L’Allemagne, championne du monde du pierre-feuille-ciseaux
Deutschland-Frankreich, Allemagne-France. Les affrontements entre nos deux pays ne laissent pas indifférent. Même si c’est un match amical, même si c’est à Brême et que le froid rendra blêmes les joueurs, même si c’est fin février et que cela n’arrange personne.
C’est Bismarck, c’est la première, c’est la deuxième, c’est 82, 86, Battiston, Schumacher, Merkel, Sarkozy, on ne va pas la refaire, vous le savez déjà. Et donc, comme à chaque match, nous avons notre lot de déclarations. Platini qui dit qu’il a fait des cauchemars à cause de la demi-finale perdue. Schumacher qui dit qu’il regrette mais que, en même temps, il le referait.
En vouloir à l’Allemagne, voire la détester, est donc largement accepté et même encouragé, même quand tu es né dix ans après 1982 et que tu ne sais pas qui est Marius Trésor. Pourtant, la question se pose vraiment : est-ce que cela vaut la peine de détester encore ce pays ? Haïr quelqu’un, cela prend du temps et de l’énergie. On peut légitimement se demander si on ne perd pas les deux avec l’Allemagne.
Quand le proverbe de Lineker était valable (“Le football est un sport qui se joue à 11 contre 11, et à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent”), c’était légitime. Là, ils n’ont rien gagné depuis 1996. Ils sont au contraire devenus des losers magnifiques, à toujours perdre en demie ou en finale, souvent en jouant bien. Comme de bons Français, en fin de compte. Quand l’Allemagne était une équipe de défenseurs agressifs, pourquoi pas. Mais aujourd’hui, ils ont tous des têtes de puceaux rapides et mal dégrossis, plutôt sympathiques. Dur de détester Müller, Lahm ou Reus, quand on a connu Jens Jeremies et Carsten Jancker. Sur les affrontements directs entre nos deux pays, nous sommes largement devant, ce qui n’apporte rien, mais c’est toujours ça de pris (dix victoires, six nuls, sept défaites depuis le premier match en 1931 dont seulement trois en compétitions officielles). La Bundesliga, c’est mieux que la Ligue 1. Tout le monde le sait, mais tout le monde s’en fout aussi. Au fond, personne n’est jaloux.
Allons voir au-delà du football pour examiner la rivalité entre nos deux pays. Dans les autres sports, elle est peu présente. Vettel gagne en F1 mais on s’en fout. En cyclisme, ils n’ont plus personne, en handball pareil, on ne va pas faire toute la liste mais vous comprenez l’idée : il n’y a actuellement pas de compétition sérieuse et intéressante entre les deux pays. Le seul lien qui nous unit vraiment et qui fait vendre du papier, c’est la vie de Ribéry au Bayern. Et on ne peut que les remercier d’avoir sauvé ce cadavre exquis qu’est le natif de Boulogne.
Finalement, c’est un peu comme l’Angleterre, qu’on aime aussi détester. Même si les tabloïds essayent d’entretenir la flamme, qu’on a parfois des remontées acides à la vue des petits rouquins de Sheffield, dans le fond, on n’y croit plus vraiment (heureusement le rugby maintient un peu l’affrontement sportif).
Cette incapacité à changer d’ennemi intime est surprenante. Si l’on s’attarde deux secondes, le seul adversaire valable, celui qu’on devrait détester, c’est l’Espagne. Ils gagnent tout dans la plupart des sports que l’on aime (j’échange sans problème une victoire au Tour de France contre toutes nos médailles en natation). Ils se dopent honteusement, et quand on leur fait remarquer, c’est l’incident diplomatique, ils prennent des airs de vierges est-allemandes effarouchées. Mais on n’arrive pas à les détester. Parce que Trajan a été un bon empereur, parce qu’on se dit que leurs succès ne sont que conjoncturels, parce qu’on aime bien Barcelone, Séville ou Saragosse, parce qu’il fait beau, parce que la sangria fait tourner la tête, parce qu’on a déjà couché avec un(e) Espagnol(e), ou que l’on se dit que ça arrivera bien un jour (alors que les Allemandes ou les Anglaises, bof bof), parce que c’est facile de haïr un pays plus riche, plus peuplé et plus puissant que nous alors qu’on a l’impression de se rabaisser en allant affronter des mangeurs de paëlla.
Finalement, notre problème est simple : nous ne savons pas si cela vaut le coup de changer d’adversaire. L’inimitié est quelque chose qui se construit sur le long terme et qui mélange des grands moments historiques et des faits bien plus ridicules. Pour les Teutons, c’est à la fois Verdun et l’attentat contre Battiston. «Perdre un ennemi est une grande perte», disait très justement la reine Christine de Suède (1626-1689).
Dans L’Art de la Guerre, Sun Tzu explique les avantages d’avoir un ennemi bien identifié: «Connais ton ennemi et connais-toi toi-même ; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux. Si tu ignores ton ennemi et que tu te connais toi-même, tes chances de perdre et de gagner seront égales. Si tu ignores à la fois ton ennemi et toi-même, tu ne compteras tes combats que par tes défaites.» En ce moment, nous vivons la troisième situation. Nous ne savons plus qui nous sommes, et nous ne savons plus qui nous devons combattre.
