Haïti : qui donne? qui reçoit? l’argent va-t-elle aux victimes?

Nous tenterons ici de faire régulièrement le point sur les dons recueillis par les ONG auprès des particuliers pour venir au secours des victimes du tsunami. Cette enquête sera régulièrement mise à jour en fonction des nouvelles informations.

“All we need is money”.
Longtemps une banderole barrait la façade de l’hôpital pour enfant de Siem Reap (Cambodge), sur la route d’Angkor Vat, construit par Beat Richter, médecin et violoncelliste. Transformant la chanson des Beatles : “All we need is love”, “tout ce dont nous avons besoin c’est d’amour” en “tout ce dont nous avons besoin c’est d’argent”. A Port-au-Prince, il faut et il faudra beaucoup d’argent pour sauver, soigner et nourrir les victimes du tremblement de terre qui a frappé Haïti, le 12 janvier 2010. Difficile de savoir combien d’argent les Français ont donné depuis une dizaine de jours. Selon une enquête de l’AFP, les 10 plus importantes ONG françaises auraient reçu 40 millions d’euros de la part des particuliers, d’organismes ou d’entreprises, 13 jours après le séïsme.

Entre 214 et 250 millions de dons après le tsunami.

Un montant qui serait déjà au niveau du total des dons des particuliers en 2004 et 2005. Dans un rapport de la Cour des Comptes arrêtait le chiffre de 214 millions d’euros. Un chiffre qui rejoint l’effet “tsunami” sur les dons déclarés au fisc évalué à 250 millions d’euros, par le Centre d’étude et de recherche sur la philanthropie (CerPhi) dans une étude (1) parue le 3 décembre dernier. Antoine Vaccaro, l’un des auteurs de l’étude du CerPhi, évoque dans Le Monde le chiffre de 100 millions d’euros! L’étude met pourtant en évidence une augmentation du nombre de dons (2) et du montant total des dons récupérés (3) par 23 associations au cours des six premiers mois de 2009.

1/ Qui donne?
La totalité des dons publics ou privés recueillis pour le tsunami au large de l’Indonésie, avait atteint 328 millions d’euros, selon la Cour des Comptes.
Les particuliers avaient apporté 214 M€, soit 65% des dons.
Les entreprises: 62 M€, 19%.
Des organismes privés: 16 M€, 5%
Financements publics (Etat, collectivités locales) : 23 M€, 7%.
Financements européens (UE): 6,5 M€, 2%.

2/ Qui reçoit ?
Neuf ONG avaient recueilli 90% des dons faits après le tsunami de 2004.
La Croix Rouge: 116 M€, 35% des dons.
Unicef: 57,5 M€, 17%.
Secours Catholique: 36,5 M€, 11%.
Fondation de France: 20,6 M€, 6%.
Secours Populaire Français: 14,5 M€, 4%.
Action Contre la Faim: 14,3 M€, 4%.
Médecins sans Frontières: 13,2 M€, 4%.
Médecins du Monde: 11,5 M€, 3,5%.
Handicap International: 10 M€, 3%.

3/ A qui donner?
La Fondation Prométheus animée par Bernard Carayon, député UMP du Tarn, et Jean-Michel Boucheron, député PS d’Ille et Vilaine, note de 0 à 10 les organisation non gouvernementales qui font appel à la générosité publique. La moitié de la note provient d’une évaluation de la transparence financière, l’autre de la gouvernance. Pour le Baromètre 2009, Prométheus a décortiqué les comptes et les organisations 92 ONG qui agissent dans le domaine de l’écologie, de la santé ou la gouvernance publique. Résultat : elles peuvent mieux faire puisque la moyenne est de 4,3/10. Si elle frise la moyenne (2,4/5) pour la transparence de la gouvernance.

Les bons élèves sont connus et reconnus. Médecins du Monde à 10/10, la Croix Rouge, ou Comité d’Aide Médicale ont 9/10. Médecins sans frontières France et MSF International, Les Amis de la terre, Good Planet ou Oxfam International affichent un 7/10. Trois ONG (A SEED Europe, Objectif 21, Transnationale & Cie), peu connues sont notée 0/10. Mais il y a aussi un lot d’ONG connue qui ont du travail pour améliorer leur note : Greenpeace (5),  ATTAC (4), ou France Liberté (4). La Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (Criirad) qui milite pour la transparence de l’industrie nucléaire affiche un paradoxale 1/10. Pour le Secours Catholique, le Secours Populaire, l’Unicef ou Action Contre la Faim (ACF) ne sont-ils absents de l’évaluation? Pierre Fluxia, directeur général de Prométheus, estime que la fondation ne peut évaluer toutes les ONG. Si le manque de moyens peut être avancé, il semble très difficile de ne pas se pencher sur les comptes et l’organisation de quatre des ONG les plus sollicités par les français.

4/ Les fonds sont-ils correctement utilisés?
La Cour des Comptes a essayé de répondre à la question cruciale quand il s’agit d’argent. Eh bien, les magistrats estiment que “le constat est largement – mais pas totalement – positif (…)” Autant dire qu’ils sont admiratifs. Un problème s’était posé et se reposera : les 10€ apportés par un donateur pour Haïti peuvent-ils être consacrés à une autre cause, aussi bonne soit-elle? MSF avait posé cette question en demandant proclamant très rapidement que les besoins immédiats étaient largement couverts. De fait, un afflux massif d’argent ne peut être utilisé en quelques jours. Un an après le tsunami 66% des fonds collectés n’avaient toujours pas été affectés, directement ou indirectement, aux victimes. Si MSF était à 0% de fonds non utilisés, la Croix Rouge n’avait consacré que 15% de ses fonds destinés au tsunami et le Secours Catholique 20%. Le président de MSF, enfonçait le clou en soulignant dans sa réponse à la Cour des comptes, qui ne lui reprochait rien : “deux euros sur trois, pour les 9 organismes qui ont réalisé 90 % de la collecte en France, n’ont pas été dépensés dix-huit mois après le démarrage des opérations.” En clair, cela veut dire qu’il faut donner en sachant que l’argent n’ira pas forcément aux victimes qui ont soulevé l’émotion.

PhDx

(1) Etat des lieux de la générosité des Français (3 décembre 2009)
(2) 2,47 millions au 2ème semestre 2009, +9% par rapport à l’année précédente.
(3) 85 millions d’euros de dons, soit une augmentation de 5% par rapport au deuxième trimestre de 2008.

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