Meetic sort du rouge mais l’avenir n’est pas tout rose

L’amour et l’argent entretiennent des rapports un peu compliqués. Pour les mots, il y a l’inspiration poétique ou romanesque, faite de licence(s) et d’imagination, pour les chiffres il y a les comptes de Meetic. Plus brutal, mais plus précis. En tout cas, l’amour, ou la rencontre sur internet, n’est pas prêt de s’essouffler et semble échapper à toute crise. Le chiffre d’affaires de Meetic a progressé de 19% l’année dernière (158M€). Mais les rencontres, ou les approches amoureuses, se comptent en abonnés. Le groupe Meetic en compte 844.000 à travers le monde soit 209.000 de plus par rapport à 2008, soit une augmentation de 33%.

Mais tout n’est pas rose dans le ciel de la rencontre numérisée. D’abord, pour réaliser une telle croissance Meetic est allé faire ses courses à l’étranger, en prenant le contrôle de trois concurrents : DatingDirect et Match.com en Angleterre, Neu.de en Allemagne. La croissance du nombre d’abonnés vient en fait en totalité de ces acquisitions. En juin 2009, Meetic affichait 670.000 abonnés auxquels venaient s’ajouter 276.000 clients de Match.com. Résultat, sans croissance externe pas de croissance. Et surtout le nouveau venu semble un peu pingre. La revenu moyen par abonné est en effet passé de 200€ (17€/mois) à 187€ (16€/mois). Mais bon, tous comptes faits, Meetic est sorti du rouge dans lequel il était en 2008 (-6,3M€) avec un bénéfice de 12M€.

Et pour séduire un nouvel abonné ça coûte de plus en plus cher: 40€ en moyenne sur l’année, près de 60€ l’année dernière. Alors quand on le tient, on ne le lâcher pas. On s’attache. A priori, on se dit que le but du site étant de permettre à des hommes et à des femmes de se rencontrer. La rencontre faite devrait logiquement déboucher sur la perte de deux clients. Eh bien pas du tout, Meetic surveille de très très près le taux de désabonnement mensuel. Il lui a même donné un nom à éternuer, le “churn”. Et depuis 2 ans, bonne nouvelle, le churn se stabilise à 14%. C’est bien (pour l’actionnaire) et c’est pas bien (pour le client).

Quoique, le client de Meetic ne recherche pas vraiment “l’autre”, aujourd’hui il est en quête “d’autres” partenaires. On ne parle pas d’une rencontre, mais de rencontres. D’où, un espoir de croissance qui s’appuie sur trois faits : “l’accroissement du nombre de personnes vivant seules”, “un statut de célibataire assumé” et “une perception de plus en plus favorable de l’utilisation d’Internet pour nouer des rencontres amoureuses.” Dès lors, l’abonné tend à allonger son contrat avec Meetic, voire à s’installer pour longtemps. Et là tout le monde s’y retrouve, surtout Meetic.

Alors faut-il devenir actionnaire de l’amour potentiel sur le net (FR0004063097- MEET)? Peut-être, mais la lecture du document de référence 2010 n’est pas à proprement parlé encourageant. Il comporte une quinzaine de pages pour prévenir des risques que prend l’épargnant en s’approchant. Il n’y a guère qu’un domaine qui échappe à la toujours possible catastrophe à venir : l’environnement. “La nature des activités du Groupe, tant au titre des rencontres par Internet et téléphones portables, qu’au titre des événements « Live » n’entraîne pas de risques significatifs pour l’environnement.” Pour le reste entre le développement des réseaux sociaux et la troisième guerre mondiale, il faut s’accrocher.

Encore un chiffre sur l’amour internétisé. Une petite règle de trois doit nous permettre d’avoir une idée du marché en Europe. Meetic revendique 13% de l’audience (1) des sites de rencontres en Europe, il dépasse probablement le milliard d’euros.

PhDx

(1) La notion de part d’audience combine le nombre de visiteurs uniques sur un mois et le temps moyen passé chaque mois par ces mêmes visiteurs uniques. Source : Mediametrie/NetRatings, janvier 2010

5 commentaires pour “Meetic sort du rouge mais l’avenir n’est pas tout rose”

  1. Bonjour
    Très bonne analyse, merci de souligner le paradoxe de ces sites : avoir un taux de churn le plus faible possible alors que s’ils étaient aussi efficaces que ce qu’ils promettent, ce dernier devrait être énorme.

  2. Je me suis fait cette réflexion, mais elle est vertueuse. Nous pensons, vous et moi, que les clients de Meetic viennent chercher “une” rencontre. En fait, ils viennent chercher “des” rencontres. A bientôt. PhDx

  3. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par Datingwatch. Datingwatch a dit: Sur Slate : Meetic, sorti du rouge mais … https://blog.slate.fr/phdx/2010/05/05/meetic/ […]

  4. […] Meetic : interrogations après les résultats Une analyse intéressante de Philippe Douroux, ancien rédacteur en chef à Libération et à Télérama et ex-rédacteur aux Echos et à La Tribune. L’auteur y analyse les résultats de Meetic à l’aune de ses acquisitions et fait le constat que la croissance, sur 2009, n’est venue uniquement de ses acquisitions et non de la base des membres des services historiques (quid de Meetic Affinity ?). Le revenu par abonné est plombé par des coûts d’acquisition très élevés, mais est compensé par un taux d’abandon (tchurn) qui s’est stabilisé à 14%. Bien entendu, ce taux peut être considéré de deux façons : d’un côté il montre que les utilisateurs croient en Meetic (faute de quoi ils ne resteraient pas sur le service), de l’autre il ne fait que souligner la relative inefficacité du service (quel est l’intérêt de rester sur le site, une fois que l’on y a fait LA rencontre?). A moins que les utilisateurs de Meetic cherchent à faire de multiples rencontres…quitte à ce qu’elles soient moins belles 🙂 Source […]

  5. Si le taux de renouvellement mensuel est de 14%, on en déduit qu’un abonné reste en moyenne 7 mois sur le site. Ça me semble tout à fait raisonnable comme durée pour faire LA rencontre.
    C’est de plus proche de 6 mois, la durée d’abonnement recommandée par Meetic…

    Mais se désabonne-t-on parce qu’on a trouvé, ou bien parce qu’on a perdu espoir de trouver sur un tel site ?

    Il reste la pratique contestée de réabonnement automatique qui mécontente pas mal d’abonnés.

    Bref, sans précisions, difficile d’en tirer des conclusions.

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