Combien gagnent les patrons du CAC-40? 155 millions d’euros. Combien sont-ils? Une soixantaine. Qui sont-il? Des hommes. Que des hommes, zéro femmes. Et 6 étrangers, pas un de plus (deux Italiens, un Néerlandais, un Allemand, un Anglais et un Suédois). Quand à la diversité ethnique, il n’en est pas question.
Revenons au plus simple. Pour l’année 2009, ils ont gagné 155 millions d’euros. Soit, c’est beaucoup d’argent puisque cela donne une rémunération annuelle moyenne de 2,5 millions €. C’est à la fois simple et faux. 155 millions d’€ représente la somme qui leur a été versée en salaire et en stock options par l’entreprise, ou les entreprises, dont ils sont président-directeur général, directeur général, président du conseil d’administration ou président du directoire… Un exemple: Henri Proglio siège dans 36 conseils différents et préside pour quelques mois encore EDF et Veolia Environnement. Il faudrait être moine bénédictin pour faire l’addition de ses revenus. Nous ne croyons pas en l’éternité. Manque de temps.
Et puis l’essentiel est ailleurs. Il se trouve dans la complexité et dans les détails où, dit-on, le diable va se nicher. Pour tout un chacun, un salaire est un salaire. Là, pas du tout. Il faut compter cinq ou six rubriques possibles comme le salaire fixe, le salaire variable, le salaire exceptionnel, les stock options, les actions gratuites et les «avantages en nature». Ah, les avantages en nature, sans conteste la manière la plus touchante de payer un patron. Le montant paraît modeste puisqu’il est compris entre 2.500 et 5.500€. L’administration fiscale semble regarder ça de manière tatillonne, mais cela permet tout de même de couvrir des dépenses indispensables comme une voiture de fonction ou un téléphone portable. On imagine l’apostrophe du patron inquiet des décisions du comité des rémunérations du groupe chargé d’arrêter un chiffre: «Eh, n’oubliez pas les avantages en nature!»
Prenez Lars Olofsson, l’homme chargé de redresser les comptes de Carrefour, en même temps que le cours de Bourse. Pour l’instant, c’est pas ça, mais il a touché près de 10 millions d’euros pour l’année 2009. Faisons l’addition: 2.845.194€ pour le salaire fixe, le variable, les jetons de présence, 6.396.200€ en stock options ou actions gratuites et 3.776€ d’avantages en nature. Soit un total de 9.245.170€ et une place de numéro 1.
Curieusement, cette place de salarié le mieux rémunéré, doit un peu l’embarrasser puisqu’il se retrouve juste devant Bernard Arnaud, son patron. Le premier actionnaire de Carrefour affiche un revenu de 7,4millions d’€ en 2009, comme président de LVMH. Bien sûr, l’avantage de Lars Olofsson est fictif puisque Bernard Arnaud peut compter sur des revenus qui lui viennent de sociétés non cotées, comme Groupe Arnault SAS, mais tout de même, ça la fiche mal.
Pour la complexité du mode de calcul des revenus d’un patron, on peut se tourner vers Vinci. Xavier Huillard bénéficiera d’un programme d’incitation à long terme qui lui permettra de gagner: «16.600 fois la valeur de l’action Vinci pour autant que le ROCE [retour sur les capitaux investis) excède 6% et 41.500 fois la hausse de l’action Vinci constatée sur une période d’un an pour autant que la performance de l’action Vinci par rapport à celle d’un panel d’au moins 10 sociétés européennes du secteur de la construction et des concessions d’infrastructures soit au moins égale à +5%.»
Ne soyons pas injuste, il existe des patrons qui renoncent aux avantages en nature. Peu. Serge Kampf, le seul créateur de la liste, l’homme qui a sauvé l’honneur de la France dans l’informatique côté soft, avec Cap Gemini, n’a ni avantages en nature, ni stock options, ni actions gratuites, ni jetons de présence, ni rémunération exceptionnelle, et se classe au 56e rang du classement 2009. Mieux, comme les résultats n’étaient pas à la hauteur des objectifs, et que cela pesait sur la rémunération de son état-major, il a réduit la part variable de son salaire de 20%.
Bon, mais il n’y a pas un seul et unique patron vertueux dans l’Hexagone. Vingt-cinq dirigeants ont renoncé à l’attribution de stock options ou d’actions gratuites. A notre connaissance, deux autres ont abandonné la partie variable du salaire: Louis Gallois (EADS) et Frédéric Oudéa (Société Générale). Louis Gallois, le patron d’EADS, la maison-mère d’Airbus, a tiré un trait sur 1.141.250€ se contentant des 900.000€ de la partie fixe. Bien sûr la valeur des actions qui lui ont été attribué s’élève à 625.000€, et il affiche un revenu de 1,5M€. Pas de quoi pleurnicher. Mais le geste est là. L’année n’a pas été bonne pour le conglomérat européen et cela se voit dans la rémunération du boss. Et pour l’anecdote, le voilà qui passe du 20e au 43e rang du classement des patrons français. Les membres du conseil d’administration, eux, ont préféré conserver leurs jetons de présence à l’exception de Lakshmi Mittal. Pour les autres, le sacrifice était, il est vrai, difficile: chez EADS, la rémunération des administrateurs loin d’être symbolique s’élève en moyenne à 150.000€.
Frédéric Oudéa, le PDG de la Société Générale, a également renoncé, pour la deuxième année consécutive, à la rémunération variable et aux jetons de présence. Daniel Bouton, lui, fait une dernière apparition dans les comptes de la banque. L’ancien patron affiche 405.000€ à la rubrique Montants payés pour l’année 2009.
Il faut enfin signaler la présence de deux cumulards dans la liste des patrons du CAC-40: Henri Proglio et de Philippe Camus. Le premier devrait abandonner prochainement la présidence de Veolia pour permettre un rapprochement capitalistique avec EDF. Le second assure à la fois la fonction de co-gérant de Lagardère et de président du conseil d’administration d’Alcatel. Avec ses deux salaires, il reste pourtant au 22e rang du classement des patrons du CAC-40 avec 2,4M€. Le seul patron à travailler vraiment plus ne gagne finalement pas beaucoup plus. Ça a quelque chose de décevant, finalement.
PhDx
Source: OFGRecherche (ofgrecherche.com)
(1) Manque à notre liste Georges Pauget (ex-Crédit Agricole, 987.040€) et Pierre Gadonneix (ex-EDF, 728.994€) qui ont quitté l’entreprise en cours d’année. Ils ont été remplacés par René Carron et Henri Proglio.
Il est absurde de vouloir augmenter la taxation des stock-options qui non seulement représente 2% de la masse salariale mais surtout qui déjà fiscalisée à 52,1% (à comparer à la dernière tranche marginale d’imposition de 40%) !
Cela coûte déjà plus cher fiscalement parlant de détenir des stock-options que de percevoir des primes et des bonus !
De la part de Stockblog (http://blog.joptimiz.com/), blog dédié aux stock-options et pour leur démocratisation