Vertige de l’égo

Selon d’éminents professionnels de la profession qui se sont réunis en conclave dans le soubassement d’une synagogue désaffectée, le plus grand film de tous les temps depuis l’invention du septième art se nomme désormais Vertigo de Monsieur Alfred Hitchcock.
Pourquoi pas ?

Pour une raison mystérieuse que les exégètes exigeants attribueront au fait que nous vivons dans une époque vertigineuse ou que la coupe de cheveux de James Stewart correspond mieux aux canons de la beauté masculine contemporaine ou que les nichons de Kim Novak valent bien toutes les récompenses au monde ou que San Francisco est décidément une ville super chouette, il a supplanté Citizen Kane qui jusque-là paradait en tête du palmarès.

Ces classements à répétition qui s’ingénient à répertorier les cent plus grands films, livres, chansons, tartes aux citrons meringuées, soupes aux choux, de tous les temps sont évidemment d’une crétinerie sans nom.

Au nom de quoi peut-on prétendre que tel film mérite d’être considéré à tout jamais comme le plus grand long métrage jamais réalisé ? Comme s’il agissait de mesurer la plus grosse citrouille jamais éclose ou de décerner le titre de l’escargot le plus rapide au monde ou de remettre les palmes académiques au prêtre auteur du plus grand nombre de défloraisons d’orphelins nés dans le Sussex.

Que Vertigo soit un grand film, c’est entendu. Et Citizen Kane aussi. Et Mullohand Drive de même. Et Oscar aussi. Si, si. Et Les feux de la rampe. Et Sur les quais. Et le Parrain.
Et Manhattan. Et A bout de souffle. Et Rio Bravo. Et Les Gendarmes et les gendarmettes. Et La Mélancolie d’un berger de campagne. Et Le soleil ne ment jamais deux fois. Et Laurent de Mongolie. Et Le Premier des irritants. Et Les Ailes de la routine.

Mais affirmer que l’un d’entre eux supplante tous les autres s’apparente à une escroquerie intellectuelle de haut vol. D’une vanité folle. D’une  insolente crânerie. Un exercice en tout point puéril et vain, digne d’une cour de récréation où des écoliers prépubères s’entendent à supputer la professeure la plus douée dans l’enroulement de sa langue autour d’un bâton à la réglisse.

On pourrait s’entendre à dresser un classement des cents films les plus marquants de l’histoire du cinéma sans pour autant s’essayer à les départager, en s’accordant sur le fait qu’ils constituent une liste non-exhaustive des films qui par leur audace, leur créativité, leur poésie, s’imposent comme des oeuvres marquantes, indissociables de l’art qu’ils représentent.

Sans nul besoin de les affubler d’une quelconque place protocolaire. Sans les affubler d’une chasuble avec un numéro inscrit dans le dos.

Il n’y a pas de premier dans l’art, ils n’existent que des ex-aequo.

 

19 commentaires pour “Vertige de l’égo”

  1. N’importe quoi, oui.
    C’est l’effet JO. Tout le monde veut décerner des médailles à n’importe quoi, des légions d’honneur à n’importe qui, des palmes d’or, des couronnes de lauriers, des croix, des tableaux d’honneur, des colliers, des rubans, des prix, des primes et des pouces levés.
    Pffffououououhhh…

  2. @ Sophie K : mais vous le savez bien la compétition il n’y a que ça de vrai ! Aimer quelque chose simplement parce qu’on est touché et ce même si la valeur artistique de la chose ne fait pas l’unanimité c’est d’un ringard :o)

  3. @ isisse : 😀
    Voui.
    Ah là là.

  4. Je crois que l’humanité recommencera à évoluer un peu au moment où elle ne comparera ni ne classera plus.
    (C’est pas gagné.)

  5. ah!vous employez tout même le terme “gagné” comme quoi 🙂

  6. @ Rakam the red : on peut aussi gagner l’amour de quelqu’un, son respect sans qu’il soit besoin d’une compétition ou d’argent, ce gain là je vote pour (gagner + vote dans la même phrase…) :o)

  7. tout a fait, on peut employer également le mot “mériter” et ça marche aussi.c’était juste pour faire remarquer que l’homme (ou la femme aussi, je l’ai échapé belle je pense :)) à, souvent inconsciement, la compétition dans ses genes.est ce un mal?bonne question.

  8. je ne sais pas si c’est un mal, un brin d’émulation ne nuit pas, mais c’est comme pour toute chose, il ne faut pas en abuser. La compétition à outrance, le “c’est moi le/la meilleur(e) ça ne me parle pas, l’avantage c’est que quand je perds au Scrabble je ne fais pas de caprice 🙂

  9. en léger progrès.

    bientot un post pour ou contre le père noël, la peine de mort, to be antisémite or not, … les classements et les prix.

    sinon pour la rentrée : les salaires des cadres ou critique des hebdos titrant sur les salaires des cadres.

    allez, plus de mordant, de chair, de tripes.

    ps: les dépressifs ont découvert les smileys !

  10. “On pourrait s’entendre à dresser un classement des cents films les plus marquants de l’histoire du cinéma” le problème resterait le même, pourquoi ces 100 là et pas des autres? Ce sera toujours sujet à controverse. Dans tous les cas les classements vous savez à quoi ça sert? A faire parler les bavards pardi!

  11. C’est sur que faire le top 100 des meilleurs commentaires serait autrement moins subjectif…

  12. un post sur Mr jourdan? :”la critique pour les nuls”
    @nico : y a des critères pour les choisir je pense, enfin j’espère

  13. et oui je confirme,ça fait parler les bavards

  14. @ Isisse et Rakam : :0)
    Finalement, après y avoir réfléchi, la seule chose que j’aime gagner, c’est mon lit, en fait.

  15. d’accord avec l’idée de Sophie, l’Homme pourrait bien s’éteindre dans sa forme quasi primitive

  16. Un peu d’accord avec la suppression des notes. J’ai lu récemment dans Le Monde un article à ce sujet : “La suppression des notes imposerait un changement de paradigme à l’école.” Tout un programme. http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/06/la-suppression-des-notes-imposerait-un-changement-de-paradigme-a-l-ecole_1730415_3232.html Mais comme le dit M. Frodon sur Slate les listes c’est “utile” et pas que pour faire parler les bavards. : http://www.slate.fr/story/57459/liste-meilleurs-films J’ai noté dans un rapide calcul que 20% des films de la liste sus nommée sont sorties entre les années 20 et 40. 70% de 50 à 70 et 10% à partir de 80. Conclusion être critique de cinéma de nos jours semble des plus ennuyeux.

  17. Suppression des notes ou des classements ?
    Comment pourrions alors savoir que ce sera toujours mieux avant plus tard ?
    Et pourquoi n’y a t’il p

  18. …as de conditionnel futur ?

  19. N’est-ce pas le propre de l’homme de classer, ranger, établir le meilleur ? Et cela pour tout. On parle ici d’art, de cinématographie. Ca marche aussi pour les peuples, les cutures, les pays… Pas de scrupules à marcher sur plus petit que soi, comme ça. C’était bien l’idéologie d’Hitler, une race au-dessus d’une autre (point Sagawind atteint).

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