Yannick Noah a jeté un pavé dans la marre pour dénoncer l’hypocrisie des autorités sportives face au dopage. Il a demandé dans Le Monde de légaliser “la potion magique” pour permettre à tout le monde de s’affronter sur un pied d’égalité. Ce qui a bien sûr créé la polémique. Noah visait particulièrement l’Espagne. Hasard du calendrier (ou pas), Alberto Contador est entendu à partir d’aujourd’hui par le Tribunal Arbitral du Sport pour son affaire de clembuterol. Autre scandale, plusieurs anciens joueurs de la grande équipe d’Algérie des années 80, dont les enfants sont nés avec des handicaps, ont demandé une enquête pour déterminer si oui ou non ils ont été dopés à l’insu de leur plein gré par le médecin soviétique qui assistait les Fennecs. Les footballeurs sont-ils dopés ? Plat du pied avait consacré un post au sujet en décembre 2010 à l’occasion de la sortie du livre Dopage dans le football, la loi du silence du docteur Jean-Pierre de Mondenard, dénonciateur réputé des piquouses dans le sport.
Plus que la longueur des crampons ou la pression des ballons, le contenu de la pharmacie est le secret le mieux gardé du football professionnel. Quelques scandales de dopage éclatent parfois, mais ils sont vite remisés au fond du placard. Un livre sur le sujet (1) vient de sortir, l’occasion pour nous de s’interroger sur cet éternel marronnier.
Il y a quelques mois, l’ancien docteur des Bleus Jean-Pierre Paclet s’interrogeait sur les résultats louches des tests sanguins de certains Bleus champions du monde en 1998. Son bouquin ne comportait aucune révélation, aucune accusation concrète et étayée, mais la presse s’emballait. Comme pour expurger une espèce de culpabilité permanente, il s’agit de montrer – régulièrement – que “personne n’est dupe”. Mais dans le fond, pas question d’enquêter plus sérieusement sur le dopage dans le foot. L’Equipe, le quotidien sportif de référence en France, ne compte dans ses rangs qu’un journaliste travaillant à temps plein sur ces thématiques, Damien Ressiot.
La semaine dernière, c’est Jean-Michel Aulas, l’hyperprésident de l’Olympique lyonnais, qui remettait le couvert. S’interrogeant sur les causes de la branlée reçue par son équipe contre Schalke 04, il chaussait ses gros sabots: “Les joueurs (de Schalke 04) n’étaient pas comme au match aller, ils couraient beaucoup plus vite et beaucoup plus longtemps. Je ne sais pas quelle préparation ils avaient suivi, mais leur dimension physique était impressionnante. Nous avons été tellement battus physiquement que c’était un peu trop gros… On voit que les joueurs ne sont pas toujours à armes égales”. Depuis, JMA assure qu’on l’a mal compris…
Entre “préparation médicale scientifique” et dopage pur et simple, le dernier ouvrage du docteur Jean-Pierre de Mondenard, sorti la semaine passée, rappelle la multitude de conduites contraires à l’éthique. “Dopage dans le football: la loi du silence” n’a rien de révolutionnaire, ce n’est pas un livre de révélations. Pour le lecteur averti, il s’agit surtout d’un retour sur une somme de conduites dopantes ou limites, agrémentée de précisions médicales fournies par cet expert en la matière qui, après avoir longtemps travaillé sur le cyclisme, s’est penché sur le cas du foot.
Idée de départ: battre en brèche les inepties du genre “le dopage est inefficace dans le foot”, souvent entendues dans le milieu. Pour les tenants du secret du vestiaire, c’est simple, le dopage ne peut améliorer la qualité technique, l’acuité tactique et n’aurait donc aucun intérêt dans un sport d’équipe, et en particulier dans le foot. D’ailleurs, les contrôles positifs sont rares (3 sur 2.654 tests en Coupe du monde depuis 1966).
Il est donc utile de rappeler que les qualités athlétiques sont fondamentales dans le sport de haut niveau (vitesse, explosivité, endurance, puissance). Elles ont d’ailleurs largement été travaillées depuis trente ans, puisque le joueur moyen a grandi de 5 centimètres, s’est renforcé de 10 kilos, et augmenté sa capacité respiratoire de 20%. Jean-Pierre de Mondenard revient donc sur un fait souvent occulté: le dopage sert certes à augmenter les performances, mais surtout, il permet de supporter de lourdes charges de travail. Et donc de courir plus vite, de sauter plus haut, de tirer plus fort.
