Votre éditeur vous a dit, tu viens et tu ne discutes pas.
Et comme vous ne pouvez rien lui refuser vu qu’il s’obstine à publier vos romans qui ne rencontrent qu’un pudique succès d’estime, vous obtempérez.
Vous débarquez par une soirée chagrine d’automne Porte de Versailles.
Il y a là un monde fou qui se déverse des trams, des bus, des bouches du métro : c’est la foule des grands soirs venue assister en grande pompe à la soirée d’inauguration du salon du livre, la soirée où il faut être, pour voir, pour être vu, pour revendiquer le droit de se prétendre comme un des acteurs essentiels de la flamboyante vie littéraire des lettres hexagonales.
On vous demande votre invitation, vous la tendez et vous pénétrez dans le hall des expositions là où il y encore deux semaines des bestiaux se réunissaient en conclave pour s’échanger des nouvelles au sujet de leurs conditions de vie dans leurs étables provinciales tout en se faisant tapoter le cul par des mains avides de retrouver l’odeur de la terre qui jamais ne ment.
C’est immense.
Au plafond voltigent des étendards géants de prestigieuses maisons d’éditions. Vous cherchez la vôtre. Vous ne la trouvez pas.
Vous allez hagard de couloirs en coursives, d’allées encombrées en avenues longues comme des corridors d’aéroport, vous croisez des visages familiers qui ne vous reconnaissent pas, vous commencez à vous demander ce que vous faîtes là.
Vous tombez en arrêt devant des stands qui reflètent toute la puissance et la richesse de la pensée française : les Editions de l’Arbre Vengeur, les Editions Lunatiques, les Editions du Porte du Large, les Editions Les Doigts qui Rêvent, les Editions de la Lieutenance.
Finalement une âme charitable vous conduit à votre port d’attache.
On vous présente des gens qui sont ravis de vous rencontrer.
Vous échangez des amabilités qui sonnent à vos oreilles comme des manifestations de votre propre imbécilité. Vous décidez d’adopter un sourire béat et ahuri pour donner le change. Vous avez chaud. Vous avez soif. Vous avez faim.
Il y a bien un buffet mais le temps que vous arrivez à l’approcher il ne reste plus que des miettes de petits fours et des cercueils d’amuse-bouche.
Vous partez à la recherche de vos livres, après tout il paraît que vous êtes écrivain, vous fouillez dans les présentoirs où s’amoncèlent des quantités pharaoniques de livres, des pièces montées de beaux livres, des cavalcades de polars, de bandes dessinées, de livres pour moutards.
Vous ne le trouvez pas.
Vous êtes pris de vertige.
Vous vous asseyez un moment.
Vous réalisez que vous n’êtes qu’un parmi des milliers. Un infime maillon de la chaîne. Vous commencez à rêver à des autodafés éclatants. Vous fouillez vos poches à la recherche d’un briquet salvateur. Vous pensez immolation, pendaison, strangulation.
Vous partez faire un tour du propriétaire.
Les stands croulent de monde. Les discussions vont bon train. A voir les chiffres de mévente de votre dernière œuvre, vous ne vous doutiez pas qu’il pouvait exister un tel monde qui œuvrait à la perpétuation de la littérature française.
Des maisons d’éditions cotées au CAC 40 proposent du champagne millésimé mais un cerbère posté à l’entrée du réfectoire vous empêche d’y accéder.
Soudain, un attroupement se forme, une marée de micros batifolent au-dessus d’un parterre de courtisans qui glapissent de joie d’apercevoir celui qui est la cause de tout ce remue-ménage.
C’est notre président, l’homme qui avoue ne jamais lire de romans.
Vous faites demi-tour.
Vous êtes fatigués.
Vous trouvez refuge sur les marches du palais.
