Le charme très relatif de la dépression passagère

 

On a tous un jour connu cela.

Cette légère déprime qui, pour une raison inconnue, s’accoquine dès potron minet avec votre âme ou ce qu’il en reste.

Cette pesanteur des sentiments qui engourdit l’esprit et le rend incapable de la moindre initiative.

Ce cœur qui bat par habitude plus que par envie.

Cette langueur qui s’abat sur vous et ne vous quitte pas de la journée.

Ce soleil ironique qui  vous nargue et finit par vous agacer.

Cette lumière  aveuglante qui ne cesse de vous harceler et finit par vous irriter.

Ces rires outrecuidants qui  se moquent de vous et vous insupportent.

Cette aspiration à l’obscurité, au repli sur soi, à l’attendrissement sur sa pauvre petite personne ballotée entre deux pathétiques crises d’angoisse.

 

L’envie subite de lire des grands textes.

De se consoler en écoutant de la grande musique.

De se perdre dans la contemplation d’un chef d’œuvre.

Ce besoin de savoir que d’autres que vous ont souffert du même mal.

Sont passés par les mêmes épreuves.

Ont partagé ce même accablement infini qui vous ronge et vous laisse sans force.

La vie qui continue pourtant.

L’obligation de se montrer sous son meilleur jour.

De ne rien laisser paraître de cet écœurement qui vous saisit à la gorge et vous donne envie de pleurer sans raison.

La nécessité de se laver, de se nourrir, de se forcer à travailler.

La certitude de l’échec.

Le regard échangé dans la glace, cette envie de s’administrer une bonne paire de claques, ces yeux chagrins qui contemplent le portrait d’un homme revenu de tout et n’attendant plus rien de l’existence.

Ces longs soupirs où se font entendre les mugissements d’une âme qui pleure de rage de devoir cohabiter avec un être si terne, si inutile, si misérable.

Cette supplique adressée à vous-même pour tenter de se ressaisir, de s’extirper de cette torpeur glacée et d’aller de l’avant.

 

Ce renoncement à se battre, à s’affronter, à s’essayer à devenir un homme un peu meilleur.

Cette application à tout déconsidérer, à tout dénigrer, à tout critiquer, à commencer par soi-même.

Cette fatigue de soi.

Et plus encore, cette incapacité à rire de sa propre infortune.

Cette odieuse grandiloquence à se penser comme malade, comme maudit, comme victime d’un mal si grandiose qu’il fait de vous un être hors-norme.

Cette connivence avec la mort qui ne vous effraie même plus.

Ce constant apitoiement sur soi, cette manie de tout ramener à soi, cette incapacité à communiquer, à dire, à confier sa détresse, certain qu’on ne vous comprendrait pas.

Alors le refuge dans l’alcool, dans le sommeil, ce réconfort factice trouvé auprès de ses tranquillisants.

Cette incompréhension à comprendre comment les autres font pour ne pas se rendre compte de l’absurdité de toute chose.

La vanité bête de se croire supérieur à eux.

Les heures passées à se répéter, je suis fatigué, je suis si fatigué, fatigué, fatigué.

La pesanteur de l’air, la difficulté à se déplacer, la sensation du vide.

 

Mais aussi cette conviction que ce n’est qu’une mauvaise passe.

Déjà les palpitations d’une âme qui ne demande qu’à renaître.

Bientôt le sang qui se remet à circuler, le cœur de tambouriner, l’esprit de s’animer.

Les premiers fourmillements, le premier sourire, la première parole aimable qu’on s’adresse.

La tape dans le dos  qui réconforte.

Lève-toi et marche.

La tendre beauté d’un coucher de soleil.

La vie qui reprend ses droits et chasse l’intrus qui vous cadenassait le cœur.

Le sentiment de renaître, d’être à nouveau d’attaque, la certitude que tout va bien se passer désormais.

 

Et la rédaction de ce billet pour se souvenir qu’un jour dans sa vie on a été, fatigué, fatigué, fatigué….

