La CAN attise le foyer

TeddyBertinAvatarLes stars ivoiriennes contre l’équipe algérienne. Coach Vahid contre maître Saâdane. Plat du Pied Sécurité est allé suivre le quart de la CAN au foyer de travailleurs de la rue Bisson, à Paris. Au programme: réunion de délégués syndicaux, combo streaming+radio et vie politique guinéenne.

Foyer

Échauffement

Rendez-vous est pris dimanche après-midi. Au bout du fil, Brahim Camara, délégué du foyer de travailleurs migrants du 15 rue Bisson, dans le quartier de Belleville: “On ne parlera pas que de foot ? On discutera aussi des problèmes du foyer?” “Bien sûr”. Il est 20h quand on arrive sur place. Les cafés alentours sont déjà remplis de supporters Algériens qui se chauffent avant le quart contre la Côte d’Ivoire.

Dans la salle commune, on prépare un autre rendez-vous, de taille lui aussi: une réunion, mardi, avec l’Aftam, l’association chargée de la gestion du foyer. Aux commandes, Brahim et son boubou, Wagui et ses tongs. Ce sont les délégués des 146 travailleurs (en majorité Guinéens, Sénégalais, Mauritaniens et Maliens) qui crèchent ici. Des historiques. Le premier est arrivé en 1981, le second en 1983.

Ils ont vécu l’autogestion – expérience inédite – du foyer entre 1988 et 2003 (lire ce document pour plus d’informations). Puis l’arrivée de gestionnaires délégués par la mairie de Paris, propriétaire des locaux. D’abord l’association Soundiata Nouvelle, remplacée en 2007 par l’Aftam. Laquelle, selon les occupants, ne remplit pas ses obligations. “On ressent un abandon total au niveau de l’entretien: il y a des dégâts des eaux régulièrement, cet hiver il n’y a pas eu de chauffage sur deux étages pendant plusieurs semaines”.

Pourtant, les occupants payent: 325 euros par mois pour une chambre de 9m² (douches et sanitaires sur le palier), 280 euros pour une chambre de 20m², avec un colocataire. Le problème, c’est qu’il s’agit d’une redevance, pas d’un loyer. Conséquence, les occupants n’ont pas les droits de locataires classiques. Brahim, fraîchement élu le 5 janvier dernier pour un mandat de deux ans, a le sentiment d’être face à un “gestionnaire marchand de sommeil”. 20h45, la fin de la réunion approche. “Vous vouliez voir le match aussi, non?”. Pas faux.

Wagui, le sénégalais, joue au guide. Il n’y a pas de salle commune, alors chacun vaque à ses occupations à son étage. Pour les amateurs de foot, il faut soit aller à l’extérieur, dans un café, soit recourir au système D. Premier arrêt au troisième étage. Dans les couloirs, des mecs qui sortent de la douche. Toc toc toc, on tente de trouver un écran branché sur le duel Fennecs-Eléphants. Apparemment, il faut aller chez Arouna, au cinquième. La porte s’ouvre.

1ère période

Ça ressemble à une chambre de Cité U. Une kitchenette, en entrant à gauche. Puis, un lit et un bureau. Deux écrans sont allumés: celui de l’ordinateur retransmet la CAN, la télé est branchée sur Christophe Josse et le derby Inter-Milan AC. Improbable, mais parfait. “Entrez, prenez une chaise”. Nous avons été précédés: Arouna, Abdoulaye et Abdoulaye sont placés en enfilade. Sur le lit, il y a Abo et Kissima. Les présentations sont faites, le dispositif est rodé: “J’ai trouvé un streaming qui fonctionne bien sur iraqgoals.net”, explique Arouna.

Le premier jour de la CAN, ce Guinéen d’une quarantaine d’années, aux faux airs de Titi Camara, avait bien réussi à mater quelques matchs sur les chaînes satellitaires africaines. Mais depuis, Orange, qui a l’exclu’ de la compétition, a musclé son jeu. Les commentaires en arabe ayant leurs limites, la radio portable est, elle aussi, de la partie: Africa 1, avec son sosie vocal d’Eugène Saccomano: “Didier, Didier, Didier…..!!!! Ah non, il s’est fait subtiliser le cuir…”. “Il a fait son Salomon Kalou là”. RFI a bien mis le paquet sur la CAN, mais ses commentaires ne sont audibles qu’en Afrique. Atout charme, le décalage de deux minutes entre le son et les images.

Dans la pièce, manque de bol, il n’y a pas un Ivoirien, mais quatre Guinéens et un Malien, Abdoulaye de son prénom. Il a un regard triste quand on évoque le match de la honte. Arouna: “On est pour la Côte d’Ivoire, c’est la solidarité de l’Afrique de l’Ouest. Et puis tu sais, chez nous l’équipe s’appelle le Syli. Ça veut dire les Éléphants, comme les Ivoiriens”. Tiens, et si on prenait des nouvelles de l’ancienne sélection de Bobby Nouzaret ? “Ça ne va pas fort, mais ce n’est pas important, on avait d’autres choses à régler.” Fin des 45 premières minutes, le moment de parler politique.

