L’UE à la rescousse des pubs anglais

Karen Murphy trinque à la santé de Rupert Murdoch

Sale temps pour les détenteurs de droits télé. La Cour européenne de justice a donné raison à la patronne d’un pub anglais qui avait préféré souscrire à un bouquet satellite grec plutôt qu’à Sky. Un mauvais coup pour les gros diffuseurs ? Pas si sûr.

A Luxembourg, on ne rigole pas avec la libre circulation. Garante des principes fondamentaux de l’Union européenne, la Cour de justice a défendu un modeste pub de Portsmouth contre la Football Association Premier League Limited (FAPL), le groupement des 20 clubs de première division qui commercialise les droits télé, et le bouquet Sky (empire Murdoch), premier diffuseur du championnat.

L’argent, c’est bien le nerf de la guerre. Karen Murphy, patrone du “Blue, white and red”, un pub comme il en existe des millions de l’autre côté de la Manche, avait décidé d’abandonner Sky, pour passer chez Nova, un bouquet grec qui retransmet les 380 matchs dont le coup d’envoi est donné le samedi à 15h. En effet, ces rencontres ne sont pas diffusées en Grande-Bretagne afin de protéger les taux de remplissage des plus petits clubs. Dans l’opération, l’économie est substantielle. “Avec Nova, je paye 800 livres par an pour un abonnement (930 euros), contre 700 livres par mois pour Sky”, raconte la tenancière à l’AFP, avant d’ajouter: “C’était un peu Karen contre Goliath.”

Pour les abonnés individuels, rien ne change, le coût du bouquet étant voisin, autour de 50 euros mensuels. En revanche, pour les diffuseurs publics, ça change tout. Nova, qui paye les droits pour la Grèce – soit peanuts par rapport aux droits pour la Grande Bretagne – propose des packages allant de 27 à 58 euros, à comparer avec ceux de Sky, qui vont de 600 à 2.300 euros. Sky équipe 50.000 pubs. Forcément, les patrons de bars font vite le calcul: bouquet moins cher+pintes au même prix=rentrée d’oseille, surtout si c’est l’équipe locale qui joue.

Qualité plutôt qu’exclusivité

Jusque-là, les droits télés étaient vendus pays par pays, pour additionner les rentrées. Ce qui a permis à la Ligue anglaise de se faire 4 milliards d’euros sur trois ans, selon le dernier contrat. Comme Sky ne voudra pas payer tant d’argent pour subir une concurrence à bas prix, le système va devoir être repensé, puisque ce saucissonnasse est mort. Au-delà de la Premier League, il pourrait en être de même pour les retransmissions de la Champion’s League, et pourquoi pas, des films et séries télé.

Mais les diffuseurs ont semble-t-il déjà trouvé la parade. Si l’argument de l’exclusivité ne tient plus, celui de la qualité demeure avec une présence globale (émissions, intervenants, talks, etc), là où des low cost comme Nova proposent un service basique et pas toujours d’excellente qualité. Les forums sur Internet font état d’un certain nombre de dysfonctionnements et de coupures, et d’une qualité d’image bien inférieure. Sky pourrait aussi décider de remporter un appel d’offre pan-européen que lancerait la FAPL, ce qui anéantirait toute concurrence.

Surtout, il est évident que la Ligue va bien pourrir la vie des petits payeurs. Selon les juges de Luxembourg, une “législation nationale qui interdit d’importer, de vendre ou d’utiliser des cartes de décodeur étrangères est contraire à la libre prestation de services et ne peut être justifiée ni au regard de l’objectif de protection des droits de la propriété intellectuelle ni par l’objectif d’encourager la présence du public dans les stades de football”. Mais cette non-protection ne touche que le match en lui-même, et pas tous les à-côté: bandes-annonces, logos, replays, musique officielle etc… Considérés comme des oeuvres, ils sont donc susceptibles d’être protégés par un copyright.

Concrètement, si la Ligue multiplie la présence de ces “oeuvres”, soit sur les images avec un logo permanent, soit avec une musique sur tous les ralentis, il va devenir très désagréable de regarder un match sur une chaîne qui n’aurait pas acheté le package standard et serait obligée de couper un grand nombre de séquences. Les petits bouquets comme Nova pourraient ainsi lâcher le morceau. Ce qui en fin de compte, permettra à Sky de s’en sortir sans trop de difficultés.

François Mazet

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