Quand un Premier Ministre de la République en appelle aux intellectuels pour jouer aux pompiers de services, c’est que la situation est désespérée.
Et de toute évidence elle l’est.
Manuel Valls aura beau se fendre de déclarations fracassantes, avertir du danger qui s’avance, prévenir du désastre à venir, dire son angoisse devant l’inéluctable en train de se produire, rien n’y changera.
La France, ou plutôt une certaine France, a une envie irrésistible et irréfrenée de Front National.
Un besoin même.
Un désir si profond qu’il plonge dans les racines même du pays, dans sa psyché la plus intime et la moins accessible à la raison, dans les eaux fangeuses de son identité soi-disant menacée, où macèrent depuis trop longtemps maintenant des envies de revanche, des rêves de grandeur retrouvée, des fantasmes d’une nation débarrassée de tout ce qui ne lui ressemblerait pas.
Comme un goût de se précipiter bille en tête dans le vide, un appel vers une autre vie qui retentirait des accents d’une marche funèbre.
C’est une maladie mentale le Front national et, confronté à une volonté si acharnée de se défenestrer, d’attenter à sa propre vie, d’épouser une destinée vouée au désastre, il est fort à craindre que rien, absolument rien, ne puisse entraver un mécanisme aussi mortifère.
Ni les mises en garde, ni les apostrophes, ni les appels au bon sens.
Ce n’est pas un caprice d’enfant gâté, le vote Front National.
C’est une conviction quasi mystique, que seul ce parti parviendra à sauver le pays d’un naufrage qui n’existe pas.
A le prévenir de dangers imaginaires.
A le protéger d’un péril inexistant.
Et quand un individu parvient à se persuader qu’il se retrouve effectivement en danger de mort imminente, qu’il n’existe qu’un seul moyen pour parvenir à se sauver de cet anéantissement programmé, il devient alors sourd à tout raisonnement, et les supplications pour l’extirper des mirages de cette angoisse existentielle se heurteront à une pensée désormais atteinte de démence paranoïaque.
Il sombre dans la nuit noire de sa croyance irrationnelle et nul ne parviendra à le ramener à la lumière.
Il faudra qu’il vive dans sa chair la conséquence de sa déréliction pour s’apercevoir de sa fatale erreur.
Ce n’est pas qu’il faille baisser les bras, accepter l’inacceptable, se résoudre à l’impensable mais juste savoir qu’en grande partie le combat est perdu d’avance.
On ne peut pas lutter contre une idéologie capable de convaincre un électeur, bien souvent pourvu d’un intellect frustre et limité, que son pays est en proie à une immigration de masse qui désire égorger ses filles et ses compagnes.
Et qui lui assure que seule la mise en pratique de mesures spectaculaires parviendra à endiguer ces flots de barbares s’apprêtant à venir le scalper.
On ne peut pas guérir un malade qui ne veut pas guérir. Qui s’enferme dans sa maladie. Qui chérit sa démence.
Toute la meilleure bonne volonté du monde se fracasse contre les murs de la bêtise nourrie de croyances irrationelles.
Quand le simple recours à une élémentaire équation mathématique – que serait six millions de supposés islamo-fascistes face à une population de soixante millions d’âmes – ne rencontre qu’une moue dubitative et la certitude qu’ils sont bien plus nombreux que cela, qu’ils se reproduisent à toute vitesse, qu’aujourd’hui estimés à six millions, ils deviendront demain dix, vingt, trente millions.
Quand un habitant d’une tranquille ville de province confesse que jamais il n’a eu maille à partir avec un étranger mais que tout de même, il sent que le danger se rapproche, qu’il rôde, qu’il sourd et qu’il faut agir.
Alors, confronté à ces fantasmagories moyenâgeuses, à ces délires granguignolesques, à ces illusions identitaires, le démocrate ne peut plus grand-chose hormis prendre des mesures contraires aux valeurs mêmes de la République – interdiction, répression arbitraire, mise hors-la loi des fauteurs de trouble – autant de décisions inacceptables et de toutes les façons désormais inapplicables.
