Un tiers pour les salariés, un tiers pour le capital… “ce serait les 35h00 de la droite”

Il faut reconnaître à Nicolas Sarkozy une certaine pugnacité. Cela va faire un an que le Président de la République répète que les bénéfices des entreprises doivent être divisés en trois parts égales : 1/3 pour les salariés, 1/3 pour les actionnaires et 1/3 pour les investissements. Cela fait un an qu’économistes, hauts fonctionnaires de Bercy, syndicalistes et patrons cherchent le sens d’un tel partage. Sans le trouver. Personne ne voit comment avancer sur une mesure jugée “ni possible ni souhaitable”. Il n’empêche Nicolas Sarkozy revient avec sa mesure toute simple : 1/3, 1/3, 1/3… Cela ressemble à “un Jour sans fin”, ce film dans lequel Bill Murray revit sans cesse la même journée… C’est l’histoire de la mesure sans fin. Elle commence le 5 février 2009 à la télévision, elle s’achève (provisoirement) à la télévision le 25 janvier 2010.

Jeudi 05 février 2009. Lors d’une intervention radiotélévisée, le chef de l’Etat aborde avec fougue la question du partage des profits des entreprises. “Le compte n’y est pas pour les salariés”, et de dénoncer “le siphonage des profits par les actionnaires”, peut-on lire dans Le Monde“Comment on arbitre entre le souhait légitime des actionnaires de gagner de l’argent avec les entreprises et la demande des salariés d’être associés aux bénéfices des entreprises dont ils ont contribué à créer la richesse ?” se demande Nicolas Sarkozy. “Cela fait bien longtemps que je pense que la règle des trois tiers est une bonne règle, a expliqué M. Sarkozy. Sur 100 de bénéfices, il devrait y en avoir 33 qui reviennent aux salariés, 33 qui vont directement dans la poche de l’actionnaire et 33 qui servent à être réinvestis dans l’entreprise.” Voilà posée la doctrine des “trois tiers”. Les partenaires sociaux doivent s’emparer du sujet et se mettre d’accord. Dans les jours qui suivent, chacun cherche à comprendre les données du problème

Mercredi 18 février. Le Président de la République convoque un sommet social et demande aux partenaires sociaux de se retrouver autour d’une table pour étudier la question des inégalités et celle de la répartition des profits. A la sortie du sommet social Laurence Parisot lâche que “les profits des entreprises doivent être divisés en deux: entre les dividendes et l’autofinancement.” Pour la présidente du Medef, les bénéfices se partagent en deux pas en trois. Devant la perplexité de ses interlocuteurs, Nicolas Sarkozy écrit au directeur général de l’Insee, Jean-Philippe Cotis, pour qu’il rédige un rapport éclairant le débat.

Jeudi 26 mars. Pour ceux qui n’auraient toujours pas saisi que le chantier des “trois tiers” est bien ouvert, Nicolas Sarkozy y revient, lors d’un déplacement à Saint-Quentin, dans l’Aisne. “Ce débat aura lieu et les résultats seront au rendez-vous”, peut-on lire dans le compte-rendu du déplacement, sur le Portail du gouvernement. Et si les partenaires sociaux n’avançaient pas assez vite, un projet de loi sera présentée à l’automne.

Jeudi 9 avril. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, ouvre un atelier de réflexion au sein de l’UMP, et promet des propositions pour le mois de mai et rappelle que “Nicolas Sarkozy a répété qu’à défaut d’un accord entre partenaires sociaux, un projet de loi serait présenté “à l’été“”. Soit.

Mercredi 13 mai. Le Rapport Cotis arrive enfin à l’Elysée. Que dit-il? Qu’il y a deux moyens de mesurer la part de la richesse créée par une entreprise: la valeur ajoutée et le bénéfice. La première va pour 67% aux salariés et 8,25% aux actionnaires. A l’évidence le Chef de l’Etat parle d’autre chose. Les statisticiens se penchent alors sur les profits des entreprises non financières: 57% est consacré aux investissements, 7% aux salariés (participation et intéressement) et 36% à la rémunération du capital. Difficile dans ces conditions de trouver un partage avec 1/3 pour l’investissement, 1/3 pour les salariés et 1/3 pour les actionnaires. A moins de tailler sévèrement dans les sommes consacrées aux investissements. Ce que personne, ni les syndicats, ni le patronat, ni les économistes d’ATTAC, ni les économistes libéraux ne préconisent. La règle des “trois tiers” paraît hors de propos. Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement évoque pourtant une réunion patronat/syndicats programmée pour le 27 mai, et précise que «c’est sur la base de ces travaux et de ces propositions que le président de la République et le gouvernement seront amenés à se prononcer». Libération.fr (13/05/09).

Jeudi 14 mai. Cette fois Nicolas Sarkozy reprend la plume et écrit à Bernard Thibaut, à ses homologues et à Laurence Parisot. Il leur demande par lettre des propositions en se basant sur le Rapport Cotis. Un rendez-vous est même fixé pour le 15 juillet 2009.

Vendredi 15 mai. L’UMP brandi l’arme législative. Une proposition de loi sera déposée avant l’été…

Vendredi 29 mai. François Fillon reçoit les membres du Conseil d’analyse économique (CAE) qui semblent enterrer définitivement l’affaire. Ce groupe d’économistes chargé de conseiller le Premier Ministre, rend un rapport sans équivoque. Christian de Boissieu écrit dans l’introduction d’un texte de 124 pages intitulé “Le partage des fruits de la croissance en France” : “Il apparaît aussi que certaines interventions sur la répartition de la valeur ajoutée et des profits pourraient entraîner des chocs négatifs sur les marchés d’actions, des phénomènes de délocalisation d’activités et une augmentation du chômage. Plutôt que de contraindre le partage des profits, le rapport éclaire les potentialités de l’épargne salariale et recommande d’utiliser plus activement la fiscalité pour réduire les inégalités (…)”. Curieusement, le Portail du gouvernement ne retient qu’une photo de la réunion de Matignon, et n’en dit pas un traître mot.

