Arrière droit ou ailier gauche, le footballeur est un animal politique comme un autre.
Depuis quasiment deux mois, la mobilisation contre la réforme des retraites ne faiblit pas et on a encore le droit à une journée de mobilisation ce jeudi 28 octobre. Un conflit à priori bien éloigné des préoccupations des footballeurs professionnels. Foot et politique, ça ressemble à un oxymore: pas étonnant pour des types qui ne pensent qu’au sport depuis leurs 14 ans. Biberonnés dans les centres de formation des clubs pros, on les dit formatés, dotés d’un piètre niveau scolaire et peu imprégnés des cours d’éducation civique dispensés au collège.
Mais comme on leur demande leur avis sur tout, certains, parfois, sortent des plate-bandes auxquelles on veut bien les assigner. Premier à frapper, le “King” Eric Cantona, qui a conseillé aux manifestants de s’en prendre aux banques en retirant l’argent qu’elles y stockent. Plus étonnante que celle de Canto, la sortie du défenseur marseillais Souleymane Diawara, qui a expliqué: “Si j’étais à la place de tous ces gens, je serais dans la rue en train de manifester“.
Le footballeur est-il un animal politique? La question n’est pas nouvelle. So Foot se l’était posée, il y a quelques années, en se demandant si le foot était de droite ou de gauche. Un préalable important, avant d’analyser les engagements individuels de chacun. Les valeurs du sport professionnel penchent aujourd’hui clairement vers celles de la droite libérale: libre-circulation des biens (les joueurs), individualisme exacerbé… Le chantage à la revalorisation salariale de Wayne Rooney n’en est que le dernier exemple.
L’autre lecture consiste à faire des footeux les “esclaves” d’un système. Hatem Ben Arfa l’a exprimé tel quel. Salarié lambda (à quasi 50.000 euros brut par mois en Ligue 1, tout de même), le footballeur n’a que sa force de travail à proposer dans un système capitaliste. Mis en concurrence avec une importante armée de réserve, il a intégré que sa carrière ne durerait qu’une dizaine d’années et préfère souvent taire toute revendication. Vikash Dhorasoo, licencié du PSG il y a quelques années, a pourtant exhorté récemment ses ex-confrères à «reconquérir une liberté peu à peu grignotée à coups de biftons».
Le mai 68 des footballeurs reste le plus haut fait d’armes de la corporation. La grève de Knysna, bien plus pathétique, a été interprétée comme une expérience d’autogestion par certains (Dhorasoo encore, ou le journaliste Grégory Schneider de Libé): en gros, le football aux footballeurs. Bon, pour relativiser tout ça, notons quand même que la dernière menace de grève du milieu – après la suppression du DIC – n’a jamais abouti.
Ces principes généraux étant posés, Pdps vous offre une tentative de recensement du spectre politico-footballistique français. On ne prétend pas à l’exhaustivité, et comme on est jeunes et cons, on s’intéressera surtout aux exemples français récents.
La droite néo-libérale – Nicolas Anelka
Idole politique: Alain Madelin
Nico est individualiste, sur le terrain comme en dehors. Pas du genre à s’emmerder avec les formes. On peut trouver cela attachant, ou insupportable. Le gars a au moins le mérite de la franchise. Son interview à 20minutes en décembre dernier est une parfaite illustration de cette image façonnée depuis douze ans. “Je ne veux pas jouer au foot et payer (ndlr, aux impôts) 50% de ce que je gagne. L’argent que j’ai, il est pour mes enfants (ndlr, il n’en a qu’un pour le moment). Si je peux leur offrir quelque chose, je le ferais là où il n’y a pas de fiscalité. C’est comme ça que je le vois. Si certains sont choqués tant pis. Mais la France, c’est un pays hypocrite (…). En France, il y a un problème avec l’argent.”
La droite populaire – Sébastien Frey
Idole politique: Eric Ciotti / Amis: Eric Di Meco, Laurent Paganelli
Du nom de ce collectif de députés UMP se revendiquant de la “Nation, du patriotisme, et de la sécurité”. Le gardien de but de la Fiorentina, éternel cocu de l’équipe de France, avait défrayé la chronique en 2008. Autant on pouvait lui accorder le bénéfice du doute pour ses propos sur les “Noirs de l’équipe de France”, autant il semblait clair que Sébastien était partisan d’une ligne dure en matière de sécurité. “Tant en France qu’en Italie, nous n’avons pas fixé de limites et de règles sûres. (…). J’ai une maison sur les hauteurs de Nice et, le soir, j’ai peur de descendre en ville parce que circulent, sur les routes, des bandes qui font peur.”
