Tu aimerais avoir atteint cet âge où tu réalises que ta vie est derrière toi, que tu as tout raté, que tu n’as jamais rien compris à rien mais maintenant que tu es au bout du chemin, de tout cela, tu n’as plus à t’en soucier, tu sais la vanité des choses, les combats perdus d’avance, le goût de la solitude triomphante. Tu peux leur dire d’aller se faire foutre. A tous. A la vie. A la mort. Au temps. A Dieu.
Tu n’as pas ri mais au fond ce n’est pas bien grave.
L’important c’est que lui ait ri. Qu’il ait passé un bon moment. Peut-être qu’ils ne sont plus nombreux maintenant.
Quand aux autres qui se sont bien marrés, tu préfères ne rien en penser.
C’est mieux ainsi.
Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true
Quand c’est Luchini c’est drôle parce qu’il s’adresse à des lettrés qui rient de l’évolution du langage.
Quand c’est Jean Rochefort c’est triste parce qu’il s’adresse à des incultes pour rendre un texte-accessible… accessible !
Mais effectivement aussi, lui a dû se prendre au jeu et s’amuser, c’est déjà ça.
PS : et puis c’est un peu sexiste quand même !
Je crois que l’acteur a mal digéré sa participation avortée au projet de Terry Gilliam et qu’il se cherche depuis.
Je suis convaincu qu’il n’a cependant pas fini de nous surprendre et en bien cette fois ci.
Content de voir que je ne suis pas le seul que cette vidéo laisse perplexe.
Soyez au moins honnête, et reconnaissez que c’est une réinterprétation très juste du livre. C’est exactement, dans les mots un peu faussement agencés certes, de la rue, la réalité d’une femme que l’absolu et le Beau n’a jamais visité, qui s’est complu dans l’amoral banal du temps et dans l’ennui qui pousse à la compulsion. Vous dîtes que vous aimez vraiment ce roman, votre incompréhension de l’intérêt de ce texte laisse planer le doute…
Les textes proviennent au départ d’un Tumblr (bolosse des belles-lettres) qui proposait des résumés satiriques de livres classiques sous format “jeunes de banlieue”. C’est simplement la confrontation humoristique et grinçante entre deux mondes, que Jean Rochfort y ait participé est un sacré exemple d’autodérision et je trouve que ça mérite le respect, justement dans le message que, oui, on peut être vieux et classique, tout en se prenant au jeu. Preuve, s’il en fallait une, que la vieillesse n’est qu’un mot que se donnent en excuse les cyniques blasés et les nostalgiques d’un temps qui n’a jamais existé.
Rassurez-vous, Laurent, vous y êtes très bientôt.
Quand on commence à s’agacer de choses aussi insignifiantes qu’une petite vidéo comique (étiez-vous à ce point à court d’idée pour votre blog ?), quand on commence à parler d’un peu de tout avec aigreur façon Tatie Danielle (aujourd’hui magnifiquement incarnée par Françoise Hardy, qui a repris le rôle à Brigitte Bardot), c’est que l’on est sur la pente irrésistible du déclin.
Bientôt votre tour. En attendant, courage.
Non, cette vidéo ne s’adresse pas aux “incultes”, périphrase doucement méprisante pour désigner les jeunes, pris dans leur globalité et avec tous leurs clichés. Elle n’a nullement vocation à dépoussiérer un texte pour le rendre plus attrayant auprès d’une jeunesse dont on a pris l’habitude d’arroser de crachats en espérant qu’elle grandisse mieux.
Sa drôlerie tient justement dans le contraste entre un langage de “djeun’s” poussé jusqu’à la caricature et “l’élégance toute anglaise”, voire un peu coincée dans la gestuelle, d’un acteur emblématique d’une autre époque.
Lui en a parfaitement conscience et ce sont à la fois cette auto-dérision et une raillerie dénuée de mépris envers les jeunes (contrairement à vous) qui font que cette vidéo marche.
