Ligue 1, c’était la dernière séance…

Le slip n’est plus à la mode en Ligue 1

La Ligue 1 nous quitte pour deux mois avec cette image de Louis Nicollin coiffé comme un vulgaire Rémi Cabella. Deux mois durant lesquels on va pouvoir parler foot et droits de l’homme, grâce à l’Euro ukraino-polonais, et foot et grands espoirs, grâce aux Jeux de Londres. En attendant de voir le PSG qatari entamer son règne la saison prochaine, on a bien profité de la dernière soirée du cru 2011-2012. Morceaux choisis.

L’émergence d’une classe moyenne

C’est peut-être la fin d’une regrettable exception française: le roulement incessant des clubs en tête du championnat. Longtemps, la Ligue 1 s’est caractérisée par son absence globale de hiérarchie, des clubs soi-disant grands dépassés par des petits: tantôt Lens, tantôt Metz, tantôt Auxerre, tantôt Sedan, tantôt Troyes, tantôt Nancy venaient s’incruster dans le haut de tableau, chiper une place en Europa League, voire arracher un billet pour le tour préliminaire de la Ligue des champions. Bien sûr, ces équipes avaient gagné leur place sur le terrain. Aucun problème la-dessus, seulement, après des saisons d’exception pour des collectifs somme toute moyens, les lendemains déchantaient souvent, et le passage par la coupe de l’Uefa tournait à la farce. Sans oublier les plantages domestiques. Voyez Auxerre, 3e il y a deux ans, relégué aujourd’hui.

Voyez Troyes et Sedan, fauteurs de trouble il y a dix ans et qui n’ont pas pu, ou su, construire. Cette année, la 5e place valant ticket européen s’est jouée entre Bordeaux, Saint-Etienne, Rennes et Toulouse. Des clubs qui se sont stabilisés dans la première partie de tableau – Toulouse et Rennes – ou qui sont en train de le faire, comme les Verts, et Bordeaux, en reconstruction. L’émergence de cette “deuxième” classe est une bonne nouvelle pour le foot français. Des clubs qui auront comme ambition de titiller les grosses cylindrées, OM, OL, PSG, avec comme rêve de jouer l’Europe chaque année. Ce sera un bon moyen de garder de bons joueurs en Ligue 1, et d’instiller une concurrence relevée sur le moyen terme. Montpellier, s’il évite la gueule de bois post-titre en gardant son ossature, pourra aussi prétendre à ce rang. Cette construction de plusieurs clubs “à la lilloise”, sur plusieurs saisons, autour d’entraîneurs installés (Gillot, Casanova…) donne beaucoup plus de pérennité et de sérieux à la L1.

A la fin, c’est le méchant qui descend

La morale est presque sauve. Des trois relégués cette saison, deux figuraient dans notre short list des préposés à la descente. Auxerre et son trio de papis gâteux, Dijon et son président adepte du tir ami. On aurait bien aimé que Brest ou Evian-Thonon Gaillard complètent la charrette, c’est malheureusement le Stade Malherbe de Caen qui devra regoûter aux joies de la Ligue 2 l’an prochain. On s’explique. Dans nos coeurs d’enfants qui refusent de voir que le sport n’a rien à voir avec la morale, on ne rêve que d’une chose: que les méchants soient punis. Et les bad guys pullulent en Ligue 1. Dans l’Yonne, les putschistes Bourgoin-Hamel-Roux ont fait les kékés en début de saison, en affirmant jouer la qualification en Ligue des champions. Le tout en laissant pourtant partir des tauliers comme Pedretti, Jelen et Mignot. Neuf mois plus tard, le plus vieux pensionnaire de l’élite est dernier du championnat, après avoir viré son coach en cours de saison, non sans lui avoir consciencieusement chié dans les bottes auparavant.

