Ainsi ce serait bel et bien Rimbaud qui poserait sur cette photographie prise à Aden devant la façade de l’hôtel de l’Univers.
Puisque des experts, après des années d’investigations, de calculs savants et de comparaisons avec des portraits précédents, du haut de leur savoir académique, ont dit sans détour qu’à 98% le visage de cet homme serait bel et bien celui du Poète.
Les deux pour cent restant pencheraient plutôt pour être celui de Monsieur Dupneu ou du Sieur Tartempion.
La belle affaire.
Je n’aime pas les détrousseurs de cadavres.
J’éprouve une méfiance instinctive pour tous ces anachorètes d’universitaires qui depuis des décennies se paluchent sur le dos de Rimbaud, glosent à l’infini sur lui, proposent des interprétations, suggèrent des hypothèses, détricotent les mots du Poète pour essayer de leur tirer les vers du nez.
Rimbaud est indéchiffrable et sa vie est vague.
Qu’elle le reste.
Je n’ai nul besoin de peignes-culs s’en allant renifler les remugles du poète pour venir nous les certifier d’origine contrôlée en affichant cette même arrogance à peine feutrée des scientifiques lorsqu’ils s’essayent à nous expliquer l’origine par essence insondable de l’univers.
Il faut se résoudre à garder au mystère sa part de mystère.
Ces littérateurs d’opérette appartiennent au petit peuple des fossoyeurs de la littérature, ils passent leurs journées à récurer les fosses septiques des rumeurs invérifiables, à jongler avec des talons de carnets de chèques en s’évertuant à trouver la nature des achats débités, à traquer au fond de greniers décatis les fanfreluches de la farandole littéraire.
Ce sont les paparazzi de la littérature.
De savoir que ce pourrait être Rimbaud sur cette photo ne soulève en moi aucune sorte d’émotion si ce n’est une furieuse colère d’avoir à apposer sur cette figure chérie de mon panthéon personnel un visage que je ne souhaitais en rien connaître.
Rimbaud, ce n’est pas une starlette de cinéma et cette photo ne peut être qu’une trahison mémorielle.
Sa vie d’après la rédaction de ses poèmes lui appartient à lui seul.
Il a voulu disparaître du monde.
Personne ne l’a forcé.
Ne pouvait-t-on pas respecter cette volonté acharnée de se soustraire à la société des hommes pour s’en aller visiter des terres lointaines, loin, très loin de la compagnie de ses semblables ?
Ne pourrait-on pas simplement lui foutre la paix et laisser par la même occasion intact le dialogue que nous entretenons avec le poète depuis qu’il nous a foudroyé de son verbe ensorcelé sans venir le polluer avec des photos incertaines qui abîment l’image de l’adolescent broussailleux que nous avions fini par apprivoiser ?
Va-t-on aussi s’en aller déterrer son cadavre afin de savoir combien il chaussait, la taille exacte de son tibia gauche, la distance existant entre ses deux oreilles, la profondeur de sa cage thoracique ?
Je ne sais pas qui était Rimbaud et je ne tiens pas à le savoir, même si, succombant à la tentation, j’ai eu parfois la faiblesse de lire quelques biographies qui lui étaient consacrées pour en arriver à la seule conclusion que cet homme n’a pas d’histoire à nous raconter hormis celle palpitant dans le chaos de sa poésie.
Rimbaud se suffit à lui-même.
A 21 ans, Rimbaud avait tout dit. Tout écrit. Tout compris.
Il était peut-être allé au bout de sa Vérité. Ou peut-être pas.
Il avait dansé avec la folie, il avait vu de près la veulerie des hommes, il avait fixé en une prose incandescente ses vertiges et ses dégoûts, il était descendu si loin en lui qu’il ne pouvait aller plus loin au risque de se répéter.
Ou de se brûler.
Et il a décidé de partir.
Fin de l’histoire.
Rimbaud est toujours un autre.
Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true )
Article prétentieux, on y apprends rien de plus que dans le titre.
En revanche merci pour cette vidéo d’Henri guillemin.
Comme disait l’autre je m’en tape à un point que ça me donne une idée de l’infini…….
J’aime beaucoup la chronique, d’autant plus que j’avais vu la photo hier soir, et que je me suis dite la même chose, quel est l’intérêt de connaître l’authenticité de cette photo? quel est l’intérêt de scruter le visage de Rimbaud? si ce n’est cette fâcheuse manille contemporaine de vouloir connaître l’inutilité des choses au lieu de leur réelle utilité….
