Houellebecq, le romancier éphémère

                                                                                                                                                                                                                                             Mais comment il fait le Houellebecq pour en arriver à tirer une tronche pareille ?

Il bouffe en douce les croquettes de son chien ?

Il boit de la vinasse polonaise ?

Il carbure au caviar avarié ?

Il passe ses journées enfermé dans le tambour de sa machine à laver le linge, qu’il actionne à l’occasion afin d’apparaître le plus décalqué possible ?

A le voir ainsi si décharné, si chétif, si décrépi, au lieu de lui acheter son dernier roman, on a plutôt envie de l’inviter à la maison dévorer un couscous-boulettes accompagné d’une tripotée de cigarettes au miel et de le forcer à les ingurgiter jusqu’à ce qu’il reprenne des couleurs.

On ne peut quand même pas laisser en conscience le plus grand des plus grands écrivains français de sa génération et des générations à venir et du siècle tout entier dépérir de la sorte sans réagir : ce serait un crime contre l’humanité, une atteinte à la dignité de la personne humaine, un abandon coupable méritant la sévérité d’un tribunal pour non-assistance à écrivain en danger.

Il faut sauver l’écrivain Houellebecq, qui plus que tout autre, excelle à décrire à longueur de roman le sordide de vies dépourvues du moindre attrait, leur irréductible misère sexuelle et affective, le délabrement moral et intellectuel  engendré par les dérèglements d’une société de consommation à bout de souffle, l’impossibilité de mener une existence autre que le morne empilement de jours poisseux d’un désespoir rance et triste.

C’est tout le problème des gens qui vomissent la condition humaine sans même trouver une consolation dans la pratique de leur art : à la longue ils finissent par lasser.

Afin de trouver une échappatoire à leur prétendu désespoir radical, il ne leur reste plus qu’à jouer au provocateur à la petite semaine.

A marivauder des intrigues extravagantes et fumeuses.

A comploter des romans farfelus qu’ils se complaisent à alimenter de théories sentant bon leur poids de souffre et de scandale.

Réunis en conclave, ils ricanent de leur dernière affabulation romanesque et du charivari qu’elle ne manque pas de provoquer.

C’est le propre des hommes qui, revenus de tout, revendiquent leur désespoir comme une marque de fabrique.

Non pas ce désespoir joyeux des êtres heurtés par la vie qui se réfugient dans le rire pour ne pas pleurer, non pas la douce mélancolie de l’homme divorcé de son temps qui cherche malgré tout un moyen d’aller de l’avant, mais ce désespoir féroce, méchant, sardonique et cynique qui rend leur prose si desséchée, dépourvue à escient de tout artifice stylistique, de toute envolée romanesque, de tout ornement narratif, de cette écriture volontairement neutre dont ils se vantent d’être les dépositaires attitrés.

Ils ont l’écriture visqueuse et clinique, le style atone, le récit morne.

Ils sont les dandys de leur propre insignifiance revendiquée comme une manière d’être au monde.

L’existence les ennuyant, ils s’ennuient à écrire des romans ennuyants. 

Comme si Gontcharov en écrivant son Oblomov, aurait lui aussi cédé à la paresse de son personnage en composant un roman paresseux !

Tous les écrivains sont des désespérés.

Mais quand leur aigreur les empêche de faire montre de compassion envers le genre humain, de cette compassion qui devrait être l’essence même de toute composition romanesque, quand ils oublient l’antienne sacrée de Faulkner affirmant dans son discours de réception du Prix Nobel,

” ­ Aujourd’hui, la tragédie de notre époque n’est qu’une peur physique, générale et universelle, si longtemps subie, qu’il nous devient même possible de la supporter. On ne traite plus des problèmes de l’esprit. Il n’y a plus qu’une seule question : Quand vais-je disparaître ? A cause de cela, le jeune homme ou la jeune femme, se consacrant à l’écriture, a oublié toutes les difficultés du cœur humain, toujours en conflit avec lui-même.

Il doit s’instruire de ces difficultés, réapprendre que la base de toute chose est d’avoir peur ; comprendre cela et l’oublier pour toujours, en laissant uniquement, dans son œuvre, de la place pour les vérités du cœur et ses savoirs anciens. Ces vérités universelles dont l’absence condamne une histoire à n’être qu’éphémère, l’amour, l’honneur, la pitié, la fierté et la compassion et le sacrifice ”

alors si les romanciers oublient ces assertions, ils se condamnent à rester cantonnés dans le rôle du sale gosse de la littérature dont le Temps balayera bien vite les sinistres grigris romanesques.

Scott Fitzgerald qui en connaissait un bout sur le désespoir a écrit un jour ” Il faudrait comprendre que les choses sont sans espoir et pourtant être fermement décidés à les changer ”.

                                                                                                                                                                                                                                      L’écriture devrait servir à magnifier le désespoir, pas à le ridiculiser.

                                                                                                                                                                                                                                                  Un monde sans Dieu n’est pas forcément un monde sans espoir.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                     Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

11 commentaires pour “Houellebecq, le romancier éphémère”

  1. Et merde. Le voilà enfin. Ce satané point de rupture. Je me disais aussi, et j’essayais même de me raisonner. “Et mec déconne pas! T’es psychiatre, il te rendrait fou, t’es pour l’OM, il n’a d’yeux que pour les Verts, et si ça se trouve en 2006 il a eu une petite érection en voyant Cannavaro soulever la coupe. Et puis ashkénaze, séfarade quoi…”
    Mais non j’y croyais quand même. Et patatra…
    Saga est un romantique. Et pt’etre même qu’il n’aime pas Kundera. Attends il cite carrément un truc d’extrémistes du coeur: “…en laissant uniquement, dans son œuvre, de la place pour les vérités du cœur et ses savoirs anciens.”
    Je jette l’éponge. Jusqu’au prochain article.
    Bonne continuation.
    MS.

