L’entraîneur est un beauf comme un autre

GravesenAvatarTeddyBertinAvatarC’est bien connu, le football est le sport le plus universel qui soit. Et le plus beau vecteur patriotique jamais inventé. Rançon de l’universalité, la surmédiatisation, qui ne plaît aux footeux, comme aux politiques et aux artistes, que lorsqu’elle leur est profitable. C’est à dire bankable.

Il y a peu de pays où le foot et la sélection ont autant d’importance qu’en Argentine. D’où l’inexorable besoin de se lâcher de Diego Maradona, au bord du précipice et remis en cause dans sa stature de demi-dieu par une presse indignée par les performances des joueurs.

Comme nous vous le montrions le lendemain du match face à l’Uruguay, El Diez a allègrement exprimé sa rancœur contre la presse: “A ceux qui ne m’ont pas cru, pardon aux dames, qu’ils me la sucent et qu’ils continuent de me la sucer.” Ou comment le presque meilleur joueur de l’histoire de ce jeu a craqué en direct.

Des propos qui ont même eu le don de réveiller le président de la FIFA Joseph Blatter, qui a annoncé l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre Maradona…  El Pibe, qui n’en a cure, a persisté sur la radio locale Radio Continental. “Je ne m’excuserai pas, cela m’a soulagé. Je ne reviendrai pas en arrière. De l’intérieur, nous avions l’impression que ces gens étaient anti-Argentins. Seuls ceux qui nous ont soutenu jusqu’au bout face au Pérou méritent la qualification. Ceux qui veulent mal prendre ce que j’ai dit, qu’ils le prennent mal“.

Avec Maradona, idole du peuple argentin et des barrios de La Boca, on a peut-être atteint le paroxysme du craquage en conférence de presse. Comme si la pression médiatique pouvait déconnecter pendant quelques instants les  neurones qui composent la cervelle d’un entraîneur.

Raymond, Jean-Marc, José…  pas aussi forts que Diego (ouf!)

Mais plus près de nous, c’est un autre artiste, Ray ventura, qui a habitué les journalistes à de grands moments de solitude. En 2008, l’ami Raymond a trusté les charts de la non-communication, passant du rôle auto-attribué de paratonnerre à celui de guignol.

Récap: à l’Euro, au sortir d’un nul “stratégique” contre la Roumanie et d’une branlée contre les Pays-Bas, les Bleus perdent contre les gérontes italiens et sont éliminés. Passées les excuses de rigueur (expulsion d’Abidal, blessure de Ribéry), Rayon lumineux n’a qu’un chose à dire: le fameux “je n’ai qu’un seul projet, c’est d’épouser Estelle, donc c’est aujourd’hui que je le lui demande” qui laisse même Franck Leboeuf bouche bée.

Réinstallé par un tour de passe-passe fédéral à la tête des Bleus, Raymond fourbit ses plus belles armes, se fait foudre de guerre. La France explose en Autriche, accroche le nul en Roumanie et voit venir au Stade de France la Serbie pour un match couperet, voir coupe-tête. Ce 9 septembre 2008, Domenech affronte la presse avec une arme inhabituelle chez lui, le premier degré (note: la rédac de Plat du Pied est divisée sur la question, certains saluant la référence historique de Ray, si improbable – et géniale – dans la bouillie jargonesque des footeux).

Un assaut contre la presse sans précédent dans l’histoire de l’équipe de France, et qui, au palmarès des dérapages de sélectionneur, permet à Raymond de succéder à Gérard Houiller, le DTN qui brûla en place publique David Ginola au soir de l’échec bulgare: “David Ginola a commis un crime contre l’équipe, je répète, un crime contre l’équipe”.

Les entraîneurs de club sont bien sûr eux aussi d’excellents clients. En France, Christian Gourcuff et Antoine Kombouaré se sont récemment livrés à une belle passe d’armes médiatique: “Gourcuff mérite des claques” balance le Kanak du PSG, après une vilaine attaque du Breton contre Makelele. Les deux sales gosses devront se racheter avec un peu de travaux d’intérêt général, pour défendre les “valeurs du football” (sic).

Le même Kombouaré qui était encore coach de Valenciennes lorsque son président Francis Decourrière traita l’arbitre Tony Chapron de “raclure de bidet“, un dérapage qui ne suscita pas plus d’émoi que cela dans la presse sportive française.

Il y a deux ans, c’est Jean-Marc Furlan qui avait fait les gros titres après son attaque contre Fabio Grosso, alors arrière-ailier gauche de Lyon. Pas du tout content d’avoir vu l’Italien simuler une faute pour faire expulser Eric Mouloungui, l’ancien coach de Starsbourg s’était lâché sur le coup “Italien de merde, maccaroni” puis en conférence de presse “On ne peut pas dire que l’Italien a renié ses gènes ou sa race”. Avant de s’excuser pour cette dérive raciste et d’éviter le procès intenté par la LICRA.

Les Italiens, eux, ont récupéré un joyau de provocation verbal depuis que José Mourinho a pris les rênes de l’Inter en 2007. Chaque semaine, il se prend la tête avec une presse relativement vindicative à l’égard du seul coach non italien de Série A. Et le “special One” ne s’en laisse pas compter, comme lors du récent après-match entre l’Inter et l’Udinese.

“Je dois me justifier tout l’année, et presque m’excuser pour mes 10 ans de carrière… je parle de ce que je veux… le passeport ne s’achète pas… De toute façon, je viens au point presse par obligation, le club m’y oblige, parce que sinon je ne veux plus vous parler ».

Mourinho qui n’hésite pas non plus à dézinguer ses pairs comme Luigi Del Neri, le coach de la Sampdoria: “Del Neri ? Ce n’est pas ma bête noire, ma bête noire, c’est mon assistant, pas Del Neri qui s’est fait licencier par Porto”. Ou encore Marcello Lippi, Ciro Ferrara, Fabio Cappello “celui qui dit que l’Inter doit gagner la Ligue des Champions ne connaît rien au football. Et je pèse mes mots, car au lieu de dire “rien” je pourrais employer des mots encore plus durs”.

Maradona devrait peut-être essayer le costard…

François Mazet et la rédac de Plat du Pied Sécurité

PS du 19 octobre:  En bon communiquant, Maradona allie le geste à la parole afin que son message soit bien compris des masses non hispanophones.

3 commentaires pour “L’entraîneur est un beauf comme un autre”

  1. Très juste !

    La seule petite excuse que l’on peut trouver à ces entraîneurs, c’est que les journalistes sportifs sont, aussi, parfois, des beaufs comme les autres. (surtout à la télé).

  2. Sinon, dans le genre pétage de plomb, y’a Capello qui interdit aux internationaux anglais d’envoyer des sms à table et plus suprenant… de porter des tongs à l’hôtel !
    Un joueur a manqué à cette interdiction, ce qui a provoqué la colère de l’italien qui a balancé son plateau dans le mur…

  3. Oh la la le but de Kostadinov, le truc à ne pas diffuser avant les barrages… Je n’étais pas encore en âge de suivre le foot à l’époque, mais ce but il m’a marqué. Espérons une issue plus heureuse face à l’Irlande…

    Sinon, vous êtes sponsorisés Chupa Chups ou quoi ? Parce que ça fait beaucoup de pub pour Maradona tout ça… 🙂

    Et ne ratez pas le Grand Test du Footeux :
    http://transversales.over-blog.com/article-test-quel-genre-de-footballeur-etes-vous–37843581.html

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