Autre constat de base: “le gendarme est toujours en retard sur le voleur”. Effectivement, le temps de découverte d’un produit dopant est assez long pour permettre sa prolifération puis l’arrivée d’un produit plus efficace ou mieux ciblé sur le marché, et indétectable. Les techniques pour ne pas se faire choper sont donc de plus en plus précises et les préparations ciblées: bien dopé, un athlète a peu de chances d’être positif.
Par exemple, la préparation peut se faire par injection de micro-doses d’EPO: dans ce cas, le volume de globules rouges pourvoyeurs d’oxygène augmente, mais pas sa concentration. Cette technique permet de maintenir un taux d’hématocrite (la concentration de globules rouges dans le sang) raisonnable, et de ne pas dépasser la barre des 50%, qui entraîne, selon les textes, un arrêt forcé de compétition. Dans le même genre, le nombre de globules rouges peut être amélioré par des transfusions sanguines autologues: c’est simple, on prend son propre sang, on le laisse au frigo le temps que le corps compense le prélèvement, avant de le réinjecter. L’arme favorite des cyclistes est aussi utilisée par les footeux.
Il existe aussi toujours de nombreux produits indécelables dans le sang: la DHEA (hormone de croissance) et l’insuline font ainsi partie de la pharmacopée du footballeur. Sans oublier certains produits non recherchés. Le livre est riche d’exemples: Fabio Cannavaro s’administrant devant la caméra une piqure de Neoton (un stimulant cardiaque utilisé en chirurgie) avant la finale Parme-OM de l’UEFA 99, Patrick Vieira fâché contre le docteur de l’Equipe de France (encore Jean-Pierre Paclet) qui avait refusé de lui injecter de l’ Actovegin (du sang de veau traité qui accélère le rétablissement musculaire, interdit en France mais pas en Allemagne ni en Angleterre) lors de l’Euro 2008…
Sans oublier les antidouleurs, désinhibiteurs et stimulants comme les analgésiques, la caféine ou la nicotine employés à forte dose. La justice italienne avait ainsi trouvé 281 médicaments différents lors d’une perquisition au siège de la Juve.
Mondenard revient également sur des scandales révélateurs de pratiques aussi anciennes que le sport. Premier exemple: la finale de la Coupe du monde 1954 en Suisse, dit “miracle de Berne” avec la victoire de la RFA contre la Hongrie.
L’auteur se souvient de l’épidémie de jaunisse qui a touché les vainqueurs teutons à leur retour au pays, causée probablement par une seringue mal stérilisée, et utilisée pour injecter des amphétamines à l’ensemble de l’équipe. Rien ne dit d’ailleurs que les vaincus n’étaient pas chargés, quand on connaît la pratique du dopage d’Etat dans l’ancien bloc de l’Est: rares sont les finalistes qui dépassèrent les 60 ans, souvent atteints de maladies cardio-vasculaires ou de leucémies.
Autres exemples, avec les pratiques médicales de l’équipe de RFA des années 80, sur lesquelles Harald Schumacher témoigna plus tard dans sa biographie, expliquant que l’équipe avait reçu quelque 3000 piqûres au Mexique en 86; ou encore avec l’épisode bien connu de la distribution de cachets dans les vestiaires de l’OM par Bernard Tapie lui-même, une scène narrée par Marcel Desailly dans son bouquin, “Capitaine”.
Le docteur Mondenard revient aussi sur le dopage organisé à la Juve, à Parme, et l’incroyable vague de sclérose latérale (une atrophie musculaire progressive) qui a fait 48 morts en 30 ans dans le Calcio, vraisemblablement causée par la combinaison des traumatismes sportifs et de l’usage de produits dopants. Jean-Pierre de Mondenard exhume d’ailleurs les témoignages des joueurs, grands et moins grands, qui relatent des conduites dopantes: Beckenbauer, Rocheteau, Daniel Bravo, Cascarino, Jean-Jacques Eydelie sont pris à témoin de la recherche de la performance totale.
Des dérapages qui peuvent briser des carrières, comme celle de Ronaldo: vainqueur du Mondial à 17 ans, joueur le plus cher du monde et Ballon d’or à 21, définitivement cramé à 26. Les raisons? Les corticoïdes utilisés à Eindhoven pour le muscler, puis la prise de cortizone pour le faire jouer malgré la douleur. Cela expliquerait en partie les sautes de poids de Gronaldo, pesé lors de son arrivée en Europe à 75 kilos, et qui frôlait le quintal lors de ses retours de blessure. A lire sur ce sujet: les bonnes feuilles sur Rue89.
