D’évidence, l’évènement principal de la journée d’hier n’était pas les fanfaronnades télévisées de notre président, pas plus que le remarquable match nul obtenu par Saint-Etienne contre de coriaces Azerbaïdjanais, et encore mois la question référendaire proposée à ces ivrognes d’écossais.
Non pas une simple barbichette de bon aloi, non pas une de ces coquettes barbes de trois jours tellement à la mode auprès de nos célébrités médiatiques, mais une barbe hirsute, broussailleuse, cafouilleuse, dévorant la moitié de son visage.
Une de ces barbes de gros nounours débonnaire qui d’ordinaire viennent garnir les mentons de responsables syndicaux acquis à la cause de la sauvegarde de l’ours polaire en milieu hostile.
Qu’est-ce donc qui motive un homme apparemment sain d’esprit, d’une normalité sans faille hormis une tendance à gauchir tout ce qu’il touche, à arborer une telle extravagance capillaire, susceptible de susciter la controverse, alimenter les rumeurs les plus folles, fourbir des armes à ses nombreux ennemis ?
Certes, il est tout à fait possible que Monsieur Hamon ne soit plus en odeur de sainteté avec son barbier.
Ce sont des choses qui arrivent.
Un dérapage verbal lors d’une séance de décrassage, une envolée lyrique au sujet des avantages scandaleux réservés à certaines professions réglementées incluant celle des coiffeurs et voilà que tous les barbiers de la capitale décident d’un commun accord de bouder les joues de l’ancien Ministre de l’Education.
Il se peut aussi que désormais privé de son salaire d’édile de la République, rattrapé par le coût de la vie, découvrant ahuri le prix exorbitant de ses lames de rasoir favorites, il ait décidé, anticipant mieux que quiconque l’aphasie prolongée de notre croissance économique, de sabrer dans les dépenses courantes et de modifier en profondeur sa façon de consommer, à commencer par cette superfétatoire obligation de se raser le visage tous les matins venus.
A moins que ne pouvant plus se voir en peinture, honteux d’avoir été berné comme un bleu par son camarade Arnaud, point encore remis de sa déconfiture ministérielle, il retarde à l’infini le moment de se croiser dans la glace et de se demander “toi que je regarde au fond des yeux, l’inconnu avec qui je dois cohabiter, qu’as-tu donc fais de ta vie, qu’est-ce qui t’as pris de défier ainsi le premier ministre auquel tu avais pourtant juré fidélité ? ”
Ah les détours que peut prendre la haine de soi quand, écœuré d’être ce qu’on est devenu, sachant la faute irréparable, connaissant le poids de son impair, on en vient à se mépriser avec une telle radicalité que la seule vue de son propre visage déclenche au plus profond de soi des vagues de dégoût capables de tout emporter sur leur passage.
Confrontés à de pareilles situations, certains enjambent des ponts, quelques-uns s’essayent au vol plané du haut de leur immeuble, et d’autres enfin se résolvent à se laisser pousser la barbe dans une sorte de renoncement méditatif, de passage obligé vers une sanctification mystique où l’apparence humaine n’a plus cours, supplantée par la seule élévation de l’esprit vers des sommets de pureté inaccessible.
Quant au rédacteur de ce billet barbant et inconsistant, étant déjà atteint d’une calvitie étendant peu à peu son empire sur son crâne d’œuf, il préfère pour le moment rester imberbe du visage, soucieux qu’il est de veiller à présenter à son entourage le parfait visage d’un homme certes sans qualités mais aussi sans poils.
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quel plaisir de me régaler de vos mots au petit dej… ne vous arrêtez pas Saga! Faites vous pousser la barbe, la moustache, des rouflaquettes… peu m’importe. Mais, écrivez ! c est exquis…
Et si… Et si le « berné comme un bleu par son camarade Arnaud » avait de tout autres motivations que celles que vous imaginez ? Et si ce soudain port d’une barbe « dévorant la moitié de son visage » n’était aucunement un aveu de « déconfiture ministérielle », pas plus que la métamorphose du bref ministre de l’Éducation nationale en cet être que chanta Baudelaire, « l’héautontimorouménos » ou le bourreau de soi-même ?
« Je suis le sinistre miroir / Où la mégère se regarde. // Je suis la plaie et le couteau ! / Je suis le soufflet et la joue ! / Je suis les membres et la roue, / Et la victime et le bourreau !// Je suis de mon coeur le vampire, / Un de ces grands abandonnés / Au rire éternel condamnés, /Et qui ne peuvent plus sourire ! » [« Fleurs du mal ; Spleen et Idéal », « L’Héautontimorouménos », Charles Baudelaire]
Cela détonne ; Benoît le souriant : plaie et couteau ? Mille excuses : joues ensauvagées et menaçant rasoir de président du Syndicat des Figaros… ?
Non, M. Benoît Hamon, victime collatérale de l’ex-ministre et conseiller général Arnaud, préfère – on le comprend – s’envisager [sens premier : se regarder le visage] en Florentin, tout verve et barbe brutes. À Florence où coule l’Arno (l’Arnaud…) – court fleuve aux troubles eaux – où sécession, sédition, rébellion sévissaient encore du temps que Nicolas Machiavel rédigeait son « Prince ».
Vous avez saisi : un licencié d’histoire s’envisage mieux en sécessionniste à poils longs qu’en jobard, fût-ce d’un grand coq de Bresse. Non ?
Il fait pousser sa barbe sournoisement pour que sa femme ne l’embrasse plus…..
haha vive la barbe
Super texte sur la barbe ! J’adore lire vos textes ! Continuez à me faire rire et me détendre !!
Hehe Vive la barbe !