Mi-temps

Car oui, le foot faisant bien les choses, on est tombé sur la chambre d’un militant de l’UFR, l’Union des Forces républicaines de Guinée. Le parti de Sidya Touré, ancien Premier ministre, réputé bon gestionnaire. “Dadis est fou, qu’il reste à Ouaga, balance Abo, en France depuis 1994. “Le plus important, c’est que le pouvoir revienne aux civils, maintenant.” Arouna, lui, a un petit souci informatique. Chargé de la trésorerie de l’UFR en France, il a besoin d’un coup de main sur l’en-tête d’un document.

ufr

On tente d’aider, à base de paint + word. Mais la dernière version du logiciel de traitement de texte est vicieuse: les minutes passent, le match reprend à la radio. On commence à percevoir des petits signes d’impatience dans la chambre… jusqu’à la délivrance, façon Trezeguet en 2000. Arouna est satisfait du résultat, on peut retourner sur iraqgoals.net. Pendant ce temps, l’Inter gagne 2-0 et Julio César sort un péno de Ronaldinho: “Il les tire toujours à gauche, c’est pas dur”, explique Arouna.

2ème période

C’est déjà la 65ème minute. Le match commence à traîner en longueur, mais nos hôtes régalent. Kissima part acheter deux grandes bouteilles de coca dans la chambre d’un voisin reconverti épicier, descendues dans des petits gobelets en plastique. On fait plus ample connaissance, aussi. S’il y a quelques sans-papiers dans le foyer, tous dans la pièce disent avoir un titre de séjour. Ils bossent “dans la sécurité, le ménage, le bâtiment”. Mettent de l’argent de côté pour leur famille, rentrent à Conakry tous les deux ou trois ans.

Arouna, chef de la sécurité dans un Darty, est en France depuis 1982. Il supporte l’OM, sûrement en souvenir des belles années d’Aboubacar Sidiki Camara sur la Canebière. Abo soutient le PSG, mais les deux savent se mettre d’accord quand il s’agit de se foutre de la gueule du FC Nantes, au détour d’un duel entre Djamel Abdoun et Emerse Faé.

Soudain, à la 89ème, un cri strident dans le poste: “Kader, Kader, Kadeeeeeeeeeerrrrrrrrr”. Oui, il semblerait bien que le fantôme lyonnais, qui tente désormais de servir des matches complets en Turquie, soit un héros. On attend les images avec impatience, craignant le malentendu. Las! Claude Puel peut tressaillir du menton, Keita a bien balancé une jolie mine dans les buts de Chaouchi. 2-1 pour les Éléphants, l’affaire semble pliée.

A peine le temps de digérer le but que la radio s’énerve de nouveau. Les Fennecs ont égalisé. La prolongation se profile, nouvelle peu réjouissante pour Abo, qui demain se lève à 5h du mat’, pour une prise de chantier à 7h à Nanterre. 22h44: mystères d’Orange, la télévision sénégalaise RTS1 se met soudainement à retransmettre le match. On peut quitter notre bon vieux streaming.

Sur le banc algérien, la moustache de Saâdane semble frémir. Les oranges se traînent sur le terrain et n’en finissent plus de “se faire subtiliser le cuir”. “Ah les renois… Ce sont des boucantiers, ils ont fait la fête toute la nuit”, décrypte Abo. Un peu comme les joueurs guinéens: “Bangoura, il est fort ouais… Fort avec les femmes surtout”. Le troisième but algérien arrive presque normalement, au milieu d’une défense ivoirienne apathique.

Comme dans tout match de foot qui se respecte, on entre dans le quart d’heure des analyses à l’emporte-pièces. “Mentalement, ils sont forts les Algériens, ils jouent en équipe. Comme l’Égypte d’ailleurs.” “On ne va pas dormir de la nuit, les Algériens vont faire la fête dans le quartier. Ce sont les plus nationalistes de tous.” “Gbagbo va foutre tous les Ivoiriens en prison.” Chaouchi, le héros de Khartoum, fait durer le plaisir et reste plus de dix minutes au sol durant les prolongations: “Ah, ils sont forts pour casser le rythme les Maghrébins”.

23h15. Les Algériens, qui auraient pu gagner 8-2 s’ils avaient un véritable avant-centre, sont qualifiés pour les demi-finales. Retour en studio, avec le Christian Jeanpierre sénégalais, pull à rayures rouges et violettes. Dehors, la fête commence.

Sydney Maréval

Un commentaire pour “La CAN attise le foyer”

  1. il a dit On ne va pas dormir de la nuit, les Algériens vont faire la fête dans le quartier. Ce sont les plus nationalistes de tous.
    oui c’est vrais on est les plus nationaliste on a toujours étaient fier de d’etre elgériens !!
    Les ivoiriens ont une trés belle selection et surtout des ataquants de gros calibre !! ce ce qu’on a pas nous !
    pas grave pas facile d’avoir tout

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