 

 

20 commentaires pour “Le charme très relatif de la dépression passagère”

  1. J’imagine que vous connaissez tous l’expression “fort comme un turc”. Bon. Evidemment loin de moi l’idée d’adopter toutes ces expressions et autres dictons qui en dépit de leur part de vérité ont parfois le tort de nous entraîner sur les voies dangereuses de la discrimination et du racisme.
    Mais peut-être aussi est-ce que les turcs sont plus forts que les autres gens, en tout cas plus forts que les autres européens (même si les turcs ne sont pas vraiment européens, et même si les turcs restent probablement moins forts que les georgiens, qui sont forts grâce à leur pratique assidue de la lutte). Mais pourquoi donc les turcs sont-ils donc plus forts que nous ? Chers amis internautes, j’ai pensé à une petite théorie afin de répondre à cette intrigante question…
    Vous connaissez les chiottes turques, n’est-ce pas ? Quelle est donc leur spécificité ? Simplement, les chiottes turques exigent à leurs utilisateurs de s’accroupir afin de s’assurer d’une véritable sécurité hygiénique. Peut-on en effet imaginer d’utiliser des chiottes turques à demi-accroupi, ou disons à moitié debout ? Je ne crois pas me tromper en affirmant que nous avons tous connu au moins une fois dans notre vie des explusions de matières fécales capables de souiller quasi-instantatément l’intégralité de la cuvette dans un véritable maelstrom sonore. Hé oui ! car c’est bien la cuvette qui nous distingue des turcs… Ah ! pauvres turcs qui depuis leur plus tendre enfance sont obligés de s’accroupir pour chier… Je vous demande un peu d’attention, car c’est là que se situe le nexus de ma théorie. Et si, au fond, là était la raison de l’incroyable force des turcs ? Car s’accroupir pendant plusieurs minutes demande un véritable effort physique, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Eh bien voilà, j’en ai terminé avec cette théorie que j’espère pour le moins originale. Qu’en pensez-vous ?

  2. Peu de commentaires, ce blog serait il hanté par un troupeau de dépressif? Mon expression préférée est de Nietzsche “ce qui ne te tue pas te rend plus fort.” Docteur Saga, d’une part je pensais que votre problème était plutôt de prendre du temesta à vie ce qui aurait tendance à la raccourcir, ce qui si je me souviens bien n’était pas vraiment un problème puisque que la vie sans temesta serait de toute façon beaucoup plus courte. Vous avez pensé à faire des gâteaux? D’autre part ce papier ressemble à une liste de symptômes mis les uns derrières les autres, vous avez oublié la culpabilité, la corrélation avec la dépression est neuralement prouvée http://www.slate.fr/lien/57229/neurosciences-culpabilite-depression

  3. Il me semble que les chiottes à la turque ont en fait été inventées par les belges*, les turcs se sont contentés de rajouter le trou.

    Pour la dépression, il suffit de prendre une pilule de plus et si elle est dure à avaler, relisez-vous : https://blog.slate.fr/sagalovitsch/2012/09/28/moi-l-accro-aux-anxiolytiques-et-futur-alzeihmer/ => plus de culpabilité !

    * attention, l’inventeur peut-être modifié, mettez ici celui dont vous voulez vous moquer : motards, supporter de l’OL, etc. – l’effet comique est maintenu malgré le changement.

  4. @ Job : les belges inventeurs des chiottes turques ??! Mais c’est tout mon monde qui s’effondre ! Chienne de vie…

  5. Sinon, contre la dépression et autres troubles psychiques, je recommande une méthode en deux temps un peu fatigante mais très efficace :
    1) acheter des baskets
    2) courir

    Sinon il y a la drogue…

  6. si ça commence à dépresser en aout, qu’est ce que ca va etre en novembre…

  7. avouez Mr SAGALO, c’est votre chat qui ne vous supporte plus et qui fait une dépression.

  8. @ Roger : je vous le dis, avec la crise, tout le bordel, à un moment ça va péter…

  9. C’est quoi l’intérêt de ce billet de blog à part de bien nous faire comprendre que tu n’avais rien à dire ?
    Tu veux une corde ?