Il faudrait comprendre que les choses sont sans espoir et pourtant être fermement décidés à les changer, écrivait Scott Fitzgerald.
C’est un discours de désespoir absolu mais c’est le seul qu’il nous reste désormais pour affronter le vent mauvais de l’Histoire.
En espérant que ces nuages furieux ne balayent par tout sur leur passage.
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“On ne peut pas guérir un malade qui ne veut pas guérir. Qui s’enferme dans sa maladie. Qui chérit sa démence.” Allez donc expliquer cela à la rédaction de Charlie Hebdo ou au musée juif de Bruxelles !
En somme, que Manuel Valls « se [fende] de déclarations fracassantes » pour attirer l’attention des Français sur le « danger qui s’avance », cela n’empêchera pas Marine Le Pen et consorts de se fendre la pêche ? C’est une thèse.
La renforcerait assez puissamment l’idée que, de leur point de vue, les adhérents, sympathisants, électeurs fidèles et occasionnels du Front national ne vont pas au suicide, mais au salut. Certes un salut… par l’absurde – comme l’on dit un « raisonnement par l’absurde ». Poussé à son terme extrême, il révèle l’absurdité des effets atteints. [Par exemple, une sortie de la zone euro, qui avérerait vite un alourdissement insupportable de la dette publique française ; ou un choix d’économie autarcique ne menant pas loin dans un monde ouvert, etc.]
Peut-être faut-il, après tout, que les électeurs déçus par les « partis de gouvernement » déjà « essayés » [sic] sans succès, partant, attirés par les sirènes du Front national et sourds aux mises en garde contre les risques du vote frontiste, constatent – donc vivent et supportent ! – l’érosion progressive des vertus et valeurs d’une authentique République, subissent un effondrement économique pour cause de quasi-autarcie, dans une France vite mise en quarantaine ! Seul cas de figure pouvant convaincre que les prophètes de malheur n’en étaient pas…
Dessiller ces yeux-là coûterait cher à l’ensemble des Français. Mais comment convaincre des pseudo-sourds – on nous les dit majoritaires – si ce n’est en laissant la réalité heurter chez eux un sens encore opératoire : la vue ? Les bourses se vidant, à la différence des geôles, leur rappelleraient, à coup sûr, les mises en garde qu’ils n’auraient pas voulu entendre.
Tentés par l’aventurisme, comment recouvreraient-ils mieux la raison qu’en voyant les discours mirobolants tourner au fiasco des actes ?! Cela se nomme une victoire à la Pyrrhus.
Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient.
Bisous.
Toujours d’accord a vous. J’habite paris, ville de gauche parait il. On y respire à plein nez – certainement comme ailleurs en France – la bêtise haineuse. Cela n’a rien à voir avec la crise. Regarder ces visages tordus ou veules dans les transports en commun, le metro surtout, si revelateur car chacun y est soi même car ne se croit pas observé…La petite haine ordinaire y est souvent tellement palpable qu’on est mal à l’aise. Le week end dernier, j’ai rendu service a un parisien qui cherchait son chemin. Il m’a remercié vivement et longtemps car j’ai été selon lui tres sympa alors que je lui ai juste rendu service. Etre sans à priori, sans préjugé, sans defiance avec l’autre, prêt à aioder au besoin cela a quasiment disparu dans cette ville de zombies sous antidepresseurs : le FN c’est ça.Le FN c’est cette vieille tradition française que le pire ennemi est intérieur. Bêtise haineuse et lâche. Qui conduit à sous traiter a la police les rafles du vel d’hiv, et à la gestapo celle des resistants terroristes. Quitter la france ? Pourquoi pas ? Sûrement même. Pierre
Je parlais encore ce soir de cet article qui, à l’époque où je l’ai lu, traduisait de manière troublante mes propres ressentis. L’image de la volonté de se défenestrer, je la constate factuellement à peu près tous les jours… Merci pour ces mots que je vous emprunte parfois à l’occasion de mes propres mondanités où l’on me demande mon avis… Je suis content de retrouver cette page, je peux du coup relayer mes sources…
François