L’écrivain et sa peur panique de perdre son manuscrit

 

C’est la grande peur de l’écrivain.

Celle qui tourne à l’obsession et peut l’amener à se réveiller au beau milieu de la nuit pour vérifier que son ordinateur n’a pas subi un anévrisme informatique foudroyant emportant dans sa tombe le souvenir de son manuscrit en train de s’écrire.

La peur infinie, que de tous ces pathétiques efforts consentis à œuvrer péniblement à l’élaboration d’un récit plus ou moins boiteux, il ne reste plus aucune traces, engloutis dans le néant virtuel d’un disque dur refroidi par un vilain virus ou atteint d’une pathologie incurable.

 

Une peur d’autant plus grande que bien souvent l’écrivain, rechignant à cramer une coûteuse cartouche d’imprimante pour inscrire dans le marbre ses inepties romanesques encore brutes de décoffrage, se donne tout entier à son ordinateur, remettant son sort entre les mains d’une machine aussi imprévisible dans son comportement qu’un canard hagard gambadant sur une route de campagne, sous une pluie d’orage.

Alors, l’écrivain terrorisé de tout perdre, terrifié de se retrouver orphelin de son roman en construction, se met en quête de roues de secours qu’il s’en va multiplier à l’infini, à mesure que le chantier de son roman grossit.

Cela commence un beau matin par l’achat d’une clé USB avec laquelle il sodomise avec passion l’arrière-train de son ordinateur pour une étreinte sauvage qui durera le temps de l’écriture de son chef d’œuvre.

Un mariage forcé et contraint, un mariage de raison où les deux parties imbriquées dans cette sodomie infernale, partagent tout, les chapitres, les paragraphes, les gribouillis sans queue ni tête, les idées absconses, les illuminations fortuites, les fulgurances sans lendemain.

 

Une partouze infernale où au bout de quelques semaines de dur labeur, l’écrivain peine à s’y retrouver, ne sachant plus si l’intitulé d’un document estampillé “essai 3 début du milieu chap.12 ” correspond à sa dernière version enregistrée la veille ou remonte à un travail effectué le siècle dernier.

Un mariage placé sous le signe de la méfiance car qui peut prétendre que jamais clé USB ne connaîtra de tragique défaillance, et que pour une raison connue d’elle seule, décidera du jour au lendemain de s’enfermer à triple tour dans sa tour d’ivoire, emportant dans sa folie destructrice ces précieux documents que pour rien au monde elle ne voudra rétrocéder ?

Comme ces parents qui kidnappent leurs enfants et s’en vont les séquestrer dans une contrée hostile, loin du domicile familial.

Aussi, mieux vaut opter pour la polygamie et offrir à son ordinateur une douloureuse mais nécessaire double voire triple pénétration usbienne.

C’est plus prudent.

Efforts grandioses qui évidemment en cas de maladie virtuellement transmissible contractée par un ordinateur mal protégé s’étant livré à des libations interdites avec des personnes mal intentionnées peuvent se retrouver, du jour au lendemain, réduits à néant.

On a déjà vu des clefs USB, après des attaques perfides de virus sournois, pointer au cimetière des éléphants.

 

Reste la parade imparable : le Cloud, associé à l’envoi sur ses propres messageries, à la fin de la journée, de ces dernières avancées romanesques.

L’envoi dans le cyberespace de sa précieuse logorrhée afin qu’elle échappe à toute attaque venue de l’étranger.

Une valeur sûre qui peut résister à tout : au plantage magistral de l’ordinateur, à l’implosion en plein vol de ses clés USB, à un incendie qui ravagerait de fond en comble l’appartement, à un tremblement de terre capable de réduire en cendres le PC le plus robuste.

Sauf qu’un Cloud ça reste un Cloud.

Une de ces inventions à laquelle on ne comprend, a priori, pas grand-chose.

A qui des esprits sûrement très éclairés nous disent de faire confiance. Pourquoi ? Parce que, Ducon.

Et qui, lorsque vous leur demandez, “Mais ces Clouds, ils ne peuvent pas un jour tomber en panne, hein, ou subir une avarie importantissime, ou tomber dans le coma ?”, partent d’un rire gras plein de mépris et de suffisance.

Dès lors, mieux vaut confier, une fois que le roman commence à avoir du muscle, l’ébauche de son manuscrit, sortie tout droit de l’imprimante, à une tierce personne afin qu’elle le garde en lieu sûr.

 

Évidemment, il est plus prudent d’éviter de prendre votre voisin ou votre concierge comme récipiendaire de cette grossesse romanesque.