Le centre – Fabien Cool
Idole politique: François Bayrou puis François Sauvadet / Amis: Marouane Chamakh
L’ex gardien auxerrois s’est engagé en politique fin 2002 pour “combattre l’extrême-droite”, nous apprend Wikipédia. Cool rejoint l’UDF et grimpe vite dans les échelons du parti centriste. Mais sans doute sceptique devant l’aventure bayrouiste, l’ancien footballeur de devoir qu’il était préfère rallier le Nouveau Centre d’Hervé Morin en 2007. L’année suivante, il est élu conseiller municipal d’Auxerre, dans l’opposition au maire socialiste Guy Ferez. En mars dernier, il reste du côté des losers, puisque la liste conduite aux régionales par François Sauvadet, sur laquelle il apparaît, est de nouveau battue.
La gauche socialiste – Vikash Dhorasoo
Idole politique: Bertrand Delanoë / Amis: Patrick Revelli
Consultant pour M6, blogueur, joueur de poker (et égérie d’un site de jeu en ligne)… l’ancien milieu de terrain se revendique “homme de gauche, ce qui est plutôt rare dans le foot”. Il soutient Ségolène Royal en 2007 et Bertrand Delanoë en 2008, lors de la campagne pour la mairie de Paris. Vikash aurait même récupéré une mission auprès des jeunes du 18e arrondissement: “Il s’agit d’établir un diagnostic sur les problèmes que rencontrent les 16-25 ans dans ces quartiers. Essayer de comprendre pourquoi ils se sentent exclus, pourquoi ils ne vont pas vers les structures existantes.”
L’anticapitaliste – Eric Cantona
Idole politique: Olivier Besancenot / Amis: Steve Savidan
Adepte des déclarations bien senties durant sa carrière (le sélectionneur Henri Michel n’étant selon lui “pas loin” du “sac à merde”), Canto régale toujours. Le grand raout sur l’identité nationale d’Eric Besson? “Un débat d’arriéré pour arriérés”. Pour lui, être Français, c’est d’abord être “révolutionnaire”.
“Que faire?”, alors, dirait Lénine. L’ancien rouge de MU a sa petite idée: “La révolution est très simple (…). Le système est bâti sur le pouvoir des banques, donc il peut être détruit par les banques. Au lieu qu’il y ait trois millions de gens dans la rue, si ces trois millions de gens vont à la banque et retirent leur argent, alors les banques s’écroulent.” Pas compliqué, “à la Spaggiari” qu’il dit. Eric, on partage ton cachet du dernier Ken Loach ?
>> Si vous avez d’autres souvenirs de prises de position politiques de footballeurs, laissez-les dans les commentaires.
Bonus track: les anciens de l’EDF qui s’engagent pour des causes un peu plus profondes que ELA:
Manu Petit: pour le Tibet, contre Lu et Danone
Karembeu: pour les Kanaks
Djorkaeff: contre la négation du génocide arménien
Sidney Maréval et Lilian Murati
C’est nul le “Eric, on partage ton cachet du dernier Ken Loach ?”
Son salaire on le partagera, quand effectivement, on aura casser les banque.
En attendant eric, il paye ses impots et c’est tout ce qu’on lui demande.
[…] Pour terminer, l’article politique de la semaine signé Plat du Pied Sécurité qui s’est amusé à trouver dans quel camp politique classer les footballeurs. C’est à lire ici. […]
“contre le génocide arménien” ça ne veut rien dire (vu qu’il ne faisait pas partie du gouvernement turc en 1915). “contre la négation du génocide arménien”, c’est mieux! 😉
@sev, merci, c’est en effet plus malin.
Marrant l’article. Pour d’autres exemples, voir l’article de football ravageur qui date de février 2010 : http://www.football-ravageur.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=1321:le-onze-des-footeux-engages-en-politique&catid=41:les-onze-ravageurs&Itemid=124
Cantona sur le terrain, il était parfait.
Aujourd’hui qu’il tente de devenir un acteur, c’est respectable.
Mais bon, il faut le reconnaître, ce n’est quand même pas l’acteur du siècle.
Cantona fait du cinéma parce qu’il s’appelle Cantona.
Ça s’arrête là. Il n’est pas vraiment crédible.
Vous l’avez vu sur un film de pub pour une voiture, c’est vraiment grotesque.
Concernant les banques, le capitalisme, l’argent, il n’a aucun argument, du banal.
Facile de critiquer les banques pour se mettre du côté de ceux qui n’en n’ont pas, les pauvres.
Cantona n’aime pas l’argent ?
Banco, qu’il le donne aux pauvres.