Y’a deux écoles, un peu comme le père et le fils Einthoven dans leur bouquin sur Proust, le premier ne veut analyser que les mots le second les mots à travers l’homme ou est ce qu’il est essentiel ou non de savoir que quand Proust écrit femme il pense homme et est ce qu’au fond cette assertion est juste? Peut être “(qu’)il y a là de quoi parler beaucoup” comme disait Voltaire?
Quelque haute idée que l’on nourrisse de Rimbaud – de tout autre grand poète ou, plus largement, de tout autre grand écrivain ou artiste –, ne peut-on admettre que d’autres que soi traduisent leur intérêt, voire leur passion, du même écrivain ou artiste en se livrant à la quête biographique ? Elle paraît de moins haute volée qu’une étude passionnée des seules œuvres ? Mais cette sorte de filature littéraire ne pourrait-elle être tenue pour un appétit de savoir, découlant d’une passion qui veut enrichir celle ayant conduit à s’imprégner d’abord de l’œuvre ? Vous-même, induit en tentation…., n’avouez-vous pas avoir « eu parfois la faiblesse de lire des biographies qui lui [à Rimbaud] étaient consacrées » ?
Savez-vous que parmi ces « ces anachorètes d’universitaires » que vous vitupérez, beaucoup furent et sont de fort bons vivants, nantis de femme, enfants et maîtresse(s) ? L’ascèse de la recherche ne les habita, ne les habite, pas moins. Mais le voyeurisme ni le goût de l’argent ne les ont jamais stimulés. Les biographes sont bien loin de « récurer » tous « les fosses septiques des rumeurs invérifiables ». Seule l’œuvre ! Aucun doute là-dessus. Mais des lueurs biographiques projetées sur l’auteur peuvent ou bien grandir l’artiste (Céline) si l’homme trempa dans l’ignoble, ou bien grandir l’homme (Lamartine politique) si ses poèmes, aujourd’hui, sont jugés pâlots ou désuets.
Les lecteurs seuls, si passionnés qu’ils soient ou parce que trop exclusivement passionnés, permettraient-ils, sans ces chercheurs curieux et partageux que sont beaucoup d’universitaires, que s’opère pleinement la transmission des grandes œuvres de l’esprit ?
Je suis éruptif parfois !
La biographie de Claude Jeancolas sur Rimbaud est magistrale tant qu’elle suit Rimbaud dans ses années ardennaises, bruxelloises, parisiennes. Tant que Rimbaud écrit. Après elle se traîne. Il n’y a rien à dire sur ces années à Aden. Ce n’est que du mégottage stérile.
” Je ne sais pas qui était Rimbaud et je ne tiens pas à le savoir… “, dites-vous, cher Laurent Sagalovitsch.
Vous savez parfaitement qu’il en est de Rimbaud comme il en est de Shakespeare : leurs oeuvres ont été écrites par des inconnus qui portaient leur nom. (formule d’Alphonse Allais pour ce qui concerne Shakespeare)
comme Celine quoi !
bref.
vain.
Saviez-vous que Rimbaud était un fan absolu de navigation maritime ? Il avait un petit bateau amoureusement baptisé Rimbaud Warrior.
A ce qu’il parait Roth a passé son week en à Plouhinec, au petit matin il aurait acheté des dorades au marché du port et aurait récolté des coquillages dans l’après midi pour se confectionner une boite à bijou, les petits plaisirs de la vie quoi.
“J’avais été damné par l’arc-en-ciel”, over the rimbaud? Je sors.
il n’est pas mort au Vietnam Rimbaud?
Non, sur le rimbaud de la méduse http://www.youtube.com/watch?v=3R5gHF0vzew
Ne vous déplaise, c’est tout de même émouvant, de voir cette photo, de se demander “: est-ce Rimbaud,, ce visage désespéré, aux lèvres molles, ce fantôme?
Ne vous déplaise, j’aimerais plus que tout que d’autres vestiges de lui surgissent, soient découverts, photos, ou, bien plutôt, écrits. Les papiers que Mathilde Mauté ou son père ont soit disant détruits, la mythique “chasse spirituelle”, qu’on espère recyclée dans les Illuminations…
Adolescente, je rêvais que pas un seul mot de Rimbaud ne soit perdu, au point d’écrire “je plains ses pensées qui se sont évaporées”. Oui, de l’idolâtrie!
GChaud