En cas d’incendie, il se peut fort bien que votre immeuble disparaisse en fumée, auquel cas, adieu voisin, adieu manuscrit, adieu prix Goncourt, adieu villa à Deauville, adieu gloire et volupté.

On n’imagine pas la somme de travail qu’exige désormais le maintien en vie d’un manuscrit.

A chaque fin de journée il faut veiller à enregistrer le document de travail, à envoyer une copie certifiée conforme aux trois clefs USB, à s’auto-adresser un mail avec en pièces jointes les fichiers des dernières corrections, à renouveler l’opération avec une adresse mail de secours – juste au cas où – puis enfin vérifier que le Cloud a bien Cloudé.

 

Dès lors, on comprend mieux pourquoi un écrivain ne respecte jamais sa date de remise de manuscrit…

 

33 commentaires pour “L’écrivain et sa peur panique de perdre son manuscrit”

  1. ouhhhh!!!!!, la fumeuse excuse pour le futur retard.

  2. Je crois que j’ai trouvé encore plus parano que moi : Sagalo.
    Sinon, un moyen original de sauvegarder son travail est d’engager un autiste Asperger pour mémoriser du 1er mot jusqu’au dernier le manuscrit sans oublier une seule virgule. Et le jour où tu en as besoin, hop ! t’appelles le gars et il te ressort le truc.

  3. Bon, au final je crois que c’est mieux qu’on laisse tranquille tous les Cahuzac de France, parce que quand on voit le résultat aux élections suivantes, hein ! Il fait chier Plenel ! Et puis qu’est-ce qu’il a fait Cahuzac ? Rien de bien méchant. Je suis sûr que tout le monde a oublié.

  4. Cahuzac…..c’est une eau gazeuse non?

  5. Et merci à France 2 de faire de la pub pour le FN en 1ere partie de JT suite à un sondage à la con, cela fait plaisir de voir où va notre argent. Vraiment, une super idée ! C’était juste dommage que Buisson n’était pas invité, mais bon, on ne peux pas tout avoir.

  6. Ils commencent à nous emmerder avec leurs sondages à la con, ils vont tellement nous gaver qu’on va finir par migrer, comme des oies. Faites gaffe Saga avec le Cloud, la NSA pourrait avoir accès au fond de votre âme…http://youtu.be/y3CaSH2n-E4

  7. Dropbox

  8. Bon, moi j’imprime, en plus des USB et du disque dur externe, mais ce sont des dessins, évidemment. Mais ça m’a sauvée, d’imprimer. A cause d’une erreur de manip’ : toutes mes sauvegardes étaient en basse def’.
    Parce qu’il y a ça, aussi, pour les dessinateurs. Le piège de la basse définition, du jpg merdoyant baveux flouté.
    (Non, sérieux, on devient fous, j’crois.)

    @ Rakam : bien ri, merci ! (…et qui s’appellerio Cahuzac.)

  9. Le Cloud tomber en panne? Ça me fait penser à Ravage de Barjavel qui trouve les humains ridicule avec leur “plastex”, faut prendre un peu de recul, mais imaginons qu’on en arrive là alors votre roman ne sera pas près d’être imprimé. Il faudra plutôt vous reconvertir et vous procurer un cheval et un attelage pour labourer. En attendant la fin du monde j’ai essayer Dropbox, c’est simple et pratique tout comme j’aime. Je vous présente mon chat : https://www.dropbox.com/s/0c7hz71xof5bsv8/2013-06-23%2019.20.24.jpg

  10. D’où ce désir farouche de publier, qui reste somme toute la forme de sauvegarde la plus sécurisée, et en même temps la plus périlleuse…

  11. moi j’ai acheté un mac ! mais j’écris pas non plus ! et je sais même pas si je sais lire des fois.

  12. Lisez ça http://mclasseurdefrancais.free.fr/troisieme/journaldunmonstrelectprosp.doc Matheson est mort, ne battez pas vos enfants qu’il disait http://www.slate.fr/france/74119/campagne-enfance-claque

  13. A monsieur Foglino,

    Le duel aura lieu jeudi à Fortaleza, au coucher du soleil.
    Comme convenu, mon témoin lira avant le combat un extrait de El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha par le grand Miguel de Cervantes Saavedra, maître de tous les mots, en hommage à tous les preux et nobles chevaliers du peuple d’Espagne…

  14. @ Vince : je veux bien que vous me tuiez en duel, cher monsieur, comme dit Camus, un peu plus tôt un peu plus tard, ça ne change pas grand chose au fond. Mais ayez la gentillesse de me laisser écrire mon bouquin s’il vous plaît. J’ambitionne d’y introduire un motard, et je pense que Sagalovitsch ne s’en remettrait définitivement pas.