L’été prochain, si l’Allemagne pouvait éliminer la France en demi-finale de l’Euro grâce à une erreur arbitrale, après avoir injustement écrasé la Pologne en quart, cela nous aiderait à nous reconstruire. Merci d’avance. Küsse.
Clément Noël
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Photo: REUTERS/Wolfgang Rattay
Pas mal…
Y avait largement pire que Jeremies ou Jancker : Ueli Stielike ou Stefan Effenberg par exemple étaient bien plus détestables.
Moi j’aime bien ces rencontres avec nos deux voisins/cousins (Angleterre et Allemagne), je les préfère aux rencontres avec les Espagnols (même si je n’ai toujours pas digéré la manière dont ils ont traité Zidane en 2006 avec leur “vamos a retirar a Zidane”, mais bon il leur a mis une rouste…).
Et puis, historiquement on a tout le temps été plus ou moins en conflit avec eux…
en fait plus personne ne déteste l’Allemagne, les français préfèrent une équipe d’Allemagne jeune et qui a visiblement du plaisir à jouer aux ramassis d’individualités qui nous sert d’équipe (d’ailleurs ils préfèrent aussi Merkel à Hollande et Sarkozy)
il faut s’y faire: ils étaient nos ennemis et rivaux, il n’y a même plus de bataille puisqu’ils sont tout simplement passés devant
Bref, es lebe Deutschland!
Bah, si les français s’interessaient un peu à l’ Allemagne, ils sauraient qu’il n’y a pas de salaire minimum dans la plupart des Länder et ça m’étonnerait qu’ils trouvent aussi génial leur modèle social, m’enfin passons…
Je suis vachement d’accord sur l’Espagne sinon. A part que j’habite à côté de la frontière allemande et que pas mal d’allemandes vous feraient changer d’avis sur l’envie d’approfondir l’amitié entre les peuples.
Appendice à la thèse : http://www.cafebabel.fr/article/40440/allemagne-la-france-et-le-foot-guerre-et-pre.html. Et maintenant quand on sait pas qui est Didier Six, ben si, c’est possible d’aimer l’Allemagne. Quitte à faire mal à son daron.
Article amusant mais personnellement je ne connais personne qui déteste l’Allemagne voire même qui aurait simplement une petite rancoeur … et cela même parmi ceux qui ont vécu la seconde guerre mondiale.
Et non, lancer un “Encore une que les Boches n’auront pas” un soir de beuverie ne constitue pas une preuve de haine ^^
Par contre, lors de matchs contre nos meilleurs ennemis anglais, je ne dis pas qu’on ne se laisse pas aller à quelques “vacheries”. Et là encore, dans le fond, j’ai rien contre eux mais ça fait plaisir quand même 😡
Oublié un détail, là… nos pires ennemis en football, c’est bien entendu l’Italie !!
C’est comme Giscard et Chirac: on se ressemble trop pour ne point se haïr.
“L’inimitié est quelque chose qui se construit sur le long terme et qui mélange des grands moments historiques et des faits bien plus ridicules.”
=> La France a été en guerre contre l’Angleterre pendant pratiquement toute la seconde moitié du Moyen-Âge (500 ans), contre l’Espagne de la fin de la guerre de Cent Ans jusqu’à la Restauration (350 ans)… Et contre l’Allemagne, de Napoléon jusqu’à 1945 (à peine 150 ans).
Par conséquent, si l’on suit la logique historique il faudrait :
– Gagner 5-0 contre l’Angleterre, 4-1 contre l’Espagne (dur…) et 3-2 contre l’Allemagne ;
– Choper un max d’Anglaises (encore plus dur…)
Donc au final, on devrait tous les détester et mettre des raclées à tout le monde parce qu’on est les plus forts et piquer les nanas de tous les pays parce qu’on est les plus beaux !
Deutschland et pas Deutchland 😉
L’Allemagne est l’amie de la France grâce à Monsieur le Président SARKOZY. Je préfère l’amitié à la guerre.
D’accord avec Julien : nos ennemis, au foot, c’est les Ritals, pas les Boches ! Les Rosbifs, on s’en fout, et les Espingoins, c’est que des dopés, alors…
Le stéréotype négatif français correspond à l’arrogance, au mauvais perdants et une mauvaise fois lorsqu’il s’agit d’une compétition quelconque. C’est sympa de voir que toutes ces caractéristiques, ainsi que d’autres, sont présentes dans cet article, sans s’attarder aux commentaires des internautes…
Bien sur, vous êtes les meilleurs, les champions du monde, l’exemple à suivre! LOL
Je ne sais pas si n doit les detester… cela reste une mentalité différente que ce soit dans le sport ou la politique… un exemple a suvre je ne sais pas dans le sens où on a pas la même histoire… mais je suis d’accord pour dire que ce sont les italiens nos vrais adversaires dans le football…