Le dernier tiers du bouquin est consacré à une annexe des cas de dopage par ordre alphabétique puis par année. Où il apparaît que la liste de la dernière décennie est particulièrement fournie: Franck de Boer, Edgar Davids, Pep Guardiola, Jaap Stam, Adrian Mutu, Marco Boriello…
En 2003, dans son ouvrage “Les scandales du sport contaminé”, le journaliste Eric Maitrot décrivait toutes les incohérences de la lutte anti-dopage, en particulier dans le foot. Le récit du contrôle inopiné mené le 26 décembre 1997 à Tignes, où les Bleus étaient en stage en prévision du Mondial 1998, en disait déjà beaucoup. Le docteur Arnaudo, en mission pour le ministère des Sports, poireaute toute la journée avant que les joueurs retenus ne daignent venir pisser dans ses flacons. Le staff des Bleus, lui, peste franchement: il aurait préféré qu’on le prévienne et surtout, il n’apprécie pas qu’on vienne “l’emmerder” pendant ce stage censé forger un collectif.
Les jours suivants, c’est à un véritable délire patriotique qu’on assiste. Aimé Jacquet, dans France Football, s’emballe: “Les gens du ministère doivent aussi savoir qu’on est dans une année de Coupe du monde. Il ne faut pas toujours pénaliser l’équipe de France”. Le coup de grâce intervient quand la ministre des Sports, la communiste Marie-Georges Buffet, se désolidarise du contrôle. Sept ans après sa publication, le bouquin de Maitrot, qui se garde de tout manichéisme, reste une entrée en matière très éclairante dans les méandres des questions de dopage.
Que faire alors ? Jean-Pierre de Mondenard plaide pour une première piste, simple, celle d’organiser la lutte contre le dopage de manière complètement indépendante des fédérations. Il est en effet conflictuel de demander à l’organisateur d’un championnat de nuire à ses propres intérêts en organisant les contrôles et en sanctionnant ses stars. Pour lui, c’est comme si le PDG d’une boite était en même temps représentant du personnel. Absurde.
(1) Dopage dans le football, la loi du silence. Éditions Jean-Claude Gawsewitch, 19,90 euros.
François Mazet et Sydney Maréval
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Crédit photo: REUTERS/Eddie Keogh
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par Yannick Cochennec et RCLens-Actu, Plat du Pied . Plat du Pied a dit: Le dopage, le plus beau marronnier du foot http://fb.me/Fjwtv50p […]
Et pourquoi pas se contenter d’arrêter toute forme de subvention et autres réductions d’impôts à destination du sport professionnel ? S’attaquer au dopage n’est-ce pas chercher à traiter les effets plutôt que la cause ? Si les crédits publics trouvaient leur chemin à destination de la culture sportive de tous plutôt que vers les poches de quelques marionnettes rongés par des toxiques et leurs manipulateurs, n’observerait-on pas rapidement des progrès notables dans bien des domaines : finances publics assainies ; amélioration de la santé des citoyens et partant réduction des déficits de l’assurance maladie (qui, pourquoi ne pas rêver, pourrait alors redevenir la sécurité sociale) ; augmentation radicale de l’espérance de vie des principales victimes du sport pro ; réduction sensible de la criminalité qui de toute évidence prospère dans l’hypocrisie de ce milieu…
il était du domaine publique que italie espagne et uk autorisait la créatine alors que c’était interdit en france
ceux qui disent que c’était caché mentent c’était sur la place publique!
ceux qui se réveillent histoire d’insulter les footeux devraient ne pas méprisé ceux qui lisent
la crise us étati prévu est sur la place publique
suffit de savoir lire
donc les joueurs de 98 étaient dopés dans leur club légalement et c’était écrit dans l’équipe
les clubs fr s’en plaignaient publiquement aussi
“rares sont les finalistes qui dépassèrent les 60 ans, souvent atteints de maladies cardio-vasculaires ou de leucémies.”
Un p’tit tour sur Wikipedia donne la liste de ces 22 finalistes. La moitié de l’équipe est toujours en vie à plus de 80 ans, et à part 2 joueurs, ils ont tous atteint 70 ans.
Je ne me risquerai pas à dire que le dopage conserve, non non, mais il faut remettre les choses à leur place.
en reprenant le tableau du bouquin (que je pense plus complet que wiki), il apparait que sur les 14 Hongrois de la finale, 8 sont morts de leucémie, cancer ou attaque cardiaque avant 63 ans. Deux sont toujours en vie et quatre sont décédés entre 64 et 80 ans.
