Patrick Modiano, le romancier somnambule

                                                                                                                                                                                                                                                                                         Patrick Modiano ne méritait pas ça.

Se voir décerner le Prix Nobel de littérature avec tout le corollaire de festivités que cela implique doit lui apparaître comme une malédiction dont il se serait bien volontiers passé.

On imagine déjà la perplexité inquiète qui doit être la sienne en songeant au discours qu’il va devoir livrer dans quelques semaines devant le Tout-Stockholm, lui qui plus que quiconque écrit ses romans dans la clandestinité d’une vie marquée du sceau de la discrétion, de la retenue et d’une infinie pudeur.

Il faut le dire : on ne sait pas bien ce qui se passe dans les romans de Patrick Modiano mais on devine que ce qui s’y passe est tragique.

Des personnages marchent dans des rues désertes, le long d’avenues solitaires seulement éclairées par des lampadaires qui viennent rythmer leurs déambulations inquiètes. Ils sont à la recherche de quelque chose qui leur échappe. Ils ne sont pas de leur époque.

Ils évoluent dans un inconfort perpétuel, perdus entre un passé trouble et un présent incertain, gravitant dans l’incertitude de vies qui vont s’effilochant. 

Ils rencontrent dans des cafés ou des bars d’hôtels d’autres personnages tout aussi mystérieux qu’eux.

Des exilés de tout bord, des contrebandiers douteux, des marchands véreux dont on ne sait jamais vraiment à quelles activités ils se livrent.

A la marge de la grande et de la petite histoire.

De page en page, les destins s’entremêlent, se répondent, s’interrogent.

On consulte des bottins pour ressusciter des mémoires. On retourne sur les lieux de son enfance afin de tenter de comprendre l’origine de son trouble à exister. Des bribes de souvenirs se détachent et flottent évanescents dans le brouillard de l’esprit. On les suit. On ne sait pas bien où on va mais ne sachant quoi faire d’autre on s’abandonne à leur mystère.

Modiano est un écrivain du traumatisme.

De cette incapacité à définir avec exactitude les contours de sa propre identité. Cette incertitude à exister si ce n’est à se résigner à  devenir un somnambule de l’Histoire qui interroge sans relâche sa propre histoire intérieure, fouille les souterrains de sa mémoire, explore les failles de sa mythologie personnelle.

Tout apparaît si flou, si incertain, si mystérieux. Si ténébreux.

Des voix s’interpellent à travers l’écheveau du temps.

La vérité de l’existence se dérobe à soi. Les fantômes de sa jeunesse perdue nous poursuivent dans le corridor du temps. Les après-midi sont nonchalantes, les nuits troubles, les matins incertains. Les femmes tourbillonnent autour de soi avant de disparaître au détour d’une rue, laissant les amours suspendus dans l’éther du temps.

On cherche à les revoir mais elles sont déjà ailleurs. A l’étranger. Hors du monde. Dans les bras d’hommes interlopes. Alors voilà qu’on reste seul face à ses questions sans réponse.

On évoque la période de l’occupation, de la collaboration, de toutes ces pâles figures  qui un jour ou l’autre ont interagi sur nos destinées.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Et, voyageur du temps, on remonte dans le train mélancolique de nos souvenirs qui nous emportent au loin, dans le vestibule de notre mémoire à jamais égarée.    

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

9 commentaires pour “Patrick Modiano, le romancier somnambule”

  1. Et lequel vous conseillez?

  2. Pour 23 euros, vous avez un bel apercu
    http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Quarto/Romans5

  3. Pujadas :”Alors ça vous fait quoi?”
    Modiano :”On est dédoublé comme si il s’agissait d’être un autre vous même… Comme un somnambule qu’on réveil et qui s’aperçoit…qu’il vous communique quelque chose.” Le 20 Heure, ça c’est fait.

  4. C’est chouette quand vous parlez de littérature

  5. Vil flatteur !

  6. François Hollande sur Twitter : “Félicitations à Patrick Modiano, ce prix Nobel consacre une œuvre qui explore les subtilités de la mémoire et la complexité de l’identité”
    lol

  7. vautour.
    sangsue.
    parasite.

    la gloire de Modiano ne rejaillira pas sur l’écrivaillon blogueur.

  8. « Un écrivain du traumatisme » ? Mais la vie est un traumatisme : notre extraction des limbes, ou du néant, n’est pas claire. Elle est « si floue, si incertaine, si mystérieuse » que l’on devrait rire jaune du souci de… transparence qui est épisodiquement proclamé dans la société. On jurerait que Patrick Modiano sait de longue date que cet appétit de tout savoir est un rien hypocrite. Du moins, lorsqu’il vise autrui. Aussi se contente-t-il, comme vous l’écrivez, de « fouiller les souterrains de sa mémoire ».

    C’est pourquoi il a laissé échapper, devant les journalistes venus saluer son prix Nobel, qu’il écrivait depuis des années… « le même livre ». Sa mémoire, la mémoire est retorse, sinon perverse ; y débusquer des bribes de vérité suppose des détours ; et les détours, bien des arpentages, des parcours légèrement différents, des approches qui la surprennent. Ressassements ? Non, reprises – et chaque fois, par d’autres voies, pour raviver des traces, des voix, et des visages enfouis.

    Le plein jour, la clarté, le franc parcours, chez Patrick Modiano, sont dans cette démarche résolue de qui se tient au même ouvrage, et qui sur le même métier, tisse des trames proches mais jamais identiques. Qu’importe s’il se répète quand il parle : en écrivant, et c’est pour cela qu’il écrit, il explore au fil de ses livres des traces toujours un peu nouvelles. Les lire permet toujours de s’y retrouver, et de trouver du neuf.

    Alors, Patrick Modiano méritait « ça ». Et puis, un discours de prix Nobel, ça se lit, non ?

  9. C’est la masturbation du moi, le nombrilisme, la nuit dans le brouillard, merci, je ne suis pas tentée par ce type de lecture

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