Verdict : il n’a finalement pas trop mal vieilli ; vous, c’est une autre histoire…
Signé : un inculte
Jean Rochefort, et son pitch de « Madame Bovary » ! « Vieux, vieux, vieux [et jeune] à la fois ». Excusez-nous d’amodier votre phrase. Passé octante ans, la vieillesse est renaissance ; plus ou moins brève. Pourquoi s’étonner qu’il résume « la » Bovary façon « jeunes » ? Beaucoup d’entre eux ont justement grand mal – la tige du baobab naissant qui saille de leur paume ! – à venir à bout du roman intégral : « Ça prend la tête ! » Ainsi concilie-t-il des intérêts divers : la postérité continuée de Flaubert, la hâte de nombreux jeunes, sa santé : en racontant le roman en deux minutes cinquante-neuf secondes, ce qui n’exténue pas… Fatalisme (au moins sauront-ils ça !) ? Clin d’œil – toute tristesse rentrée – à l’adresse des mangeurs de clips ? Sans nul doute, un reste de loufoquerie, qui survit, même sans la vigueur d’antan.
Clint Eastwood ? Il faisait de la piètre politique. Jean Rochefort cabotine en novlangue verte, se rappelle au bon souvenir des vieux, des moins vieux, et présente à la jeunesse le grand roman de Gustave Flaubert. Peut-être espère-t-il qu’elle le lira ; à défaut, qu’elle verra l’adaptation cinématographique de Claude Chabrol.
De plus, il a l’élégance de leur épargner le réquisitoire d’Ernest Pinard qui, jugeant trop lascifs et réalistes plusieurs passages de l’œuvre, dénonça en 1857 l’ « outrage à la morale publique et aux bonnes meurs ». Là, Jean Rochefort commit certainement un excès de sagesse : il priva élèves et maîtres de franches tranches de rire, étant donné ce qui s’expose aujourd’hui dans les salles obscures, les téléfilms, et sur Internet.
Même à presque 85 ans, on ne saurait encore être parfait. Longue vie à lui.
Un jour entier avant que Pierre ne vienne remettre les choses en perspective et je l’en remercie.
À croire que les gens ici sont tous des vieux cons. Remarquez que les deux ne vont pas de paire et que les vieux cons ont souvent été des jeunes imbéciles.
Ces jeunes là ne sont peut être pas ceux que vous semblez mépriser dans votre texte.
Ce texte est nul, la tirade sur les vieux est nunuche, la comparaison avec Eastwood/Obama complètement inepte.
Il est temps de se barrer d’ici, le naufrage n’attend manifestement pas la vieillesse.
LOL
😉
LOL
En tout cas, la vieillesse n’est pas un naufrage pour tout le monde, et JR en administre une preuve éclatante.
Mais c’est vrai qu’il y a des peine-à-rire comme Laurent Sagalovitsch, comme il y a des peine-à-jouïr.
Merci Jean Rochefort. Il faudrait que l’auteur de ce pauvre billet visite quelques maisons de retraite, il verrait que vieillir comme JR, c’est pas mal du tout…, et qu’il aura lui même bien du mal à faire mieux.
…rien à rajouter.
c’est fou c’que les incultes sont susceptibles !
Merci. J’ai regardé ce bidule d’un oeil et because Rochefort-Bovary-bolos-djeun, j’ai décidé que c’était ma
Merci. J’ai regardé ce bidule d’un oeil et because Rochefort-Bovary-bolos-djeun, et que j’étais bizarrement un poil bon public, j’ai décidé que c’était marrant et je l’ai même rebloggé.
Honte sur moi ! D’accord avec vous à 100%. C’est nul. Le texte surtout est affligeant et ne remplit pas le contrat. Ni jeune, ni parodique, même pas stylé. Dans le genre pastiche il y avait tout de même beaucoup mieux à faire. Les classiques de la littérature mondiale racontés sous forme de twittos, par exemple ça a une autre gueule. Et puis Rochefort n’est pas drôle, il fait du Rochefort basique. Rien à voir avec l’âge. Ni le sien, ni le votre. Quand on est mauvais on est mauvais. Cela peut frapper à tout âge, comme la connerie. Eastwood est devenu globalement insupportable, comme acteur, comme metteur en scène, comme personne. Le séduisant jeune réac favori de la gauche française est devenu un vieux con néo-con.
Shit happens.