La carte plastifiée a le même format qu’une Visa, mais en plus, elle supporte les passages en machine à laver. Il n’y a ni puce, ni piste magnétique, juste 18 recommandations, écrit en petits caractères, utiles si vous vous retrouvez en garde à vue. Suivent les coordonnées de Maître Kami Haeri du cabinet parisien August & Debouzy qui organise des séminaires concis sur les risques encourus par des cadres dirigeants, ou pas, en matière de droit pénal.
Une précision pleine de saveur pour commencer. Le policier qui mènera la garde à vue vous rappellera tous vos droits, sauf un: le droit au silence. Sur celui-ci, il gardera précisément le silence.
Pour le reste, vous pouvez faire appel à un avocat dès la première heure. Enfin, vous pouvez demander à ce que l’on joigne un proche ou un avocat. Votre interlocuteur n’est pas tenu d’y parvenir, il doit essayer. Nuance. Idem, si la garde à vue est renouvelée pour 24h00. A ce moment-là, c’est un médecin que vous pourrez solliciter. Il pourra rester une demi-heure et vous examiner sommairement et vous administrer des cachets de Nurofène ou d’Advil, selon dispo. Une fois les droits notifiés, le procureur de la République informé, les choses sérieuses démarrent avec la rédaction du PV.
La mère de toute les recommandations est: «Ne vous laissez pas impressionner par vos interlocuteurs.» Facile à dire pour des gens sortis des meilleurs élevages de la République. Passez-vous et repassez-vous Garde à vue, avec Lino Ventura, Michel Serrault et Romy Schneider, si vous êtes né sous René Coty. Sinon, préférez tout épisode d’une quelconque série policière. A vous de choisir. On peut aussi s’abreuver de documentaires, de reportages sur l’arrestation des derniers réseaux terroristo-proxénéto-casseurs de coffres. Ils tournent en boucle la nuit sur les chaînes de la TNT.
Vous êtes prêt? Alors une autre recommandation tombe sous le sens. (Quoique..) «Ne répondez qu’à la question posée.» Un exemple cité par Me Haeri, éclaire le propos. La question est: «Pouvez-vous me donner l’heure?» La réponse est: «Oui, je le peux.» On ne vous a pas demandé l’heure, on vous a demandé si vous aviez une connaissance de l’heure. Vous suivez?
Autre évidence: «Vous avez le droit de ne pas savoir, ou de ne pas vous souvenir.» Très compliqué pour des cadres dont le premier réflexe est de répondre à toute demande, à toute question dans un délai aussi bref que possible. Dans le cas d’une garde à vue, il faut rebooter le disque dur et introduire fissa les réponses suivantes: «Je ne sais pas, je ne me souviens pas» ou, pour faire plus sophistiqué, «je ne dispose pas en l’état des éléments qui me permettent de répondre à votre question». Mais faites attention: ce n’est pas l’oral de l’ENA, une réponse brève et factuelle fait gagner du temps à tout le monde.
Il convient encore de «ne pas sonoriser les silences». C’est vrai entre gens bien éduqués, vous savez qu’il n’est pas convenable de laisser le silence s’installer. Et bien là, au contraire, laissez-le s’installer, prendre toute la place et laissez tourner la montre. Au bout de 48h00 max, ce sera fini. Sauf, évidemment, si vous êtes dans une affaire de terrorisme. Ça peut monter à 96h00. Mais là, en général, vous avez suivi quelques entraînements. Au bout de 48h00, la vie reprendra son cours. En principe.
Et puis attention au «off». Avant, on appelait ça la «pause cigarette». Avec l’interdiction de fumer dans les locaux publics, ça a changé, c’est devenu le «off». Le policier s’arrête de taper sur son clavier, et il paraît plus détendu, plus proche. Refermez-vous ou restez sur vos gardes. C’est le cas de le dire et de se le rentrer dans le crâne.
Une dernière chose : «Lisez attentivement le procès verbal et signez uniquement si vous êtes d’accord sur tout.» Bon, cela suppose d’avoir toute sa tête! Vous pouvez aussi faire des remarques ou faire reformuler les questions et les réponses. N’attendez pas que l’on vous remette une copie du document dans une enveloppe. Le scénario s’écrira sans vous.
Dès la sortie, appelez votre avocat pour essayer de reconstituer les tenants et les aboutissants de l’affaire. Pour cerner la ou les questions posées, vous ne serez pas le mieux placé, il vaut mieux avoir des neurones indemnes.
Quelques «recos», pour parler vite, pour une perquisition. Là, il est préférable d’avoir préparé les choses à l’avance. L’opération peut démarrer à 6h00 du matin ou avant 21h00. Si vous êtes très matinal, pas de soucis. Sinon, c’est le gardien, l’homme ou la femme de ménage, qui sera désigné comme témoin par l’officier de police judiciaire. Pas terrible, si vous voulez suivre les choses et essayer de comprendre ce que l’on vous reproche. Mieux vaut laisser un numéro de téléphone au gardien, pour dépêcher sur place l’interlocuteur qui pourra orienter les enquêteurs, ou les désorienter, comme vous voulez. En tout cas, mieux vaut qu’il comprenne ce qui se passe parce que sinon, ne comptez pas sur les enquêteurs pour être informé. Ils n’ont de compte à rendre qu’au juge d’instruction.
Ah, encore une chose, glissez la petite carte entre la Visa Premier et l’American Gold. On ne sait jamais.
PhDx
Photo: Lino Ventura et Michel Serrault dans Garde à vue, film de Claude Miller / © Collection Christophe L.
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par Arnaud@Thurudev et Jerick Develle, Jerick Develle. Jerick Develle a dit: Conseils à destination des cadres bien élevés avant une garde à vue http://bit.ly/9EsqYT (via @arnaud_thurudev) […]