C’était l’année dernière.
Pour fêter la remise de mon manuscrit et l’à -valoir l’accompagnant, je décidai de me congratuler sous la forme d’un présent qui clôturerait en fanfare cette année des plus fastes où j’avais éclaboussé de mon génie toujours inconnu les vastes champs de la pensée contemporaine.
Guilleret, je m’en allai siroter les arcades d’un centre commercial à même de satisfaire ma soif vorace d’un achat qui viendrait récompenser ce long cortège de mois passés en réclusion forcée, ces jours interminables où, claquemuré dans mon bureau, j’avais donné contenance aux fariboles valdinguant dans mon cerveau.
Evidemment je ne trouvai rien qui répondit à mes attentes.
L’idée d’acheter un téléphone portable capable de prendre ma température tout en me prédisant l’avenir ne me disait rien.
Je n’avais pas besoin d’un nouveau MP8. Ni d’une deuxième paire de chaussures. Et encore moins d’un troisième couscoussier.
Je me serais bien offert la discothèque complète de Dylan, de Brel ou des Smiths, mais les disquaires pointaient désormais au cimetière municipal.
Dépité, je songeai à m’offrir un tensiomètre de dernière génération capable d’enregistrer les moindres secousses de mon cÅ“ur palpitant d’angoisse, quand soudain surgit l’idée évidente que je devrais plutôt songer à prendre soin de mon corps délabré.
C’est que la vie d’un penseur éclairé comme moi provoque des ravages sanitaires incommensurables : une alimentation défaillante, une sédentarité acharnée, une consommation illimitée d’excipients en tout genre -antidépresseur, coca zéro, anxiolytiques- qui finissent par déboucher sur des crises hémorroïdaires à répétition elles-mêmes provoquant de douloureux élans arthritiques.
Refusant de m’inscrire dans une quelconque salle de sport où j’aurais passé le plus clair de mon temps à comprendre le fonctionnement de machines à remonter le corps, j’optai en toute sagesse pour l’achat d’un vélo d’appartement, seul engin capable de me réconcilier avec les joies de l’exercice physique.
Je me rabattis sur le moins onéreux et le plus simple d’utilisation.
Une selle, un cadre, un guidon à peine tarabiscoté, un pédalier et une roue avant.
Je l’installai dans mon bureau.
Il était rouge et noir.
La vendeuse adorablement cajoleuse me convainquit de l’absolue nécessité de m’acheter une montre capable de mesurer mon pouls afin d’être certain que je n’allais pas contraindre mon cÅ“ur à produire des efforts allant bien au-delà de sa capacité d’approvisionnement.
Mon médecin me donna son feu vert.
A condition de ne pas dépasser un seuil qu’il chiffra à 70 pour cent de ma fréquence cardiaque maximale. Vous devez être capable de parler pendant que vous pédalez, me dit-il.
J’acquiesçai tout en me disant intérieurement que je n’étais pas encore assez timbré pour prétendre à m’entretenir à haute voix tout en cavalant sur un vélo aussi d’appartement fut-il.
Je me procurai également quelques mignonettes d’eau minérale et un bananier géant.
Sans oublier une panoplie de serviettes à éponger.
Par une belle après-midi d’été, je partis en ballade.
Je n’allai pas bien loin.
Déjà parce que le vélo, malgré tous mes efforts, ne daignait pas bouger d’un centimètre de son emplacement initial, ce qui en soi n’avait rien d’étonnant, mais surtout parce qu’au bout de deux minutes trente pendant lesquelles ma montre magique m’indiqua que mon cÅ“ur avait tambouriné à 333 pulsions minutes, je sombrai dans un désespoir sans fond.
Je ne comprenais pas ce que je foutais là , arc-bouté sur ce vélo manchot, affairé à mouliner sur un pédalier récalcitrant, enregardant d’un air hagard une roue en acier tournant sur elle-même en une lente et poussive procession, le tout dans l’espace confiné d’une pièce où d’habitude je galopais sur les vastes prairies de mon inspiration enchantée.
Je pensais espérance de vie, je pensais victoire sur le cancer, je pensais ma prostate vivra, je pensais je suis éternel, je pensais un esprit sain dans un corps sain, je pensais exploits répétés dans le lit, je pensais je vais manger sainement, je pensais salade, haricots verts, viandes blanches, mais surtout je pensais je vais abdiquer, je vais arrêter sur-le-champ ce simulacre d’autoglorification de mon corps et attendre, au bord de mon bureau, le passage de la voiture balai.