Le même schéma a peu ou prou été adopté à Dijon. Patrice Carteron, qui avait plutôt bien mené sa barque jusqu’au printemps, est alors pris pour cible par son président Bernard Gnecchi. Ce dernier fustige “la trop grande emprise” qu’aurait le fasciathérapeute, un proche de Carteron, sur le groupe. Résultat: une ambiance bien pourrie, une descente, et un départ probable des deux protagonistes. On avait également mis une pièce sur Evian, qui n’avait rien trouvé de mieux que de virer Bernard Casoni, l’homme des deux montées successives, pour le remplacer par le bétonneur Correa. Ça sera pour l’an prochain, espérons-le. Quant à Brest, il s’en est fallu de peu pour que pétage de plombs du président Guyot, qui a dégagé Sir Alex Dupont comme un malpropre, n’ait aucun effet. Corentin Martins a maintenu les Bretons in extremis. Dommage donc pour Caen, qui continue son bonhomme de chemin avec Franck Dumas depuis 2005, mais finit 18ème et premier relégué. Bravo à Ajaccio, qui a maintenu son coach Olivier Pantaloni toute la saison, et a fini par arracher son maintien avec deux bouts de ficelle. Quant à Sochaux, soyons de mauvaise foi: virer Mécha Bazdarevic était le seul acte sensé. Le Bosnien est excellent en Ligue 2, limité en Ligue 1. Et puis voir que Boudebouz et Martin se sont arrachés pour laisser leur club formateur dans l’élite, ça fait plaisir.

Quelle est la différence entre un garde mobile et un CRS?

Dimanche soir, à Auxerre, c’était amusant. Logiquement, les ultras ont protesté tout le match contre leur équipe, contre la relégation, contre les dirigeants. Comme souvent lorsqu’un club historique descend alors que ce n’est pas son habitude, ils ont voulu partir en beauté, en mettant le dawa. La police arrive donc et commence l’évacuation du bas de la tribune, en fin de match. Sur France Inter, un homme parle de CRS, l’increvable Jacques Vendroux le répète, l’homme revient, l’interrompt et lui dit, “excusez-moi Jacques, mais en fait ce sont plutôt des gardes mobiles”. Il est tard, les autres matchs sont finis, pour Jacques Vendroux, on ne va pas s’embêter avec ça: “A 100 mètres sur la gauche, c’est difficile de voir si c’est des CRS ou des gardes mobiles, ils ont presque le même uniforme”. Tous les mêmes, hein. C’est la violence légitime contre le supporter illégitime, les détails, on s’en fout.

Mais, au fait, comme on s’en fout vraiment, quelle est la différence entre les deux ?

CRS (ministère de l’Intérieur): «Les compagnies républicaines de sécurité sont des “unités mobiles formant la réserve générale de la police nationale”. Créées à la Libération pour contribuer au rétablissement de la légalité républicaine, elles ont été ensuite largement engagées lors des grèves insurrectionnelles de 1947-1948, puis de 1952 à 1962, pour le maintien de l’ordre dans les départements d’Algérie».

Garde nationale mobile (Wikipédia): «La Garde nationale mobile, appelée les Mobiles, en abrégé, et Les Moblots familièrement fut créée par la loi du 1er février 1868 afin de concourir comme auxiliaire de l’armée active à la défense des places fortes, villes, côtes, frontières de l’Empire, et du maintien de l’ordre intérieur».

Soit on a mal entendu, soit le match s’est déroulé en 1870.

[PS: ou alors le journaliste voulait dire “gendarmerie mobile“, mais il semble qu’effectivement il s’agissait de CRS. On en revient à l’analyse de départ: tous les mêmes.]

