Ma vie n’a plus de sens, mon ordinateur est mort

J’aurais dû m’en douter.

On ne peut se gausser impunément du Seigneur et de ses sbires sans en subir un jour ou l’autre les funestes conséquences.

J’ai voulu jouer au petit mariole dans mon dernier post en osant pourfendre l’attitude de quelques catholiques simplement épris du désir de protéger la famille que j’ai pourtant cru malin d’affubler de quelques épithètes désobligeants et il m’en a coûté.

Lundi matin, le jour donc suivant la rédaction de mon billet considéré ignominieux par le plus grand nombre, salvateur pour un ( Jean-Pierre T. je crois me souvenir ), fidèle à mes habitudes, dès l’aube apparue, je m’en suis allé saluer mon ordinateur bien-aimé.

 

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Il avait mauvaise mine.

Il arborait une vilaine barbe de trois jours, il avait les traits tirés, son écran était plongé dans une nuit perpétuelle, son disque dur ronronnait une musique souffreteuse ; je me suis essayé à lui redonner des forces en le redémarrant, il l’a très mal pris et s’est mis en grève illimitée.

J’ai eu beau tenter de le raisonner, lui expliquer que ce n’était vraiment pas le moment de flancher, que nous avions encore un roman à terminer, juste l’affaire de quelques pages, après quoi la gloire nous attendait et qu’il me fallait de surcroît absolument lire l’avalanche de commentaires élégiaques consécutif à la parution de mon article, il n’a rien voulu savoir.

Affolé j’ai appelé le Samu qui, conscient de la gravité de la situation, m’a redirigé vers un service d’urgence où sans attendre j’ai apporté cette petite canaille d’ordinateur à qui j’ai promis quand il reviendrait de sa petite session de remise en forme une sévère cure de streamings sauvages et de téléchargements interdits.

Puis j’ai attendu.

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La maison ne m’était jamais apparue aussi vide.

Toute la journée, j’ai traîné dans l’appartement, désœuvré, désorienté, déprimé comme jamais.

J’avais l’impression qu’on venait de m’amputer d’une partie de moi.

Sans mon ordinateur, je n’étais plus qu’une coquille vide en proie à un sentiment de dépossession si violent, à une sensation de perte si profonde qu’il me rappelait l’époque lointaine où  ma vie ressemblait à un bateau ivre s’en allant cogner les récifs d’une dépression sans fond.

J’étais perdu, vraiment perdu comme un chat sans moustache.

Je me cognais aux murs de ma propre inutilité.

Je n’étais plus bon à rien, j’avais épousé avec une telle avidité la modernité de mon époque en me fiançant corps et âme avec cette machine, que je ne savais plus vivre sans elle.

Encore un peu et je me serais mis à sangloter.

J’ai fini par m’administrer quelques kilos de valium, j’ai tiré les rideaux, j’ai appelé l’AFP pour leur communiquer que j’étais rentré officiellement en récession, je me suis vautré dans mon lit, et j’ai dit adieu au monde.

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Le lendemain, le réparateur m’a appelé.

Il m’a annoncé que ma mère avait cramé.

Je lui ai répondu que ce n’était pas possible, que ma mère étant déjà passée de vie à trépas voilà quelques années et reposant depuis au Cimetière du Montparnasse, elle ne pouvait d’aucune manière être cramée d’autant plus qu’elle avait refusé d’être incinérée.

Votre carte mère a t-il tenu à préciser.

Ah. Et c’est grave ?

Ça l’était.

Mon ordinateur était officiellement mort.

Il s’en est allé comme ça, sans me prévenir, sans m’avertir que ses forces s’épuisaient, sans prendre le soin de me ménager afin que je prenne mes dispositions.

La veille encore, il pétaradait de forme, il vagabondait de site en site, il ouvrait document sur document, il réussissait avec brio des parties de solitaire, il diffusait de la musique tout en écrivant sous ma dictée des phrases d’une beauté inouïe, il jonglait avec les fenêtres ouvertes, il dévorait à pleines RAM l’existence.

Le petit matin arrivé, il n’était plus.

Il est mort d’un coup.

Rien ne laissait présager une fin aussi brutale.

Depuis je suis en deuil.

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Je repense aux bons moments que nous avons passé ensemble : ces deux romans que nous avions écrit de concert, ce blog où sans jamais montrer le moindre signe de faiblesse, il s’était toujours montré d’une disponibilité sans égale, les milliers de mails composés main dans la main, les millions d’articles que nous avions lus, réunis dans une complicité sans pareille.

J’étais lui, il était moi.

Jusqu’au dernier billet, il m’aura soutenu.

Je réalise maintenant quelle folie c’était de s’en prendre de la sorte au Dieu des Chrétiens et à ses affidés.

J’ai pêché par orgueil et gourmandise.

J’ai voulu me moquer d’eux et j’ai été puni de la plus cruelle des manières.

Repose en paix camarade. Bientôt je viendrai de te réciter le Kaddish.  

 

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8 commentaires pour “Ma vie n’a plus de sens, mon ordinateur est mort”

  1. et son descendant: conception naturelle, PMA, GPA?

  2. @Marc, adoption d’un petit orphelin. Souris sans fil, ouf, il est circonscis !

  3. suis encore plus accros, j’ai 3 PC et si jamais il y avait caballe y a encore ceux de mes loupios que j’essaierai de réquisitioner, bon ok là c’est pas gagné d’avance 🙂

  4. ça aurait pu etre pire, le DD aurait pu rendre l’ame aussi.
    en fait ce qui est déjà arrivé de super grave chez moi, c’est plus de connection, j’ai cru que mes loupios allaient me défenestrer.comme si j’étais le patron du provider….pfffff!!!

  5. Et voilà, avec un Mac, ça ne serait pas arrivé. Il a l’habitude de jouer les marioles face à la multitude!

  6. “J’avais l’impression qu’on venait de m’amputer d’une partie de moi” : et alors ? On avait perdu sa prothèse ? On l’avait occise d’en avoir trop usé, ou bien son “obsolescence programmée” (Ah ! les ignobles marchands) avait en votre tendre cœur instillé une grande tristesse ? Éprouvâtes-vous la douloureuse souffrance (picotements, lancination) de l’amputé qui, dit-on, sent littéralement son membre en allé ?

    Mais alors, on n’avait pas de stylo ? Pas le moindre porte-plume, la moindre bille à encre, le moindre crayon noir, comme on disait jadis ? Il fallait à tout prix qu’on tapote le clavier, que le piano à mots stimule – pardon “booste” ! – son inspiration, qu’on a pourtant développée, débordante, porteuse d’alluvions nombreuses, et même proliférantes ?

    Puissiez-vous aujourd’hui être rétabli ! L’on vous souhaite un digne retour aux touches – et retouches.

  7. Il s’en est retourné auprès de Dieu le père … belle fin pour un ordinateur !

  8. mmm….c’est bizarre, au paragraphe “Je repense aux bons moments, etc…” vous n’avez pas mentionné vos sessions jubilatoires dédiées aux paris sportifs ! Alors ? Ingratitude ou bien ruine ?

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