En fait je pensais trop.
Je découvris ce jour-là que la pensée est l’ennemi du sportif en chambre.
C’était là le grand secret.
Pour se maintenir en forme, il ne faut jamais se penser en train de se maintenir en forme.
C’est ainsi que quatre fois par semaine je me retrouve à crapahuter sur mon vélo immobile.
Pour me tenir compagnie, je peux compter sur le fidèle soutien d’Yves Calvi qui désormais pédale à mes côtés.
Enfin plus exactement sur l’écran de mon ordinateur où je visionne captivé les rediffusions de C’est dans l’air.
Je n’ai toujours pas compris le pourquoi du comment de la question de la dette ou le but de l’intervention au Mali mais c’est sans importance.
Je crois que je suis en train de devenir immortel.
Tsss… mais vous ne pouviez pas seulement vous acheter une bicyclette, et aller rouler dans les parages de Vancouver, le vent jouant dans vos cheveux fous ?
Le vélo d’appartement doit être, sans doute avec la machine à pain, l’objet dont le rapport entre le nombre de jours d’utilisation fantasmé et le nombre de jours d’utilisation réel est le plus élevé qui soit.
Essayez le comme support à pôt de fleur ou comme séchoir à linge !
vas s’y poupou!!
A propos de sa longevité, W. Churchill disait : ” le sport ! Jamais de sport.”
Le blabla incessant des journalistes politique est au journalisme ce que la musique militaire est à la véritable musique. C’est pas de moi mais j’avais envie!
Le plus étonnant dans tout ça est que vous ayez pu penser un instant que vous utiliseriez l’engin en question. D’ailleurs, c’est à se demander s’il faut vous croire ou si ce billet n’est pas le moyen que vous avez trouvé d’écrire celui sur les deux-roues tant réclamé, tout en ayant l’air de ne pas l’avoir fait. Une belle Simonade !
Non, mais plus j’y pense, Laurent sur un vélo d’appartement, sa serviette autour du cou, en survêt, et le dernier épisode des Feux de l’Amour en Streaming…. Si Fitzgerald ou Faulkner vous voyaient, mon ami…
J’assume !
je crois que je suis amoureuse du titre de cet article qui à chaque fois me mets en joie…sa lecture aussi d’ailleurs
A ce point là bustydoll ?!
Du papier hygiéniste au mytho d’appartement il n’y a qu’un trait de crayon. Il m’est arrivé d’oublier du temps dans la piscine abandonnée d’un camping hanté par des renards voleurs de sandwich. De griffer sa surface immaculée du bout d’un ongle d’orteil, d’ébranler l’eau, de la repousser, de s’y appuyer sans jamais vraiment pouvoir agripper cette matière insaisissable, comme un retour à la source d’un passé impalpable, une quette metaphysique infinie. Puis vient le temps du séchage à l’ombre de la fumée appre d’un pétard pas avare qui deglobulise les yeux javellisés, bercé par les douces basses d’un Dub qui frisent la surface redevenue d’un calme immaculé comme si tout recommencait, comme si rien n’arrivait, inexorablement. Il y a tout un tas de jolies piscines où il n’est pas toujours facile de faire abstraction des têtards environnants. Un jour j’irais goûter l’herbe australienne. http://www.slate.fr/story/34199/sydney-natation
@ nico pedia : attention de bien vérifier qu’il y a de l’eau dans la piscine avant de plonger, hein !
ca ne m etonne pas
le sport justifie une orthographe défaillante et une syntaxe
approximative de footballeur.
Il faut voir le vélo d’appartement comme un moyen de substitution. Vous allez dehors profiter du beau temps et quand le temps est exécrable, le vélo d’appartement vous sera utile pour entretenir la forme. Le prendre pliable permet de pas prendre de place. Ca permet aussi à des gens de se rééduquer ou aux personnes âgées de faire du sport sans les risques de le faire en extérieur. Bref il y a toujours des points positifs.
Hello,
J’ai bien aimé lire ton article ! 😀
En passant, si le vélo d’appartement ne te plait pas autant que ça, tu peux toujours utiliser d’autres appareils de fitness. Tu as le choix entre les sacs de frappe, les barres de traction, et tout plein d’autres appareils. En tout cas, ne baisse pas les bras. Bon courage !