  10. On se connait asdawai ?

  11. Pourquoi un homme ? Les femmes ne sont donc jamais dépressives ?

  12. C’est un très beau billet. Comme d’habitude gâché par des commentaires insipides, faussement malins et qui figureraient bien au fond des gogs, pour rester dans la continuité de la thématique “chiottes turcs”. Comme si être “déprimé” était nécessairement un état/sentiment malsain, faible ou naif. C’est avant tout un passage, une fatigue relative, utile et stimulante lorsqu’elle n’est pas fatale, pour affronter le nihilisme sous toutes ses formes. La fin du billet n’incite à rien d’autre qu’a lever la tête. C’est tout le sens du post: passer par des chemins embrumés pour voir se dissiper, plus loin, la brume des sentiments. Aussi, je préfère ici le terme de mélancolie dont la force épouse la vie dans ce qu’elle a de plus noir, de plus absolu et de plus beau sans pour autant l’affaiblir. Merci pour ce billet qui tombe à point nommé.

  13. @ Josephine : vous en avez d’autres comme ca ?
    @ Most people : Merci !

  14. Pour mon prochain passage à vide, j’imprimerai ce billet pour ceux qui me demanderont “qu’est ce qui se passe? ça ne va pas?”. Cordialement.

  15. j’ai probablement beaucoup de chance de passer ma vie à operer des êtres humains, mes semblables, eux, qui souffrent vraiment; ce métier, cette passion qui obligent à regarder l’autre, à le comprendre à le voir parfois aussi comme “mon idiot de semblable, mon crétin de frère, mon stupide cousin” mais pas que comme cela, m’évite sans doute de me complaire dans le mal être de petit bourgeois souffreteux que vous nous tartinez; enfin si vous essayez d’écrire essayez de le faire bien; cette complainte qu’on croirait rédigée par une ado mièvre n’a aucun style; la littérature de la médiocrité n’est visiblement pas à la portée de n’importe quel blogueur qui se regarde le nombril faute d’une vie plus riche ou au moins d’un regard plus perçant; n’est pas houellebecq qui veut…
    Quant-à votre germanophobie primaire, sur le mode je hais l allemagne et la pologne parce qu’ils ont assassiné mes ancêtres, souvenez vous que les descendants des victimes ne sont pas plus des victimes que les descendants de bourreaux ne sont des bourreaux; je partage entièrement vos principes antinationalistes et antipatriotiques, appliquez les vous et vous comprendrez que le crime odieux contre les juifs est un crime contre l’humanité, c’est à dire contre toute l’humanité; si l’allemagne hitlerienne a été évidemment la patrie de ce crime, là non plus il ne peut pas y avoir de patrie éternelle des victimes comme il ne peut pas y avoir de patrie éternelles des coupables; ce serait trop simple et c’est evidemment stupide de penser, comme le pensent ceux qui se disent patriotes, que l’on peut hériter de je ne sais quelle qualité ou défaut par la naissance; mais ça marche pou tout le monde: personne n’hérite du statut de victime ou de coupable, personne n’hérite du courage, de la malhonnêteté, personne n’hérite d’une culture de son peuple que les autres n’auraient pas le droit de faire leur; je suis l’héritier du bien et du mal que me lègue le monde quand j’y viens, personne ne me privera de faire mienne la splendeur ou la mediocrité de Son peuple, de Sa patrie. Les allemands de 2013 sont dépositaires de cette mémoire en tant qu’être humain comme le sont tous les humains de 2013 juifs ou non (un crime commis par des humains sur d’autres humains).
    Relisez Thomas Mann :« Tout homme est prodigieux ; avec du coeur et de l’esprit, toute vie d’homme peut se montrer intéressante et aimable, même la plus pauvre. » ça vous aura échappé

  16. Dommage qu’on n’enseigne plus les humanités en faculté de médecine.

  17. la dépression n’est ce pas le mal de notre époque, époque où l’injonction de bonheur est de mise….

  18. Un ami m’a redirigé vers votre blog, suite à mon post d’aujourd’hui. Même pas copié (juré-craché) mais sentiment très partagé et très similaire. Comme quoi quelque chose de très personnel est aussi universel.
    Au fond du trou avec encore un petit espoir d’aller mieux un jour.

    Bonne continuation.

  19. Merci! A vous aussi. Ecoutez un album des smiths et tout ira mieux. Ou pire

  20. ha ha. Déjà fait bien entendu. De même qu’Elliot Smith, Songs:Ohia et le “American Recording” de Johnny Cash.

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