Le sang de l’Argentine

Cabezon-Sinay

Chose promise, petit retour sur la Semana Negra, le festival polar le plus important d’Europe, qui s’est déroulé du 9 au 18 juillet dernier. Un rendez-vous qui permet, chaque année, de faire des découvertes et des rencontres. Cette fois, c’est le maître Taibo II en personne qui me pousse, m’ordonne presque, de me ruer vers les livres de deux auteurs argentins. “Il faut absolument que tu lises leurs livres, ce sont de nouvelles voix argentines, une nouvelle génération d’écrivains qui est en train de naître”, me dit-il la moustache frétillante avant de s’allumer une émième cigarette.

Paco Taibo II est généralement de bon conseil. Me voilà donc rapidement en possession des exemplaires de La Virgen Cabeza et de Sangre Joven. Le premier est un roman qui nous entraîne dans les villas miserias, les bidonvilles, de Buenos Aires, et nous fait connaître une galerie de personnages assez loufoques, dont un transexuel déjanté qui parle à la Vierge Marie… Le second est un document qui retrace plusieurs faits-divers, des crimes commis par des jeunes de 15 à 25 ans sur d’autres jeunes du même âge. Les deux livres ont bien des choses en communs. Ce sont deux premières oeuvres d’abord, leurs auteurs sont tous deux journalistes pour de grands médias argentins et ils sont marqués par un style, une écriture vive, courte, nerveuse qui ne laisse pas une minute de répit. Les jurys des prix de la Semana Negra ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisque Sangre Joven a reçu le Walsh (meilleur livre de non fiction) et La Virgen Cabeza était finaliste du Silverio Cañada (meilleur premier roman).

Gabriela Cabezón a 42 ans. Son compère, Javier Sinay, lui a 30 ans. Difficile dans ces conditions de parler d’une nouvelle génération comme le dit Taibo. “Il est plus juste de parler d’un groupe d’une dizaine d’écrivains qui partagent la même vision de l’écriture, du polar et de notre pays”, précise Gabriela, cherchant l’approbation de Javier du regard. Beaucoup de monde autour de nous au Don Manuel et beaucoup de monde qui nous interrompt pour parler et féliciter ces deux auteurs, fers de lance d’un nouveau mouvement littéraire comme seule l’Argentine peut en créer. “Elle est en crise permanente ou quasi permanente et elle nous offre un terrain fertile”, expliquent les deux d’une même voix.

Ces noms ne vous diront donc sûrement rien. Mais ils devraient prochainement débarquer en France dans les librairies si les éditeurs français font bien leur travail. Espérons-le car ils semblent être là pour un bon moment. Et pour ceux qui ont la chance de lire l’espagnol, n’hésitez pas une seconde, ces deux livres sont les compagnons de plage tous trouvés pour les vacances.

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Photos : Paolo Bevilacqua. Javier Sinay et Gabriela Cabezón au milieu des stands de la fête foraine de la Semana Negra après avoir présenté leurs livres au public.

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