Côté allemand, le niveau de vie et la qualité de soin ont fait une différence: sur les 11 vainqueurs de la finale, trois sont vivants, et un seul est décédé avant ses 60 ans. Sur les onze autres joueurs ayant participé au tournoi 54 avec la RFA, aucun survivant, dont deux décès par maladie avant 56 ans. Soit pour la RFA 3 vivants sur 22 joueurs, 3 décès précoces et 16 morts à un age moyen proche de 70 ans, ce qui est normal pour des hommes de cette génération (nés dans les années 20).
[…] (1) vient de sortir, l’occasion pour nous de s’interroger sur cet éternel marronnier. via blog.slate.fr Catégories:dopage, foot, sport J'aimeSoyez le premier à aimer ce post. […]
Le dopage a toujours été présent, et j’ai presque envie de dire que c’est logique, au vu de la pression grandissante dans tous les sports…
Il faut savoir les limiter et surtout les controler pour éviter tout excès
Bon article, mais qui – comme toujours – oublie un aspect de la question qui est primordial si l’on veut COMPRENDRE le dopage.
Comme en philo, il est important de poser les prémisses : entend-on par “dopage” le fait de prendre des produits interdits par une liste préétablie ? Ou bien celui de faire la démarche de tenter d’améliorer sa performance ?…
Quand de nombreux sportifs professionnels, la main sur le coeur, jurent qu’ils tutoient les sommets sont se doper, ils sont souvent sincères, n’ayant jamais touché à aucun des vilains produits de la liste officielle. Ils ont la morale de leur côté, et il ne leur vient pas une seule seconde à l’idée que tous ceux qu’ils ingèrent quotidiennement pour supporter 5 heures d’entraînement par jour et qui ne se trouvent pas (encore) sur la liste, sont des produits dopants.
En effet, comment reprocher à un internaute de télécharger une série TV quand ce n’est pas encore interdit ?…
En revanche, si l’on veut considérer la démarche – ce que Mondenard a depuis toujours désigné sous le terme de “conduite dopante” – là, c’est une autre histoire et un autre regard sur la question, beaucoup plus profond, et par là-même dérangeant, pour tout un chacun, y compris nous-mêmes, les sportifs du dimanche, voire les simples salariés.
Oui, lorsqu’on se prépare une petite “boisson énergétique” avant notre semi-marathon, on apporte à notre organisme un petit coup de pouce métabolique ; lorsqu’on s’envoie un petit café serré avant une grosse journée de travail, on essaie d’emballer la machine…
Interdit ? Sûrement pas ! Condamnable ?… Ca se discute.
Donc, sous quel angle faut-il envisager le problème ? Sous celui de la mise en danger éventuelle du dopé ? Sous celui de l’éthique stricte ? Où sous celui de la stricte légalité ?
Tant que le débat public n’aura pas clairement défini les lignes, il se dira et s’écrira encore et toujours tout un tas d’âneries et de tournages en rond.
Et s’il on veut se forger un avis raisonnable, sans pour autant renoncer à son admiration des champions, il suffit juste de bien comprendre qu’il est IMPOSSIBLE pour un corps humain, fût-il surentraîné, d’enchaîner 5 étapes de 200 kilomètres à 40km/h en 5 jours (alors 20, je vous dit pas !…), ni d’aligner 5 entraînements hebdomadaires sur 3 matches de 90 minutes…
Et de bien se rendre compte que, si l’on veut malgré tout que cela soit, il faut apporter du charbon à la chaudière…
C’est là où la “proposition” de Yannick Noah, derrière la provocation, pose une question qui n’est pas anodine.
Si nous voulons (et je confesse en être) continuer à voir des matches de Ligue des Champions au jeu spectaculaire qui fonce à 100 à l’heure, des handballeurs moissonner les titres mondiaux et des batailles homériques dans le Tourmalet, il faut que nous assumions TOUS les moyens artificiels que cela implique et arrêtions de nous offusquer quand un clampin ukrainien se fait attraper par la patrouille.
Ces mecs sont des cobayes.
Ils font ça pour la Science ! :p
Ils sont payer des fortunes pour taper dans la balle … et pour bouffer des pilules. Les effets secondaires : c’est les risques du métiers. ^^
Je trouve dommage que ça ne doit pas écrit noir sur blanc dans leur contrat…
… Une fois, j’ai fini une soirée arrosée devant une table de ping pong …
J’avais un taz dans le bide (ecstasie / amphètamine ).
Je peux vous dire que les effets étaient incroyables : ça dépassait la “simple” résistance physique.
Je ne ratais pas mes coups .. AUCUN !
Je réussissais coup sur coup des smash improbables, qu’en temps normal, je n’aurais placé sur la table qu’une fois sur dix.
Dangereux ces trucs … mais impressionnant comme outil. : /