Et en voyant toute cette foule grouillante et jacassante, sans trop savoir pourquoi, vous pensez à Scott Fitzgerald, à ce jour où son cercueil s’enfonça dans le ventre de la terre sans que personne, absolument personne ne vienne lui dire un dernier au-revoir…
C’est bien gentil de faire de la Roumanie l’invité d’honneur du salon, mais si personne ne pense à envoyer à ses écrivains des billets d’avion, comment est-ce qu’ils vont faire ? Prendre le bus ? Alors c’est vrai que les roumains sont habitués à voyager, mais quand même ! Et c’est dommage car pour les loger, les camps de roms qui n’affichent pas complet auraient bien pu les aider. Je constate une fois de plus le fossé qui sépare l’intelligentsia parisienne des préoccupations quotidiennes des pauvres gens. Où est le respect ?
Mon pseudo sur ce site, choisi je ne sais plus pourquoi mais en en hommage à ce pauvre Scott Fitzgerald, ce fut son premier roman, celui dont le succès immédiat lui permis d’épouser Zelda, aurait en effet pu aussi mal être “L’enfer du paradis”, un bel oxymoron qui vaut bien “Salon du livre”.
Courage, Saga, lisons, même à l’Enfer de la BN, ou, à l’envers, Oz (Amos, le magicien) dans le texte.
Même si : “Combien de siècles faudra-t-il encore, avant qu’une nouvelle génération … finisse par comprendre qu’un homme n’est vulnérable que si l’on touche à son orgueil ?” (Tendre est la nuit)
Bon perso je ne vais pas dans le 15ème – je suis un gars du nord- surtout s’il y a une “foule”, jamais trop été mon truc ce machin. Je m’étais mis La fêlure de côté, je sais ce qu’il me reste à faire. Bon courage.
En tout cas, il y a une charmante libraire qui vient de Niort sur votre stand, et plaignez-vous, vous êtes tout proche de la porte pour aller respirer.
Décidement l’air de la France ne vous convient plus, filez retrouver l’air frais du Canada, vous me fichez le bourdon.
Les marches du palais, mais bien sûr !
Aux marches du palais.
Aux marches du palais.
Y a une tant belle fille, Lonla,
Y a une tant belle fille.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Aux_marches_du_palais
( au cas vous ne vous souveniez pas de toutes les paroles, absurdes et réconfortantes!)
Y a pire quand même…Y a l’ Raymond, ben y va finir en Marcel au fond du placard….vous êtes chanceux, vous !
Y’a des gens qui souffrent encore plus dans les salons du livre et de la presse: les dessinateurs de bandes dessinées..
Cela dit, j’imagine le vertige que cela doit être d’avoir écrit un livre et de voir des milliers d’autres exposés dans l’indifférence générale.
J’me d’mandais c’que v´nait foutre Camus dans st´histoire? Serillon n’y change rien la com. de Hollande est vraiment à chier.
Pas vu le prez, mais je l’ai plaint, comme j’ai plaint tous les people : pas moyen de faire un pas sans avoir, scotchée à vous comme un essaim de mauvaises guêpes, une monstrueuse grappe de barbus grisonnants, de costauds à oreillettes, de journalistes à questions idiotes et de grosses dames énamourées qui vous photographient sur leurs portables, tous habillés en parkas sombres et avec de gros sacs kaki sur le dos, tous ruisselant de sueur, tous postillonnant des trucs incompréhensibles, tous vous pompant l’air dans ce hangar où il fait déjà 40°. Vous faites un mètre, et la marmelade, brouillonne et entêtée, se bouscule en ronchonnant puis se reforme, vous empêchant de voir ou d’entendre quoi que ce soit… Horrible.
Si je puis ajouter à votre pudeur: vous me faites rêver, Laurent Sagalovitsch. Je n’ai ni les moyens de me joindre à la grand messe, ni ceux de lire, pourtant, je vous lis.
Mais vous n’en savez rien, et tant mieux: vos grandes discussions avec vous même font de moi une voyeuse heureuse !
Arrêtez vous me faites rougir