Requiem pour un otage

 

Hier encore on ne vous connaissait pas.

Aujourd’hui vous êtes devenu un membre de notre famille dont on pleure la disparition.

On ressent comme un vide.

Une douleur nous chiffonne le cœur.

Une colère aussi. Un besoin de vengeance. Une soif de justice.

Des chiens d’hommes vous ont ôté la vie de la manière la plus barbare qu’il soit.

Non pas des hommes non pas des chiens mais des bêtes sourdes d’ignominie qui, se situant au-delà de toute morale, ont décapité en eux les derniers filaments d’humanité qui leur restaient.

Sur toutes vos photos, on vous voit sourire et avec vos cheveux gris, vos rides charmantes, votre regard malicieux, on devine que vous deviez être un homme attachant avec qui on aurait volontiers échangé quelques paroles, partagé un repas, bu un verre.

Vous aviez une bonne tête tout simplement.

Vous aimiez la montagne.

Alors parce que la passion se moque des frontières et des possibles dangers, vous vous étiez rendu en une région encore inconnue de vous, découvrir d’autres horizons, d’autres monts à gravir, d’autres défis à relever.

Des esprits par trop scrupuleux vous le reprochent déjà.

Vous savez ces gens assis qui de leur vie n’entreprennent jamais rien et cheminent de la maternité jusqu’au cimetière d’un pas tellement prudent qu’on finit par les confondre avec leurs propres ombres.

Et viennent vous rappeler, du haut de leur canapé, votre inconscience ou votre légèreté de vous être ainsi égaré dans des territoires où rien n’est jamais acquis d’avance, où la vie danse encore sur le fil de l’incertitude, où la sauvagerie de l’homme éclate parfois sans prévenir.

Moi je ne vous reproche rien.

On ne reproche pas aux gens de vivre leur vie.

On les admire.

A quoi avez-vous pu penser quand vous avez compris le sort qui vous attendait ?

A la folie des hommes sûrement.

A leur assujettissement aveugle à un Dieu qu’ils prétendent servir et dont ils usurpent les principes pour tâcher de combler ce vide qui les terrifie.

A la nature qui jamais ne ment ou ne triche.

A ces montagnes qui vous ont appris la réelle valeur des choses, vous ont enseigné l’humilité et l’apprentissage de la beauté, ne vous ont jamais déçu en comblant vos rêves d’enfant.

Hervé Gourdel, guide de haute montagne dans le Mercantour, est aussi un passionné de photograhie.

Et à votre famille.

A votre femme et à vos fils.

A vos parents.

Auxquels on pense si fort.

Qu’on aimerait secourir, prendre dans nos bras, à qui offrir nos maigres épaules pour mieux les laisser épancher leur impossible chagrin et tenter de les réconforter tout en sachant qu’on ne guérit pas de ces blessures-là, que les plaies ne se referment jamais et qu’on reste seul à souffrir d’une absence dont on ne se consolera pas.

Et nous pleurons avec eux.

 

Notre cœur a été abîmé aujourd’hui.

Notre sang s’est alourdi de tristesse.

Notre âme a gémi de longs sanglots.

On se souviendra encore longtemps de vous.

 

Comme d’un frère lointain dont on ne savait rien mais qui nous manque déjà.

 

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18 commentaires pour “Requiem pour un otage”

  1. Merci d’avoir su mettre les mots sur ce que nos cœurs transis d’effroi ressentent. Bravo.

  2. C’est magnifique; merci pour lui, merci pour nous qui ne savons pas exprimer l’effroi qui nous serre le coeur.

  3. Quel dommage que le beau début de votre texte (je ressens exactement la même chose en regardant cette photo…) soit comme d’habitude gâché par votre (j’hésite) soit profonde misanthropie, soit incommensurable simplisme! Autant je comprends la passion de cet homme et il ne me viendrait pas à l’idée de le juger, autant votre petit couplet sur les “gens assis sur leur canapé qui cheminent de la maternité au cimetière etc etc ” me laisse vraiment un goût amer; comme je ne vous soupçonne pas de bêtise, je vous plaint tout simplement de choisir avec autant de circonspection qui pour vous mérite admiration ou mépris.
    Je ne vous envoie ni l’un ni l’autre .

  4. Merci Monsieur….

  5. Tres bel hommage!

  6. Et vous vous réveillez au 4ème ?

  7. Ce guide de montagne-photographe a fait d’innombrables clichés de nus dans des cadres naturels et dans des poses suggestives, ce qui a dû aggraver son cas aux yeux des islamistes…..

