Voilà.
Les vacances sont finies.
Le contrat a été signé, l’argent a été viré, la date de remise du manuscrit fixée.
Il n’y a plus qu’à.
A se mettre au travail.
A coucher sur le papier ce qui danse dans le cerveau depuis longtemps déjà.
Cet assemblage encore incertain d’idées, d’émotions, de sensations qui dessineront les contours du roman.
Cela semble simple.
Ça ne l’est pas.
Les jours passent et on retarde le moment de s’y mettre.
On a peur. Vraiment peur.
Comme avant de monter à bord d’un vaisseau fantôme.
On est transi d’angoisse.
De cette angoisse qui jour après jour vous paralyse et vous épuise.
On aimerait continuer à rêver à son roman.
A l’écrire mentalement.
A jongler sans contrainte avec les mots.
A jouer à imaginer le destin des personnages.
A détricoter à l’infini l’intrigue.
Un jour, on se dit demain c’est décidé je me lance.
J’ai déjà trop tardé.
Je dois me forcer.
Mais demain survient et l’on passe sa journée à s’éviter.
On s’invente mille et une occupations.
On repeint la cuisine. Le plafond de la salle de bains. La penderie du corridor.
On pense, c’est foutu.
Cette fois c’est certain je n’y arriverai pas.
Je n’ai pas l’énergie nécessaire pour revivre le cauchemar de la dernière fois.
Je n’ai pas la force d’être l’esclave de ce roman vorace qui durant deux longues années va me mettre au supplice.
Deux années où l’on ne cessera de penser à lui.
A chaque instant de notre vie recluse et monotone.
Sans jamais pouvoir s’accorder une seconde de répit.
D’une manière obsessionnelle.
Ce sera l’enfer.
On rêve d’une vie tranquille.
On songe à devenir facteur. Ou conducteur de bus. Ou alors fossoyeur municipal.
Partir le matin à son travail, à déjeuner avec ses collègues, rentrer le soir fourbu et éreinté.
Vidé.
On attend le déclic.
On change la disposition du bureau.
On achète un nouveau carnet. Un nouveau clavier. Un nouveau cahier.
Sur la première page, on marque la date du jour.
D’un coup on a la tête vide.
Pourtant hier encore on fourmillait d’idées.
Mais là rien ne vient.
Absolument rien.
Comme si l’esprit s’était mis à l’arrêt.
Avait pris congé.
Il ne faut pas forcer.
Ça va venir.
C’est toujours comme ça.
On devrait le savoir tout de même.
Après tout ce n’est pas comme si c’était la première fois.
Non.
C’est pire. Bien pire.
On ne peut se plaindre à personne.
On ne vous comprendrait pas.
Vous êtes seul.
Au pied de la montagne qui vous écrase de toute sa hauteur.
Au bord d’une piscine sans fond.
On y trempe son pied mais l’eau est glacée.
On ne veut pas plonger.
On le doit pourtant.
On ne sait rien faire d’autre.
Et puis un beau matin, sans trop savoir pourquoi, on s’installe devant son écran et on écrit une première phrase qui sonne comme le chant d’un nouveau départ.
La guerre est enfin déclarée.
Simplement juste !
Ça vaut ce que ça vaut mais bon courage.
Peu importe le support, la forme que prendront les mots. Avance de droits ou illusions de trouver un jour un éditeur, honnête si possible…je vois que l ‘angoisse est là. Les trucs et astuces maison pour la faire taire sont là aussi. La solitude du ressenti … et toujours la même solution : l’écriture comme un combat.
Bonne danse avec les mots 🙂
Finie la procrastination…
Fabuleusement vrai, même pour un illustrateur… Et finir ! Ah, finir, bon sang, ça aussi c’est pas évident. Je change la dispo de mon bureau pour finir un truc, en ce moment. Et j’ai songé à repeindre ma chambre. Et ma salle de bains.
@ Laurent et Sophie : Vous avez tout dit, camarades… Courage pour la traversée, là où on va, personne pour nous lancer une bouée.
PS : C’est votre bureau, la photo du haut ? Mais quel foutoir… Et la calculette ??? C’est pour calculer les faramineux DA que vous verse Actes Sud ? Et l’ampoule électrique ? Elle n’est même pas basse conso !
On aura pas l’air con avec nos iphones si une météorite géante radioactive nous tombe sur la gueule.
@Vince, ça résoudra le probleme de Laurent
j’en conclu donc qu’il n’y a même pas une appli contre la chute des météorite géantes radioactives….c’est nul en fait l’iphone.
J’ai entendu que la procrastination était un moyen de se mettre sous pression chez ceux qui ne peuvent être efficaces qu’en état d’urgences.
@Bernard et Laurent, il serait peut etre opportuniste de développer une appli contre le syndrome de la page blanche 🙂
🙂
@ Rakam : mais suis désolé, j’ai pas d’Iphone… la page blanche n’est pas non plus un problème, c’est facile de noircir du papier, la chierie c’est de trouver LA bonne entrée du labyrinthe, et prier ensuite très fort pour trouver la sortie !
C’est un peu comme faire le ménage.
Laurent, avez-vous pensé au taï-chi ?
On fait le vide dans sa tête en se concentrant sur sa respiration, son corps et ce qui nous entoure.
Le cerveau n’est qu’un traitre qui nous joue des tours, apprendre à le faire taire et les angoisses disparaissent progressivement.
Comme tout, on progresse par la pratique, régulière, en groupe et si possible en plein air (tout seul dans sa chambre, ça ne marche pas, du moins pour débuter).
Et dès les premières semaines, on sent la différence, perception, concentration, bienveillance, confiance en soi, tout devient plus simple et fluide…
bien à vous.
@ Saga : Ah parceque les mecs d’ Actes Sud, ils vous payent AVANT ? C’ est du propre.
@ Rakham: J’ avais raté les motardes de Dijon. Dans mes bras, mon frère….:-)
🙂
Vinnie s’ils me payaient après, ils ne me payeraient pas; C’est moi qui passerais à la caisse
2 ans pour pondre …
mauvaise poule.
Et bien Monsieur, d’abord je ne vois aucune raison d’haïr vos chroniques judicieuses et pertinentes, ensuite, celle-ci me bluffe. Je pense l’imprimer et l’afficher quelque part autour du miroir qui me fait face lorsque j’écris (je n’ai pas choisi cette configuration), sur ce bureau/instrument de torture mais aussi parfois de plaisir intense (ratio: 90/10).
Une remarque: vous êtes payé AVANT d’écrire le bouquin? Pas étonnant que ça traînasse…
Cordialement