Remplaçons la Marseillaise par la Quête de Jacques Brel

Vu qu’étrangement personne jusqu’ici ne m’a demandé mon avis sur la Marseillaise, je prends les devants.

Eu égard à ma sémillante carrière de secrétaire d’un capitaine de l’armée française lors de mon passage forcé à l’école militaire, je déclare solennellement que ce chant brûlant de fièvre patriotique devrait être réservé exclusivement à un usage militaire.

J’entends que lorsqu’il s’agit d’endurcir des cœurs au moment de livrer bataille, d’exalter le courage de soldats sur les champs d’honneur, de sublimer leur peur à l’heure de monter au front, la Marseillaise possède toutes les qualités requises pour remplir cette impérieuse mission de transformer n’importe quel trouffion de garnison en un fantassin sanguinaire.

Rien que de l’entendre vous donne envie de descendre dans la rue et d’égorger sans sommation la passante du sans-souci, d’étriper votre voisin qui vous emmerde depuis des générations avec sa compilation de Mireille Mathieu qu’il écoute en boucle, d’assommer votre belle-mère qui continue à penser que sa fille aurait pu trouver un meilleur parti que cet hurluberlu d’écrivain à la noix qui gagne des croûtons de pain.

Toutefois, en ce qui concerne les manifestations sportives, les remises de décorations civiles, les parades pacifiques, les discours inauguraux de bâtiments publics, les chants de clôture des meetings politiques, je proposerais volontiers d’échanger cette sanguinolente Marseillaise contre la Quête de Jacques Brel.

Ecoutez donc ces paroles, écoutez-les vraiment, imaginez-vous en train de les chanter, debout devant la cuisinière au moment de passer à table :

Rêver un impossible rêve/Porter le chagrin des départs/Brûler d’une possible fièvre/Partir où personne ne part.

Aimer jusqu’à la déchirure/Aimer, même trop, même mal/Tenter, sans force et sans armure/ D’atteindre l’inaccessible étoile

Telle est ma quête/Suivre l’étoile/Peu m’importent mes chances/Peu m’importe le temps/Ou ma désespérance/

Et puis lutter toujours/Sans questions ni repos/Se damner/ Pour l’or d’un mot d’amour

Je ne sais si je serai ce héros/Mais mon cœur serait tranquille/ Et les villes s’éclabousseraient de bleu/ Parce qu’un malheureux

Brûle encore, bien qu’ayant tout brûlé/Brûle encore, même trop, même mal/Pour atteindre à s’en écarteler/Pour atteindre l’inaccessible étoile.

 

Imaginez une seule seconde un stade entier reprendre ses paroles à l’unisson.

S’époumoner au son de ses paroles magnifiant la lutte toujours recommencée pour atteindre cette inaccessible étoile, symbole de nos rêves les plus fous, porte-parole de nos espoirs les plus insensés, messagère de nos conquêtes personnelles.

Ce serait un chavirement éblouissant.

Plus personne ne rechignerait à chanter un tel hymne.

Le plus introverti de nos sportifs ne pourrait s’empêcher d’articuler ses paroles avec une ferveur transie, de les scander avec une force tellurique, de se les approprier pour mieux les intérioriser, de sentir son corps se tendre vers son objectif d’apparaître sous son meilleur jour afin d’honorer son pays tant aimé.

Même mon chat, quand je le force à écouter ce morceau, a les moustaches qui s’hérissent d’émotion, se fige droit dans ses pattes, les oreilles au garde-à-vous, et ses yeux frissonnent au point que la plupart du temps il finit par tomber dans les vapes ce qui me vaut à chaque fois une visite chez le véto.

Je prétends qu’avec ce chant, demain la France gagnerait la Coupe du Monde, la Coupe Davis, l’Eurovision même.

Que tous les français, ceux de souche, ceux d’ailleurs, ceux au sang mêlé, ceux des villes et des banlieues, ceux aux origines incertaines, aux patronymes tarabiscotés, au moment de l’hymne national, se lèveraient de leur canapé sans sourciller et beugleraient ces paroles à s’en péter les tympans.

Ce chant ineffable de la condition humaine.

Cette ode à l’humilité, au désir de se surpasser, à l’envie de donner le meilleur de soi-même, d’aller au bout de soi afin d’essayer, même si c’est pour échouer, de rendre le monde meilleur, transcenderait la nation tout entière, réunie autour d’un chant qui parlerait à tout le monde, sans distinction de classe ou de rang.

Certes j’entends déjà des esprits grincheux ratiociner en argumentant que ce grand couillon de Brel n’a rien de français, qu’il pue la belgitude, qu’il transpire le plat pays, qu’il empeste les moules frites, qu’il suinte de bière aux noms démoniaques, qu’il postillone le patois de Knokke-le-Zoute.

Balivernes.

Grâce à ce nouvel hymne, nous marcherons en rang serré sur la Belgique, nous fracasserons la frontière, nous déferlerons sur Bruxelles, nous annexerons le Maneken-Piss et, en déboulant sur la Grand Place, nous proclamerons le rattachement de la Belgique à la France.

 

Patriotes de tout poil, chauvinistes de tout bord, amoureux éperdus de la Gaule, levez-vous, l’étendard sanglant de la reconquête a sonné.