  8. Hommage posthume d’une grande beauté et d’une puissante émotion. Mais les assassins ne sont pas des bêtes, les animaux n’agiraient pas de la sorte, jamais! Il s’agit de monstres d’une cruauté perverse, à l’incommensurable violence et folie destructrice. Qu’ils soient maudits pour l’éternité!

  9. merci pour ce bel hommage ; et comme l’a si bien dit Einstein:”Deux choses sont infinies:l’univers et la betise humaine….”

  10. Catherine, catherine !

  11. C’est un bel hommage, je partage ce sentiment de douleur qui chiffonne le coeur.

  12. Un beau texte, merci.

  13. Merci pour lui , merci pour sa famille c’est proches ses amies ( s) quel bel hommage .

  14. quel bel étalage de bons et de mauvais sentiments depuis votre canapé.

    obscene.

  15. Oui, il avait la tête d’un homme chaleureux et malicieux avec qui on aurait bien partagé un moment fraternel à table ou un verre. Merci pour cet hommage et mes condoléances à sa famille. J’imagine les souffrances qu’ils vivent et suis de tout coeur avec eux.
    Reste le fait qui prend une dimension extraordinaire avec la caisse de résonance d’internet et qu’il faut bien interroger. Cet homme qui n’avait rien demandé a eu un destin qui fait bouger les lignes comme mille tonnes de livres et d’articles n’y sont pas parvenus. Sa mort provoque enfin le sursaut salutaire de l’islam de France. Est-ce le début d’une fracture ou d’une Réforme de cette religion encore jeune qui l’amènera à établir à son tour que la foi ne doit pas sortir de la sphère privée ? Nous verrons, mais il semble qu’un processus soit engagé qui ne s’arrêtera plus. D’autre part, il faut bien le dire… Entre nous, cette décapitation qui nous fait tellement horreur à juste titre, n’est-elle pas une vieille histoire en France ? Ce drame d’un individu risque fort d’opérer aussi un aggiornamento du pays face à sa propre histoire. Voilà peu, bien peu, les manuels scolaires d’histoire de ma fille disaient à nos chères têtes blondes que la Terreur de 1793, avec ses milliers de décapitations de tant d’innocents mouchardés par leurs voisins envieux, était un mal nécessaire… Sans parler de l’usage de la guillotine par la suite, et durant la Guerre d’Algérie. Bien qu’il ne soit pas politiquement correct de poser la question : le passé de la République, notre République française, ne sera-t-il pas reconsidéré ? Ce n’est pas une argutie historique : depuis deux siècles la politique en France fonctionne comme une guerre civile plus ou moins larvée. A cause de cela, de ce non dit, de ce refus d’appeler horreur ce qui l’est. La mort atroce sur internet d’Hervé Gourdel pourrait bien avoir des conséquences inattendues, plus profondes qu’on ne l’imagine.

  16. L’étiquette a certes changé, mais nous sommes en présence du même emballage. Le contenu aussi est malheureusement conforme à leurs actes pleins d’ignominies. Pas besoin de déballage, le colis est piégé.

    La fulgurance de l’émersion de ISIS, nous fait regretter, à regret, l’immersion d’Al-Qaïda. Cela montre bien le niveau malheureusement grave et sérieux de l’incapacité de nos dirigeants à démanteler une telle organisation.

    Nous en avons marre des jérémiades intempestives de nos frères musulmans dans leur refrain habituel: “Ces gens là, ne sont pas des musulmans”.

    Quelle belle axiome toute pleine d’humanité raffinée!

    Ne vous en déplaise mes très chers: ces gens là, ils sont tout aussi musulmans que vous l’êtes. Arrêtez de nous les casser les oreilles et essayez de passer à autre chose que de vous plaire dans des plaidoyers aussi laconiques qu’insensés!

  17. le gars aurait eu une sale tête, ça changeait quoi ?

    il fallait vraiment être méprisant ?
    et puis faire du trekking en montagne, la belle affaire… Si ça se trouve le pauvre était un con fini. Mais en fait, on s’en fiche. Pas besoin de ça pour penser à lui et pour commander avec la plus grande force la barbarie dont il a été la victime. Mais vous, vous mélangez tout.

    Bref, à partir de “sur toutes vos photos”, vous dites n’importe quoi.

  18. Bonsoir Laurent,

    Votre hommage est profondément bouleversant. J’aurais aimé en être l’auteur.
    Une petite observation, toutefois (peut-être l’avez-vous déjà fait… en ce cas, veuillez m’excuser) il aurait été bien d’associer à cet hommage, les autres “décapités”.

    Bonne soirée

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