La semaine dernière.
Au supermarché.
Premier étage.
Au moment d’emprunter l’escalator, mon corps refuse de s’engager sur la première marche.
Refus d’obstacle.
Il dit non.
Il se crispe.
Un signal d’alerte retentit au fin fond de mon cerveau.
Je regarde le mouvement perpétuel des marches disparaître sous mes yeux.
Je contemple le gouffre vertigineux qui me sépare du rez-de-chaussée.
Je réalise qu’effectivement je suis incapable d’emprunter cet escalier roulant qui semble se dérober sous mes pieds.
C’est ainsi.
Je ne suis pas trop étonné, ce genre de mésaventures m’est déjà arrivé par le passé.
Je contrôle.
Je m’en retourne vers l’ascenseur.
Je l’appelle.
Les portes s’ouvrent.
Se referment.
Je rappuie sur le bouton.
Les portes s’ouvrent à nouveau.
Se referment.
Je ne peux pas.
Je ne peux simplement pas.
Je suis pris au piège de ce supermarché.
J’essaye de me raisonner.
Jusqu’ici je n’ai jamais eu d’appréhension à emprunter un ascenseur.
Alors pourquoi maintenant ?
J’interroge mon cerveau.
Il ne sait pas.
M’assure juste que si je prends cet ascenseur, quelque chose de terrible, d’irrémédiable, de possiblement mortel va se passer.
Cet ascenseur sera mon cercueil.
C’est une certitude ancrée au plus profond de moi.
Comme une vérité mathématique.
C’est bien sûr totalement ridicule.
Je sais pertinemment que si je m’engouffrais dans cet ascenseur, si je le priais de me ramener un étage en dessous, il ne m’arrivait strictement rien.
Sauf que je ne peux pas.
Je suis parfaitement lucide.
Je ne suis même pas vraiment angoissé.
Tant que je ne prends pas cet ascenseur ou l’escalator, il ne peut rien m’arriver.
C’est ubuesque.
Je ne vais quand même pas passer le reste de ma vie à arpenter le premier étage de ce supermarché où j’ai mes habitudes depuis des années.
Je demande au boucher s’il existe des escaliers pour rejoindre le rez-de-chaussée.
Il me regarde d’un drôle d’air.
Je lui explique.
Il compatit.
M’offre de descendre avec moi.
D’arrêter l’escalator.
Non, je ne peux vraiment pas.
Et les escaliers ?
Ils ne servent qu’en cas d’incendie.
Je le remercie.
Lui assure que ça va aller.
Je ris.
Je réalise tout à fait le comique de la situation.
Je retourne vers l’ascenseur.
Essaye à nouveau.
Toujours pas.
J’appelle ma femme.
Je lui raconte.
Elle me demande si je veux qu’elle vienne.
Ce n’est pas la peine.
Je vais bien finir par y arriver.
J’avale un valium.
Je déambule dans les allées du supermarché.
Je lis les étiquettes des boîtes de Corn Flakes.
Me passionne pour la composition des croquettes de chat.
Compare les prix des paquets de pâtes.
Penser à autre chose.
Respirer.
Tout va bien se passer.
Je reprends un valium.
Et encore un autre.
De loin je vois le boucher qui me regarde, légèrement inquiet.
Je lève mon pouce pour lui dire que je contrôle la situation.
Je me dis que ce soir, il aura des choses à raconter à sa femme.
Les pizzas sont en promotion.
Les haricots verts aussi.
Deux paquets pour le prix d’un.
Je devrais les acheter.
A quoi bon ?
Je ne pourrais même pas les manger vu que je suis coincé pour l’éternité dans ce fichu supermarché.
C’est sans espoir.
Je n’ai même pas pris un livre avec moi.
J’imagine la tête du type derrière sa caméra de sécurité se demandant à quel jeu je joue.
Cela doit faire maintenant une demi-heure que je suis là à arpenter les allées de son supermarché.
Sans rien mettre dans mon panier.
Appelant l’ascenseur mais ne le prenant pas.
Je lui souris comme pour le rassurer.
Je ne suis pas un voleur. Ni un terroriste.
Le valium commence à agir.
Je le sens.
La peur reflue.
S’en va.
Se retire.
L’ascenseur.
Je l’appelle, je le prends, il me dépose en bas.
Je paye.
Je rentre chez moi.
Je suis épuisé.
Je vais me coucher.
Quand je me réveille, ma femme me dit que j’ai oublié le beurre.
On mange des pâtes à l’eau.
Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true )
Je connais bien!
Panique. Quand elle vous prend, pourquoi, sans raison … Le corps vous joue des tours, parfois pendables. La seule que j’aie connue m’a conduite direct aux urgences de Cochin : elle avait commencé par une crise d’asthme – ou du moins je le croyais, mais c’était autre chose, comme une noyade de l’intérieur, l’emballement d’un coeur récemment atteint d’un infarctus mais rétabli correctement, oedème aigu du poumon, 48 heures de coma. Personne ne sait pourquoi. Depuis lors, l’idée d’une récidive me hante. La peur de la panique …
mazel tov !
Hmmmm… Ça ne devait pas être un centre Leclerc, sinon tu te serais fait alpaguer a la sortie par un vigile, fouille a la clé ;->
Paniquard en rêve, mais éveillé, un vrai David terrassant Goliath. L’honneur est sauf, les pâtes sans beurre, et le dieu Pan peut roupiller sans prendre de Valium. Car on doit « panique » à Pan, elle était la manifestation humaine de la colère du dieu. Aux attributions variées, Pan fut la divinité de la foule hystérique (qui piétine les faibles tombés à terre) ; le dieu protecteur des bergers et de leurs troupeaux. Dans « Gargantua », Rabelais évoque la « terreur Panice », causée par Pan, qu’on tenait pour responsable des bruits terrorisant gens des monts et des vaux.
Malgré des recherches approfondies, aucun témoignage ne soupçonne le dieu Pan d’être l’auteur des sautes d’humeur des escaliers mécaniques ou des ascenseurs de supermarchés ou de grands magasins, fût-ce en rêve.
En revanche, l’abus de Valium abrutit tellement qu’il interdit, non de rêver, mais de garder le moindre souvenir de rêve. Attention ! Ce n’est pas insinuer que M. Laurent Sagalovitsch serait un imposteur. Un imaginatif, sans aucun doute, qui abusa de Valium dans un rêve imaginé à l’état de veille. Cela ne pénalisa même pas les pâtes : cuites à l’eau durant une rêverie de blog, elles avaient au mieux besoin de beurre… Canada dry.
J’ai cru remarqué que personne n’avait lu votre livre, c’est bien dommage, c’est sur les apparences. “Il faisait encore chaud, une chaleur lourde et humide qui montait du sol comme si la terre suffoquait et se cherchait, à l’ombre de cette nuit moite et étouffante, un nouveau souffle.” Vous avez essayé la musique plutôt que les médocs? http://youtu.be/9DsVf66k610 Peut être qu’Aristote pourrait faire quelque chose pour vous? Qui sait ?
ben si c’est Massada à Vancouver…
Pauvre vieux ! ..
Moi mon problème, (lol) c’est la montée d’adrénaline ou de que-sais-je du premier oinj après une longue sobriété.
Beh franchement, pour le coup, je préfère ma médication au pilules xD
(“the”) a passenger: http://www.youtube.com/watch?v=QEY6_jcrzI8