1596 cm3 exactement. C’est tout petit. C’est le volume du coffret qui, pour la première fois, rend accessible l’intégrale des films d’Andrei Tarkovski. C’est énorme. Sept longs métrages seulement en un quart de siècle, de L’Enfance d’Ivan (1962) au Sacrifice (1986), mais une œuvre immense, à explorer sans fin. Le petit nombre de films raconte un peu de l’histoire, ils disent l’infinie difficulté pour faire exister chacun de ces êtres géants et fragiles.
Le coffret comporte également de nombreux documents, une présentation de chaque film par le critique Pierre Murat, un portrait réalisé par un jeune Russe élevé aux Etats-Unis, Dmitry Trakosky, et les courts métrages tournés dans les années 1950. On y trouve aussi une sorte de journal filmé pendant un voyage de repérage avec le scénariste de Nostalghia, Tonino Guerra, qui est surtout un beau dialogue entre les deux artistes, Tempo di Viaggio. C’est très utile et judicieux. Il faut bien dire que cela fait pâle figure, ou plutôt n’appartient pas au même registre, à la même dimension.
Les films de Tarkovski sont des dragons, immenses et fascinants, mais pas à leur place dans ce monde. Le Sacrifice, au Festival de Cannes, on croirait peut-être qu’alors la place essentielle de son auteur était enfin acquise. Mais la projection de presse s’était achevée devant une salle presqu’entièrement vide, que des rangs entiers de gougnafiers accrédités journalistes de cinéma quittaient en faisant exprès claquer les fauteuils. Honte éternelle sur ces pisse-copie qui se nourrissent du cinéma sans l’aimer (il y a, hélas, bien d’autres exemples).
Le mois suivant, le rédacteur en chef d’un célèbre magazine de cinéma signait un éditorial qui disait en substance «il paraît que Tarkovski est très malade, vivement qu’il meure et cesse de nous casser les pieds». Ce type-là, dont il vaut mieux oublier le nom, est aujourd’hui un réalisateur à succès du cinéma français dans ce qu’il a de plus médiocre et de plus prospère. Il a été exaucé, Tarkovski est mort, du cancer qui le rongeait, d’épuisement au terme d’une vie de combat incessant.
Il est mort le 28 décembre de cette même année 1986. Il avait 54 ans. On le voit dans le film bouleversant que lui a consacré Chris Marker, Une journée d’Andreï Arsenevitch, tourné en janvier 1986. Malgré la tignasse et la moustache très noires, il a un visage…
Lors de la projection de Soudain le vide de G. Noe, pire, pendant le noir, signifiant la mort/passage/ventre, les professionnels, dans la salle, comble, se lèvent, pensant que le film était finis, honte, main sur la tête pour ne pas avoir de trop mauvaise pensé, chuchotant quelques sortilèges, j’en suis encore attristé.
Il y a, hélas, tant d’autres exemples. Un des plus choquants, pour moi, reste le contraste entre la salle du Festival se vidant pendant les projections de Manoel de Oliveira et l’ovation que cette même salle a réservé au cinéaste… parce qu’il est toujours là à 100 ans (de même que cela lui vaut une récompense qui n’a jamais été attribuée à aucun de ses films). Le cher Manoel ne s’était pas gêné pour en relever l’ironie.
Magnifique article. Tarkovski est mon cinéaste préféré. Je me demande toujours pourquoi, alors qu’il présente, comme vous le dites, une matière visuelle si concrète, si réelle, si délimitée dans le temps, le public et surtout ses collègues réalisateurs le snobent. Godard, par exemple, le cite très rarement dans ses histoires du cinéma. Lars Von Trier cite parfois le Miroir, mais plus pour louer son côté vertigineux que son message.
Hi Jean Michel, yes this article is very pressing for me. Dec.28 th is always a tragic date for the film people. we Keralaits always has a great space for Andri Tarkovsky….same as Bresson, Godard and some others..!
u are correct “There are unfortunately many other examples. valsalan