Mercredi 1er Juillet. Le Chef de l’Etat reçoit à l’Elysée les partenaires sociaux pour faire le point sur la politique mise en œuvre pour lutter contre la crise. Il lance une phase de concertation syndicats-patronat qui doit durer jusqu’en octobre à propos du grand emprunt et demande des propositions concrètes pour le 15 juillet. Le compte-rendu de la réunion disponible sur le Portail du gouvernement, ne fait pas état de la règle élyséenne du partage des profits.

Mardi 07 juillet. Nicolas Sarkozy  précise à nouveau sa pensée dans une lettre adressée aux organisations syndicales et patronales.  “Il souhaite recevoir le 15 juillet, comme convenu avec les partenaires, leurs propositions sur le “partage de la valeur ajoutée“, “des profits“ et “les écart des rémunérations“”, relate le site du gouvernement.

Mercredi 15 juillet. Ce n’est pas une proposition qui arrivent à l’Elysée, mais une série de lettres. Chacun y va de sa missive. FO, la CGT, le Medef, la CGPME, la CFDT, la CCG font des propositions en ordre dispersé. L’UMP a mis sur le papier une série d’idée : “supprimer les bonus d’arrivée («golden hello ») et les retraites chapeaux, d’imposer une répartition différente pour les « surprofits » des entreprises (générés par la hausse des matières premières) ou encore de limiter davantage le nombre de mandats d’administrateur dans les sociétés cotées.” Les Echos (15/07/09). Personne n’avance la règle d’un partage égal des profits en trois parts égales.

Mercredi 16 septembre. L’été est passé et rien n’est venu, ni propositions ni loi. La chronique des “trois tiers” rebondit pourtant en septembre. Les Echos note que le Medef et les organisations représentants les salariés se sont mis d’accord sur le contenu de négociations: “la gouvernance, l’évolution des institutions représentatives du personnel (IRP), les parcours professionnels des responsables syndicaux et le partage de la valeur ajoutée.” On se donne du temps puisque le premier rendez-vous est arrêté pour le 19 octobre, avec une réunion préparatoire le 6 octobre.

Lundi 25 janvier 2010. En octobre, rien à noter. Les négociations, les propositions, les propositions de loi tout a disparu dans un immense trou noir… jusqu’à la déclaration présidentielle brève et concise du 25 janvier dernier. Question: “Pouvez-vous nous dire ou en est l’idée du partage des profits des entreprises en trois parts égales? Qui freine? Les patrons? Les syndicats? Vous?” Réponse: “Je reste attaché à cette idée. J’ai demandé au patronat et aux syndicats de se mettre d’accord sur cet objectif. S’ils n’avancent pas je serai obligé, contraint de passer par la loi.”

Un mail adressé au service de presse de l’Elysée n’a pas de réponse. Nous avons en revanche obtenu des éléments de la part du cabinet de Christine Lagarde. “Le rapport Cotis a permis de mettre à plat le constat. Notre souhait est de voir les partenaires sociaux avancer. Cela prend du temps, mais c’est un sujet sérieux et il n’est pas souhaitable de légiférer en la matière. On nous reproche le trop plein de loi…”, remarque un conseiller de la ministre de l’Economie et des Finances. La règle des “trois tiers”? “Il ne faut pas la totémiser. L’objectif est que les salariés soient davantage associés aux bénéfices des entreprises, mais c’est aux partenaires sociaux de trouver le bon équilibre.

Du côté des syndicats et du Medef on observe un silence gêné. Emmanuel Mermet, économiste à la CFDT, s’amuse de voir ressurgir une idée qui ne paraît “ni possible ni souhaitable. Ce que nous regardons c’est l’augmentation des dividendes versés aux actionnaires alors que dans le même temps les entreprises se sont endettées pour financer leurs investissements. Nous regardons la baisse du salaire nette liée à l’augmentation d’un certain nombre de charges ou encore l’augmentation des inégalités entre salariés, avec par exemple la hausse du temps partiel non choisi.” A l’entendre, le partage des trois tiers n’est pas un sujet qui vaille la peine que l’on y consacre du temps. Cela fait longtemps que le sujet était sorti de leur esprit avant d’y revenir le 25 janvier.

PhDx

Un commentaire pour “Un tiers pour les salariés, un tiers pour le capital… “ce serait les 35h00 de la droite””

  1. Si vous avez besoin de convertir les fichiers (TXT, image, Word, PPT, DjVu, CHM, RTF) en PDF, ne vous inquiétez pas, il suffit que quelques clics, OX PDF Créateur vous aide dénouer presque tous les problèmes sur la conversion de fichier PDF, essayez rapidement http://www.oxpdf.fr/pdf-creator.html
    http://www.oxpdf.fr/word-to-pdf-converter.html
    http://www.oxpdf.fr/chm-to-pdf-converter.html
    http://www.oxpdf.fr/text-to-pdf-converter.html
    http://www.oxpdf.fr/powerpoint-to-pdf-converter.html
    http://www.oxpdf.fr/excel-to-pdf-converter.html

« »