Supporters vs Reste du monde

Ulcérés par la mauvaise gestion du club, et sa relégation, les supporters de l’AJA ont fait péter des fumigènes à plusieurs reprises, entraînant par deux fois l’arrêt temporaire de la rencontre. Ces évènements ont entraîné une foule de commentaires acerbes, cyniques et méprisants de la part des commentateurs de Canal +. “Peut-on vraiment les appeler des supporters?”; “Une foule est toujours bête.” Des commentaires qui rappelaient l’inoubliable interview d’un ouvrier en colère par David Pujadas. Pour mémoire, le journaliste demandait à l’ouvrier à deux doigts du licenciement s’il regrettait les dégradations suite aux manifestations. Dans ce cas, comme dans celui d’Auxerre, les commentateurs minimisent la souffrance des ouvriers ou des supporters. Le présupposé de Mathoux et Pujadas est que le préjudice subi ne justifie pas un quelques dizaines de minutes de retard sur un match de football dans un cas, ou des manifestations violentes dans l’autre. Se pose alors la sempiternelle question: le club appartient-il plus à ses dirigeants, ses joueurs ou ses supporters ? La vérité est certainement un mélange des trois, mais dans les faits, les seuls n’ayant aucun poids sur la destinée du club sont les supporters… Dès lors, ils expriment leur frustration de “vouloir sans pouvoir” par des actions coup de poing, seule méthode leur permettant d’être médiatisés.

Dans un système de socios, à l’espagnole, où les supporters sont aussi actionnaires du club, les débordements de colère sont moins violents car les supporters sont solidaires des décisions. Les évènements de dimanche viennent d’un manque de considération des tribunes et non de la bêtise supposée de ses membres. Ils se permettent de pourrir la rencontre parce qu’ils ne se sentent plus responsables du club. Au fond, leur révolte n’est pas si grave que cela. Les mecs en costard du CFC étaient clairement embêtés par le retard pris sur leur grille de programmation. La chaîne à péage veut offrir à ses abonnés un spectacle en direct, avec de l’émotion, mais calibré pour entrer dans les cases. Dans ce cadre, le rôle des supporters est de permettre de belles images en tribunes et d’assurer le bruit de fond. Un peu comme le public en plateau, on lui renie son droit à la critique, à la prise d’initiative. Il est là pour faire joli. Heureusement, l’aseptisation forcée ne marche pas toujours. Parfois, l’acteur à qui on a confié un rôle sort de la mise en scène prévue et improvise. C’est ça, le spectacle vivant. Laisser aux uns et aux autres la liberté de réagir en fonction des évènements. Et c’est beau.

L’équipe de Plat du pied, sécurité

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Photos: Reuters et CRDP Strasbourg

7 commentaires pour “Ligue 1, c’était la dernière séance…”

  1. Bel article, belle fin de saison, beau champion, vivement la reprise !

  2. Cet article est un exemple typique de la pensee dominante dans le cadre de la gauche caviar….

  3. Excellent article une fois de plus !!

  4. Supporter de l’ETG, j’ai eu la même réaction que vous quand j’ai vu la nomination de Correa.
    Maintenant, quand je coupe la saison en 2, et que je regarde les chiffres à la loupe, Evian a marqué autant de but sous l’ère Casoni que sous l’ère Correa et en a pris moins.
    Bilan comptable: 22 points à la fin de la 19ème journée contre 50 à la fin de la saison.
    En effet, Evian a améioré sa défense, (26 buts encaissés contre 29 en première partie) mais n’a pas pour autant arrêté de marqué.
    Donc oui à l’aspect “bétonneuse” de Correa, mais il n’y a pas eu que ça dans le jeu.

    (et entre nous, pour une fois qu’ile se passe quelque chose à Annecy le samedi soir, vous n’allez pas leur enlever ça…)

  5. Heu…c’est moi où on voyait des drapeaux du PSG parmi les supporters frondeurs…c’était sûrement pour protester contre la descente de leur club bourguignon favoris…et puis c’est vrai lancer des objets sur autrui c’est pass’ke le pôvres ils sont tristes…moi même quand j’ai un gros chagrin je balance des parpaings….

  6. Il y avait gendarmes mobiles ET CRS.
    Et allez Brest!!

  7. […] « Ligue 1, c’était la dernière séance… », par Plat du pied, Sé… Retour sur la dernière journée de la saison de Ligue 1, marquée par le sacre de Montpellier à l’issue d’un match interminable à Auxerre, interrompu à plusieurs reprises par la bêtise d’une minorité de supporters bourguignons. […]

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