 

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17 commentaires pour “Remplaçons la Marseillaise par la Quête de Jacques Brel”

  1. je partage a 1.000 %………

  2. Pas bête votre hymne: “faîtes l’amour et la guerre”,
    Mais “les singes” serait plus indiqué.

    Pour un hyperonyme: “chanson sans parole”

  3. Les rougets de l’île ne se distinguent pas de ceux des rivages communs. D’ailleurs Claude Joseph Rouget, dit de Lisle, n’eut pas le temps de pêcher. Quoiqu’il vécût soixante-seize ans – belle performance pour un militaire né en 1760 –, il n’eut probablement pas le goût du bouchon immobile ou des perverses fuites de truites vagabondes. Mais poète et, tout modeste qu’il était, il commit en 1791 « La Marseillaise » à la demande d’un sien ami, maire de Strasbourg. La France révolutionnaire, aux armées malmenées par les monarchies coalisées, lui sut gré d’ainsi redonner, avec cette gaillardissime (voire plus !) « Marche des Marseillais », courage aux soldats de la Révolution. Ils se reprirent à Valmy, un an plus tard.

    Hasard ? Reconnaissance des coupeurs de têtes pas encore amnésiques ? Claude Joseph Rouget, qui en pinçait pour Louis XVI, n’eut pourtant par le cou passé par la lame du docteur Guillotin. Il survécut à la grande Révolution et mourut avant celle de 1848. La poésie conserve parfois. Pas toujours : voyez André Chénier guillotiné à 31 ans, l’âge où Rouget de Lisle enfanta « La Marseillaise ». Voyez Jacques Brel, décédé à l’âge de 49 ans.

    « La Quête » comme substitut à « La Marseillaise », et pour toutes les raisons que, lyriquement, vous avancez, oui ! S’enflammer, vous le comprenez, n’est pas mettre à feu et à sang. Mais ce beau projet d’entreprendre tout « pour atteindre à s’en écarteler » (sauf passé un âge certain…), donc « pour atteindre l’inaccessible étoile », cent fois oui ! Parce que les étoiles, vous savez, même par ciel sans nuages, les voir avec cette pollution, c’est bien plus coton que du vivant de Brel et de Rouget de Lisle.

    Mais n’attendiez-vous pas que des « esprits grincheux » frappassent ? Alors voici, en mode mineur, mais pas sur votre longueur d’ondes ; une suggestion, toute timide, une suggestion-violette en somme : ne craignez-vous pas, en ces temps où l’on fait rouler les mécaniques, en ces temps agressifs et violents, d’être taxé d’idéalisme avec vos jolies étoiles ? À moins – cela n’étonnerait pas – que vous n’ayez attendu (sollicité ?) pareille observation ?

    Vous n’y gagnez certes pas un « croûton de pain » ! Mais quel plaisir, suppose-t-on. Assez proche, peut-être, de celui que s’octroya Serge Gainsbourg en passant… « au » reggae ladite« Marseillaise ».

  4. depressif.

    autant se tirer une balle dans le cul.

  5. Ya des avis dont on se moque totalement, celui-ci notamment!! La Marseillaise fait partie de notre histoire on y touche pas. Cest tout.

  6. La résonance possible avec La Marche à l’étoile, de Vercors, est séduisante. Un hymne auto-critique, alors.

  7. Je pense surtout que Brel se retournerais de honte dans sa tombe s’il apprenais l’instrumentalisation politique de ses paroles. Elles n’ont rien à voir avec un hymne nationale. Hymne nationale qui n’a comme seul but de rallier la population à l’Etat, et émouvoir, éclore un sentiment nationaliste dans chacun. Jamais je chanterais du Brel pour l’unisson d’une patrie ou d’un peuple au service d’un gouvernement.

  8. Je trouve que Brel ça vieillit mal. Et vous Saga… c’est bien triste tout ça.

  9. ouais je trouve aussi. Verlaine aussi d’ailleurs.

  10. Hymne national sans e, les branques.
    Rhââ.
    Laurent, tu n’y arriveras jamais. A Neuneuland, on chante la Marseillaise, on ne swingue pas, on ne rêve plus, et on vote gauche-droite au pas de l’oie. Brel, c’est trop loin, trop beau, surtout “La Quête”. Les Français sont des moulins à vent, pas des Don Quichotte.
    (Sinon, cette chanson-là mettait vraiment mon chat dans tous ses états. Dès que je la fredonnais, il arrivait et réclamait un câlin. Rigolo, non ?

  11. On devrait chanter cela à Saint-Etienne, sur le thème “les verts au Brésil”, ou “Perrin à Rio”, moi, je le sens bien ce slogan. En équipe de France, le meilleur vin est dans la réserve. Ces joueurs apporteraient un autre état d’esprit à cette équipe bling-bling.

  12. N’importe quelle chanson vaudra toujours mieux que la marseillaise. C’est une des chanson les plus sottes et arrogante que j’ai jamais entendu. Pour bien représenter l’esprit de notre pays, il faudrait peut-être un équivalent des “flamingants” pour rester dans le répertoire Brelien.

  13. Et pourquoi pas quelque chose sans parole. Une musique, une symphonie qui nous permettrait de garder bouche fermée sans crainte de se voir accusé(e) de tous les maux anti-nationaux.

    Ou alors quelque chose proche de l’hymne suédois :
    Du gamla, Du fria, Du fjällhöga nord
    Du tysta, Du glädjerika sköna!
    Jag hälsar Dig vänaste land uppå jord,
    Din sol, Din himmel, Dina ängder gröna.

    C’est pas beau ça?!

  14. La marseillaise est un monument historique….
    Par conséquent, on y touche pas .

  15. et la Parisienne dans tout ça?

  16. A défaut de la parisienne, il y avait les parisiennes.

    spéciale dédicace pour les footbaleux :
    http://youtu.be/YdW9arqk8bY

  17. Un chant belge pour l’hymne Français.
    C’est oublié l’histoire…

    La quète est magnifique… mais quel rapport?

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