  2. ah ah j’avoue que pour Cannavaro ma foi…
    Vous allez tout même pas me comparer Kundera à Faulkner hein ???

  3. Non mais je ne compare rien! Je cite seulement.
    Mais j’ai mon pti ordre de préférence. Irréconciliables presque.

    PS: Philip Roth? Ca peut nous réconcilier ça Philip Roth?…

  4. Ca m’étonnerait ! : https://blog.slate.fr/sagalovitsch/2012/10/11/lachez-nous-avec-philiph-roth/

  5. Il aura au moins réussi à vous faire cracher qu’il y a de l’espoir ! C’est beau et bon de lire ça chez vous.

  6. Hormis le choix de « dandys », personnages par nature raffinés dans leurs manières de se vêtir, de vivre, d’écrire, pour caractériser les écrivains à « l’écriture visqueuse et clinique, le style atone, le récit morne » (sic) – à moins que Houellebecq ne soit un… dandy de la décrépitude –, l’on ne saurait reprocher à M. Sagalovitsch de le trouver « décrépit », car il ne se présente guère sous un jour séduisant. Passé pourtant ces éléments de portrait peut-être imputables à quelque mal tant physique que mental, il ne serait pas inopportun d’adoucir un jugement littéraire un rien radical.

    Ou alors que dire des proses atones, foncièrement ennuyeuses de certains « nouveaux romans » du siècle passé ? [On ne songe ni à Claude Simon, ni à Nathalie Sarraute.] Accordons aux écrivains le droit de faire sentir au lecteur, à travers un style et une écriture « cliniques, atones » voire « mornes », le caractère « décrépit » de la société dont il veut lui communiquer l’essentielle désespérance. Pour n’être pas un styliste, Michel Houellebecq n’en est pas moins un malicieux, dont certains passages, certes outranciers, ne sont pas exempts d’humour à la limite du grotesque.

    L’on peut préférer – quelque thème que développe un roman –, une prose plus aérienne. Mais le monde décrit par Houellebecq, ce monde qui est le nôtre, n’atteint guère des altitudes himalayennes. Convenons-en. Qu’il nous le rappelle par la forme même est un défaut qui ne lui est donc qu’à demi imputable.

    Et puis, imaginons – puisque des critiques évoquent « Là-Bas » (1891), « relu » par Michel Houellebecq –, que ce dernier ait écrit « Soumission » dans une langue aussi délicieusement précieuse que celle de Joris-Karl Huysmans, quel serait donc le tirage de ce roman [on n’a lu, pour l’instant, que les précédents] ? Une phrase de deux lignes, émaillée de quelques mots non « basiques »… prenant la tête, comme on dit aujourd’hui, il est aisé de supposer soit un fiasco éditorial, soit des achats non suivis de lecture.

    Que « l’écriture [doive] servir à magnifier le désespoir », comme vous l’écrivez, est un beau choix d’écrivain et de lecteur. L’on ne peut exclure une autre option, qui ne « ridiculise » pas ce désespoir, mais transforme – par la… secousse même d’un style morne – un roman en la « hache qui brise la mer gelée en nous », évoquée par Kafka.

  7. un bon roman, même si le plouc coupable de cet article ne l’a pas apprécié…

    l’attaque physique est facile, ça l’est moins d’écrire un livre qui vaut.

  8. Il a voulu prendre l’islam par une prise de “soumission” déjà éprouvé. C’est un peu du #Zemmour efféminé et du #Finkelkraut optimiste. Bref une somme d’idiotie frigide teintée de racisme; de peur de se voir plomber par cet arabe arracheur de pain lardé. Au lieu de féliciter le dangereux musulman pour ce récadrage alimentaire du jeune gaulois qui deviendra sans l’arabe bien entendu un saga de cholestérol. On le pourfend au nom d’idéaux malheureux. Qu’on le veuille ou pas la France deviendra musulmane dans trois siècle au plus tard. Et cette phrase vaut mieux que toutes les projections abjectes de notre éminent écrivain quoique parlant de la même chose.

  9. Vous ne pouvez pas être sérieux,il y beaucoup d’humour Chez cet auteur et le mépris apparent qu’il affiche envers ses contemporains est plutôt de l’ordre de la figure de style,de la démonstration par l’absurde à la Monty Python .
    En attendant,j’attends avec gourmandise son prochain bouquin et j’espère simplement que ce qui n’a l’air d’être que de la provoc’ poussée un peu loin ne sera pas prise pour argent comptant surtout au vu de l’attentat ignoble qui vient d’avoir lieu et que l’on attribue d’ailleurs je trouve un peu trop facilement à une catégorie très précise de fous furieux

  10. Je suis d’accord avec Stephane. C’est un livre féroce avec beaucoup d’humour, plus proche des écrivains britanniques que des français.
    Quant à l’espoir, il suffit de réfléchir un tant soit peu pour comprendre que l’espoir rend les gens plus malheureux. abandonner tout espoir nous rend libre. L’espoir est étroitement lié à la volonté, la foi, et la possibilité. Il tend à se centrer sur la conviction qu’un changement positif se produira. Il s’adresse directement à la caractéristique primordiale de l’expérience humaine: l’incertitude de l’avenir.
    Une chose merveilleuse reste quand on abandonne l’espoir. Ça s’appelle la réalité. Un autre mot pour “tout”.

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