Après l’Angleterre, 11 Jeanne d’Arc à l’assaut des USA

(Les Françaises agitent les bras pour attiser le feu)

Faut-il repenser le champ lexical des commentateurs du foot féminin?

La France est en demi-finale de Coupe du monde et Direct 8 a battu tous ses records d’audience (un pic à 2,4 millions de spectateurs). Même en cas de défaite contre les Etats-Unis, nous allons sans doute assister à la montée en puissance médiatique du football féminin. Qui l’eut-cru à part Lustucru? Pas grand monde. Et pourtant, les Bleues jouent plutôt bien (ou pas pire que leurs homologues), et les stades en Allemagne sont pleins.

Du coup, on risque de voir de plus en plus de foot féminin sur nos écrans de télévision et nos présentateurs préférés (ou pas, quand on pense à Alexandre Delpérier) vont devoir s’adapter. Et ce n’est pas si évident que cela. Le commentateur masculin de football a d’ordinaire de multiples registres de langues qui ne siéent pas forcément pour des femmes.

Le paternalisme habituel: “petit gars” qui deviendrait “petite fille”, ou “ma grande” pour “mon grand” et autre “Oui mon garçon” (“Oui ma fille”) sonnent d’un coup bizarrement. Appeler les joueuses par leur prénom, alors que c’est habituel pour les garçons, de même. En étant féminisées, ces expressions prennent tout d’un coup une connotation machiste. Faut-il s’en passer au risque de rendre les commentaires fades?

Il est sans doute possible de trouver un compromis. Au lieu de féminiser les lieux communs masculins, notons qu’il y a aussi des clichés féminins sans connotations sexistes (et oui, impossible de faire des blagues sur les blondes si l’une d’elle fait un geste stupide ce qui équivaudrait à dire en plein match que les roux sentent mauvais quand Paul Scholes transpire).

Prenons l’une des expressions préférées d’Alexandre Delpérier: “elle est allée au charbon”. Factuellement, c’est faux, puisque le métier de mineur a toujours été essentiellement masculin (il y a sans doute des exceptions, comme dans Germinal avec Catherine Maheu). D’autres termes sont possibles: “Aller à l’usine” par exemple traduit le même sentiment de dureté et d’abnégation et touche beaucoup plus les femmes (et est valable aussi pour les hommes).

Le commentateur sportif aime bien également les références historiques. Il y a suffisamment de femmes connues pour ne pas avoir besoin de citer des hommes. “Jeanne d’Arc”, évidemment, si la France bat l’Angleterre, “Louise Michel” ou “Rosa Luxembourg” si une petite équipe bat une grande, “Margareth Thatcher” si c’est une joueuse de fer qui ne laisse rien passer, etc. Des phrases comme “si sa passe avait été plus longue, la face du match en aurait été changée” – référence direct au nez de Cléopâtre – peuvent aussi être réutilisées à l’infini.

Heureusement, il y a de nombreuses expressions qui ne sont pas genrées: Les Anglaises ont tiré les premières” a ainsi été utilisé par toutes les télés et est parfaitement valable. On le voit, avec un peu d’imagination, il serait assez facile de renouveler le genre au lieu de calquer des expressions toutes faites qui donnent un vieux relent de machisme (surtout quand Delpérier termine en hurlant de plaisir avec “On dort à l’hôtel avec vous encore ce soir les filles!!!!”).

Après, il y a des phrases contre lesquelles on ne peut pas faire grand chose. “Elles ont multiplié les passes” n’est ainsi qu’une analyse purement objective du match, mais elle risque de provoquer pendant longtemps des sourires entendus chez les téléspectateurs.

Clément Noël

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Crédit photo: Reuters/les Françaises après la victoire contre l’Angleterre.

Un commentaire pour “Après l’Angleterre, 11 Jeanne d’Arc à l’assaut des USA”

  1. A éviter aussi comme Laurent Blanc ” on est tous derrière elles “

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