    @ Laurent : Vous entretenez de drôles de rapports avec votre bécane, vos clés USB… Vous songez sodomie lorsque vous brandissez votre clé ??? C’est intéressant… Si j’établis un lien avec le trouble qui semble vous saisir lorsque quelqu’un évoque l’image luisante et odoriférante d’un motard tout harnaché de cuir fauve, et bien je dirais… Non, rien, ça ne nous regarde pas au fond.

    Mais enfin, quand même….

    (PS : J’ai aussi trois clés, et j’imprime au fur et à mesure, l’avantage – le seul et bien maigre de bosser dans un bureau c’est qu’on peut allègrement profiter du matériel bureautique de son employeur, dont ces énormes imprimantes LaserJet qui vous crachent vos feuillets en dix seconde pour rien)

  15. Je trouve également cette histoire de clé sodomite un peu tirée par les cheveux… et bien sûr, contre tout tracas, il y a Mac.

  16. J’ai tellement la poisse, des fois je me dis que je serais capable de me cramer en essayant d’allumer une clope avec une plaque chauffante…

  17. J’aimerai comprendre, vous, Sophie K la fan du vinyl vous êtes en train de nous dire que vous ne peignez pas à l’aide d’un pinceau, de peinture et de papier? Déconnez pas.

  18. Une plaque électrique je voulais dire. Putain merde !

  19. il a vraiment une vie bizarre le Vince, des fois je me demande si il existe vraiment ou si c’est juste un bug de la matrice…

  20. au fait les Bordelois je vais bientot aller en vacances pas loin de vos terres et si vous aviez une ou deux bonnes adresses d’un bon rapport qualité/prix pour bien manger je suis preneur.

  21. @ rakam : je connais un mac do pas trop mal en banlieue, bon la vue n’est terrible car c’est à côté d’un terrain vague et il y a des odeurs qui remontent de temps en temps mais rien de méchant. J’y ai invité une copine un jour et franchement c’était bien cool (même si le lendemain elle m’a largué pour s’engager dans la légion étrangère, enfin bref… ah, les femmes !).

  22. @ Vince : Ca ne serait pas le Macdo des bassins à flot, coincé entre la base sous marine et Alfred Daney ? Sinon, il y a un superbe Buffalo Grill sur la rocade, sortie 16, Merignac Beutre. SI on a une fringale de moquette après, un esxcellent Mondial Moquette le jouxte.

  23. pfffff!!!!!
    je ne féliciterai pas Bordeaux quand ils gagneront la coupe de france 2033 des vétérants, nah!!

  24. @ rakam : Sérieusement, comme je ne vis plus à Bordeaux j’aurais du mal à vous conseiller un resto…
    @ Bernard : Buffalo Grill ? Vous me prenez pour un ministre ou quoi ?

  25. @Vince, excuse recevable
    bernard?

  26. j’aime bien la boîte à huîtres, cours du chapeau rouge, mais ça se boboise depuis que les parigots rachètent, le décor a des velléités de tirer vers le lounge, mais enfin les huîtres restent bonnes et pas encore aux prix de voleurs de la capitale (Où je me morfonds)

  27. Hé oh c’est pas le guide du routard ici !

  28. Non, ni le guide du Motard, avec votre mauvaise volonté…

  29. @ Nico : si si, toujours papiers crayons pinceaux au départ, mais beaucoup de Photoshop en plus pour certains trucs, donc scans et ajouts divers grâce à la magie informatique. J’aime bien bidouiller, quoi. 🙂

  30. (@ la bande de oufs de ce site, son auteur compris : heureusement que vous êtes là pour donner des fous rires à ceux qui, isolés comme moi au fond de leur cahute, loin de TOUT et enchaînés à leur table de travail jusqu’à PAS D’HEURE pour trois sous, vous lisent avec délice, le soir, avant de refermer leur paupières épuisées par ce monde cruel.)
    (soupir)

  31. Savez vous qu’en cas de perturbation électro magnétique majeure(éruption de vents solaires intense,guerre nucléaire),seuls de vulgaires CD seraient capables de garder vos précieuses informations,un de vos commentateurs cite d’ailleurs avec à propos Ravage de Barjavel.
    On se fout de moi avec ma collection de galettes en plastique mais si ça tombe,c’est moi qui ait raison…

  32. Ça fond pas, en cas de guerre nucléaire, les CD ?

  33. @Bernard, merci! tient ça me rappelle une émission mythique que je reverrais bien.
    @Laurent, vous ne faites pas encore d’article pour le guide du routard!?ça va venir ne vous inquiétez pas.
    @belle sophie, si j’arrache ne serait ce qu’un sourir par jour je suis comblé 🙂
    @Vince, …..non rien en fait.

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