«L’Institutrice» de Nadav Lapid, éloge de l’intranquillité

institutrice-filmL’Institutrice de Nadav Lapid, avec Sarit Larry, Avi Shnaidman, Lior Raz. Sortie: 10 septembre 2014 | Durée: 2h

Ce fut, hors compétition officielle, un des films les plus remarqués au dernier Festival de Cannes, et à juste titre. Deuxième long métrage du singulier et talentueux réalisateur israélien Nadav Lapid, après Le Policier qui avait déjà attiré l’attention, ce film propose à ses spectateurs une expérience constamment vivante, tendue, déstabilisante mais sur un mode qui ne cesse de susciter de nouvelles questions, d’ouvrir de nouvelles propositions.

Il accompagne l’itinéraire de Nira, l’institutrice du titre, qui officie dans une maternelle de Tel-Aviv. Entre son école, où elle s’investit beaucoup, et son couple qui ronronne mollement, Nira fréquente un club de poésie, à la recherche d’un épanouissement personnel, d’un contact avec quelque chose de plus que les routines, ni sinistres ni passionnantes, qui composent son quotidien.

Et déjà il apparaît que le réalisateur, en assemblant des images et des situations de tous les jours, met en place un rapport au monde plus complexe, plus habité de flux divergents sinon contradictoires, que la quasi-totalité des fictions réalistes dont est capable le cinéma –sans parler de la télévision.

En quelques séquences où rien de décisif ne semble advenir, Nadav Lapid met en place un monde traversé de multiples tensions, capable du plus banal comme d’on ne sait quels dérapages.

Mais voilà que Nira s’avise qu’un des gamins de 5 ans dont elle s’occupe invente des poèmes d’une étonnante maturité et d’une grande puissance expressive. Sans crier gare, le petit Yoav se met soudain à dire à haute voix des phrases à la fois mystérieuses et précises, dans un langage qu’il peut connaître mais invoquant une complexité du monde et des sentiments qu’on n’attribue pas d’ordinaire à un enfant de son âge.

Là s’enclenche une série d’événements qu’il n’est pas utile de détailler ici, mais qui vont engendrer un récit à rebondissements, aussi inattendus que tour à tour émouvants et inquiétants autour de ce tandem paradoxal constitué de la maîtresse et de l’enfant, tout en rendant sensibles de multiples aspects, parmi les plus troubles et les plus violents de la société contemporaine. La «société contemporaine» étant ici pour une part la société israélienne dans ses spécificités, et pour une part celle des classes moyennes occidentales de manière bien plus large.

Sans que cela semble jamais forcé, Lapid ne cesse de déplacer les manières de filmer, les distances entre ses protagonistes, et entre eux et sa caméra. Parfois sèchement observatrice, parfois lyrique, elle devient par instant un protagoniste du récit, lorsque les enfants s’en approchent jusqu’à toucher l’objectif. (…)

LIRE LA SUITE

lire le billet