Nous irons tous au Paradis, mon chat compris

                                                                                                                                                                                                                                             Quel pataquès !

Jeudi, dans les colonnes du New York Times, on apprenait que le Pape François accordait aux animaux le droit de nicher au Paradis. En effet, répondant à la question d’un jeune garçon orphelin de son chien, il lui aurait assuré qu’il le retrouverait dans l’au-delà.

Samedi, vade retro, rétropédalage, en arrière toute, le Vatican apportait un démenti. François n’aurait jamais tenu de telles paroles. Ce serait plutôt Paul VI, l’auteur de cette prophétie.

Entre temps le mal était fait.

Jeudi j’avais convoqué mon chat dans mon bureau pour lui apprendre la bonne nouvelle.

Évidement fier comme il l’est depuis qu’il a lu à la dérobée les poèmes que Baudelaire a consacrés à ses augustes ancêtres, il n’a rien voulu laisser paraître et a passé le plus clair de son temps à écouter mes divagations métaphysiques en se brossant le bout des moustaches et en redonnant pour la huitième fois de sa journée du lustre à son pelage.

Pourtant j’ai perçu dans son regard, au plus profond de ses prunelles couleur de miel, une lueur de vague satisfaction voire même l’expression d’un soulagement infini de savoir que nous cheminerons ensemble sur les routes de l’éternité.

Il va s’en dire qu’à mes yeux la pseudo-révélation du pape n’en était pas une.

J’ai toujours pensé que le chat incarnant l’expression de la perfection la plus pure, la plus aboutie, la plus absolue, c’est bel et bien lui que Dieu avait choisi pour le représenter sur Terre, lui et non pas ce bipède imbécile, borné et disgracieux nommé homme.

Tout chez lui atteste de sa descendance divine : le parfait équilibre de son anatomie, son élégance innée, sa grâce féline, son détachement lascif, le délié de son allure, son autorité naturelle, sa sagesse antique, son esprit d’indépendance, le raffinement de ses pensées, le mystère de son regard.

Je dois le confesser : quand j’observe mon chat je vois l’œuvre de Dieu.

Le contraire n’étant hélas absolument pas vrai, mon chat ne voyant en moi qu’un brave couillon de service tout juste bon à nettoyer sa litière, ravitailler son distributeur à croquettes, rafraîchir son eau, caresser son ventre et servir d’oreiller à ses siestes répétées.

Pour autant, je ne peux pas imaginer un seul instant que ce chat qui m’accompagne depuis quatorze années maintenant, que j’ai trimballé aux quatre coins de la terre, par tous les temps, sous toutes les latitudes, à qui j’ai offert des baptêmes de l’air, de train, de voiture, d’avion, de bateau, à qui j’ai même osé dédier l’un de mes romans, ce chat-là je ne peux me résoudre à penser qu’il ne s’est pas tissé entre lui et moi un lien indestructible capable d’outrager la mort.

Je ne lui ai rien dit du revirement du Vatican.

De toutes les façons, étant juif de naissance et de tradition, il aurait eu beau jeu de me dire qu’il ne se reconnaissait pas dans les paroles du Saint-Père.

Du coup j’ai appelé mon rabbi histoire d’en avoir le cœur net.

Il a entendu l’exposé de ma requête- emporterai-je mon chat au Paradis ?- il a consulté sa Thora, a réfléchi, s’est servi un grand verre d’eau, a rajusté sa kippa, a appelé sa femme, sa maîtresse, la sœur de sa maîtresse, a envoyé un mail à son supérieur hiérarchique avant de me déclarer d’un ton martial et assuré : et pourquoi pas ?

Les voies du Seigneur sont impénétrables.

Celles de mon chat tout autant.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                         J’aurai bien assez de l’éternité pour en venir à bout.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                          Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

11 commentaires pour “Nous irons tous au Paradis, mon chat compris”

  1. Enfin, vous vous décidez à aborder des sujets sérieux et profonds ! Bravo. Que voilà un beau billet. Mon chien l’a lu avec intérêt et se demande s’il ne pourrait pas lui aussi bénéficier des mêmes prérogatives célestes que ses ennemis préférés. On se demande d’ailleurs comment séparer un couple qui depuis la nuit des temps s’entend comme chien et chat !

  2. Mouais, que de louanges aux chats. Le mien je l’aime bien mais franchement les chats c’est comme les gosses, de fois c’est chiant, collant, ça fait des conneries et usent de tous les stratagèmes pour se faire remarquer comme beugler à longueur de journée ou faire ses griffes sur le canap ou chier dans la douche ou te marcher dessus 25 fois ou encore renverser les verres. Il voit un verre, il le renverse, réflexe. Le salaud, l’ira pas au paradis!

  3. Papes ôtez ! Les félins nonchalants n’ont cure des pontifes, vaticinant ou non. Le Vatican, pour les chats pensants – qui vont marquant par jets d’urine le champ, maintes fois parcouru, de leurs pénétrantes réflexions –, est un lieu où Dieu peut s’écouter, s’il ne s’entend guère. Mais sache, Chat, que l’homme à ta survie consentira volontiers pour peu qu’il partage ton immortalité.

    Si, Chat, l’homme ne te connaît ici-bas aucun paradis des éléphants, tant mieux ! Jardin d’Éden retrouvé, ou chaîne des successifs avatars de la métempsycose, l’au-delà de vos vies, à tes maîtres et toi, est assuré, puisqu’il suffit il d’y croire. Mais, connaîtrais-tu d’autres vies, ô Chat, reste hautain, velouté de fourrure, souple, ondoyant, et s’il se peut, deviens tigre : plus fort, plus grand, plus somptueusement beau et libre que le chat borgne de notre voisine, mais Félin toujours !

    Car n’oublie jamais : que d’aventure, toi et tes maîtres vous perdiez sur le chemin de quelque paradis, cela doit te conforter dans l’absolue nécessité de sauver la splendide « œuvre de Dieu » (sic) qu’éternellement tu demeureras dans le souvenir de tes humains nourriciers, de leur progéniture et, dans les siècles des siècles, de la progéniture de leur progéniture.

  4. LE CHIEN : tu m’aimes, tu me caresses, tu me nourris. Tu dois être D.ieu
    LE CHAT : tu m’aimes, tu me caresses, tu me nourris. Je suis un d.ieu

  5. relisez la Septante, qui a donc créé les animaux ?
    et pour qui ?
    avez-vous oublié le cheval blanc de l’Apocalypse?
    il arrive !

  6. Je me demandais, pourquoi avez vous arrêté le journalisme?

  7. Parce que je ne l’ai jamais commencé !

  8. Vous avez bien fait.

  9. Curieux, car j’appelle le gros pape françois, Raminagrobis, il est tout à fait comme le chat de la fable de la Fontaine mais en plus vicieux et certainement bien moins gentil que votre chat.

  10. “Le chat du rabin”, excellent dessin animé!

  11. J’adore les chats, mais le paradis, existe-t-il? Même pour les félins, c’est comme nous les humains.
    Et je pense que les chats s’en moquent un peu. Connaissent ils seulement le pape? 😀

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